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L’Initial Coin Offering (ICO) : zoom sur une nouvelle méthode de levée de fonds. Par Betty Sfez, Avocat.
Parution : vendredi 7 juin 2019
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L’ICO (Initial Coin Offering), phénomène récent dans le paysage des modes de financement, tend à s’imposer comme un moyen inédit, pour les entreprises innovantes, de lever des fonds.
Reposant sur la technologie blockchain, l’ICO fonctionne sans organe de contrôle et permet le stockage et la transmission d’informations sécurisée grâce à la cryptographie. L’ICO implique l’émission d’actifs numériques (les tokens) échangeables contre des cryptomonnaies (par ex., des bitcoins).

Ces tokens peuvent revêtir de nombreuses caractéristiques techniques variant considérablement d’un projet à un autre. Il est toutefois possible de les classifier, de manière schématique, de la manière suivante :

- Les tokens dits d’usage (utility token) : ils octroient un droit d’usage à leur détenteur en leur permettant d’utiliser la technologie et/ou services distribués par l’initiateur de l’ICO ;
- Les tokens offrant des droits politiques (votes) ou des droits financiers (dividendes) (security token) : ils s’apparentent, dans ce cas, à des actions. Seule une minorité d’ICO (à peine plus de 10%) donne lieu à l’émission ce type de tokens.

1. Caractéristiques communes de l’ICO avec d’autres méthodes de financement.

S’agissant d’un nouveau type de levée de fonds, l’ICO partage des similarités avec les méthodes de financement classiques telles que le financement participatif (crowdfunding), le capital-risque ou encore l’offre publique.

Financement participatif.
- Levée de fonds auprès de potentiels futurs utilisateurs ou consommateurs ;
- Évaluation du succès futur du bien ou du service ;
- Constitution d’une communauté ;

Capital-risque.
Les investisseurs achètent une option sur une faible probabilité de croissance de l’entreprise.

Offre publique.
- Levée importante de fonds
- Estimation de la valeur de marché de l’entreprise
- Outil de marketing pour favoriser la visibilité du projet

2. Avantages spécifiques de l’ICO.

Pour autant, l’ICO se distingue de ces modes de financements à bien des égards, et présente des avantages majeurs pour les entreprises innovantes qui auraient des difficultés à mobiliser des capitaux par le biais des canaux de financement traditionnels.

- Mobilisation plus rapide et à moindre coût du capital nécessaire au développement du projet.
- Pas d’effet dilutif pour les actionnaires initiaux lorsqu’il s’agit d’utility token puisque les investisseurs n’entrent pas au capital.
- L’ICO est réalisée hors plateforme de vente (crowdfunding) et tiers intermédiaires (banques, auditeurs etc.) venant ainsi considérablement baisser le coût global de l’opération.
- Liquidité des tokens qui peuvent être facilement échangés (ex. token ou cryptomonnaie) par les investisseurs.

3. Risques liés à une opération d’ICO.

Jusqu’à récemment en France, les ICO échappaient à toute règlementation. Cette absence de cadre légal et la nature technologique des ICO faisaient courir de nombreux risques aux investisseurs potentiels :

Risque lié à l’absence de documentation d’information sur la société concernée (ex. prospectus) : le manque d’information quant aux initiateurs de l’ICO et/ou sur la réalité du projet porté peut empêcher les investisseurs d’investir en connaissance de cause.

Risque lié à la perte en capital : l’investissement dans une ICO est une opération hautement spéculative.

Risque lié à la volatilité ou l’absence de marché des tokens : la valeur des tokens est extrêmement variable et il est possible qu’aucun marché de revente ne se développe de sorte que les détenteurs de tokens ne puissent pas les revendre ou à des conditions non satisfaisantes.

Risque d’escroquerie, de blanchiment d’argent ou de financement du terrorisme : en l’absence d’information et de transparence sur les projets portés, les initiateurs pourraient ne pas utiliser les fonds levés conformément à ce qui avait été annoncé. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle certains régulateurs étrangers ont décidé d’interdire purement et simplement les ICO.

Risque lié aux projets financés : les projets financés sont généralement à un stade très précoce de leur développement et n’ont, dans certains cas, pas encore connu d’application concrète.

Désormais, et ce depuis le plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises (dite loi Pacte), un cadre législatif a été mis en place afin de limiter les risques précités.

Nous aborderons dans un prochain article à paraître les solutions pratiques et juridiques à mettre en place afin d’encadrer et donc sécuriser le recours à une ICO.

Betty SFEZ Avocat