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La protection des Droits de l’homme : entre théories et renoncements, le cas de la lutte contre le terrorisme. Par Cyprien Mushonga Mayembe, Avocat.
Parution : mercredi 12 juin 2019
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Dans un monde où coexistent diverses puissances globales et régionales, traditionnelles et émergentes, la promotion du respect des droits de l’homme, de même que la résolution des crises, des conflits et des défis globaux, deviennent plus complexes. Grâce notamment à leur poids économique croissant, certains pays sont désormais, des nouveaux pôles de pouvoir ou aspirent à ce rôle et s’engagent avec toujours plus d’assurance sur la scène internationale.

D’une réalité à une autre, la fin de la guerre froide nous a amené dans son berceau la disparition brutale de la figure classique de l’ennemi des Etats-Unis et des Etats européens incarné dans l’ogre soviétique. Ainsi, la période dite post bipolaire a cédé le terrain à une autre période d’indétermination quant aux figures et aux formes de l’ennemi et de la menace : le terrorisme (A).

Dès lors, le ‘’terrorisme’’ s’est progressivement imposé comme l’une des figures majeures de la menace contemporaine avant d’être hissé, au lendemain de l’attentat du 11 septembre 2001, au rang de menace principale pour la paix et la sécurité internationale.

Le droit international des droits de l’homme étant constitué d’un ensemble des règles qui consacrent l’interdiction absolu des actes de torture, la liberté d’expression, le droit à une procédure régulière et à un procès équitable, le respect au principe de non-discrimination, la liberté et la sécurité de la personne, le droit à la vie, la liberté d’association, les droits économiques, sociaux et culturels, et l’on pourrait ajouter longtemps à la liste ; se trouve malheureusement à la croisé de chemin quant à la promotion et la protection de ses noyaux durs face aux menaces grandissantes du terrorisme.

En effet, les actes du terrorisme sont largement dirigés contre les grands éditeurs des règles des droits de l’homme qui finissent par régler leurs compte aux terroristes, et cela, en violation des règles des droits de l’homme dont ils étaient jadis, défenseurs. Eu-égard à ce qui précède, l’on se pose alors la question de savoir : est ce que les règles des droits de l’homme sont-elles respectées ou ne sont restées qu’une simple théorie face aux menaces du terrorisme (B) ? Si tel est le cas, quels sont les défis à relever afin d’assurer la promotion et le respect des droits de l’homme dans le monde face aux actes de terrorisme ?

A. Le terrorisme.

1) La controverse sur le sens et la portée du concept ‘’terrorisme’’ en Droit international.

Une définition de carence.

La trace initiale de l’effort de définition de la notion de terrorisme, en droit international, se retrouve dans la troisième session de la Conférence internationale pour l’unification du droit pénal qui a eu lieu à Bruxelles en 1930. En référence à une résolution antérieure, l’acte de terrorisme est défini de manière très élargie comme « l’emploi intentionnel de tous les moyens capables de faire courir un danger commun ».

Le débat de la définition au sein même de la Société des Nations (SDN) naît suite à l’assassinat à Marseille le 9 octobre 1934 du souverain Yougoslave Alexandre 1er de Serbie. Après cet attentat, le gouvernement français proposa, d’une part, au Conseil de la SDN l’élaboration d’une convention internationale pour la prévention et la répression du terrorisme et, d’autre part, la création d’une cour pénale internationale. Le Comité chargé de la rédaction de ces deux conventions les rédigea dans un texte qui fut adopté à Genève, le 16 novembre 1937, par la Conférence internationale sur la répression du terrorisme. Bien que ces conventions n’entrèrent jamais en vigueur, elles n’en constituent pas moins un pas décisif dans l’histoire de la répression des infractions internationales. A la suite de cet échec, l’Organisation des Nations unies n’aborda la question du terrorisme que de façon incidente, et ne s’en saisit à nouveau qu’après la prise d’otages des athlètes israéliens pendant les jeux olympiques de Munich en 1972.

2) Les principales causes du terrorisme.

a) La politique étrangère des américains.

Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, les américains se sont illustré dans la politique d’agression envers d’autres Etats. En effet, les américains, pour ceux qui ne l’auraient pas encore compris, sont les leaders par excellence du monde dit ‘’libre’’. Ce sont eux qui accordent la confiance ou la retirent, donnent leur aval ou le refusent à telle ou telle alliance, telle organisation internationale, quelques que soient les parties contractantes. Leurs services de renseignements ont participé, toujours au nom de leur principe sacro-saint de la ‘’sécurité nationale américaine’’, au renversement de régimes réformateurs et démocratiques issus du suffrage universel au Guatemala, en République dominicaine, au Brésil, au Chili, en Grèce, en Indonésie, en Bolivie, en Haïti. Ces mêmes services américains ont contribué à des actions de déstabilisation, contre des gouvernements légitimes à Cuba, en Angola, au Mozambique, en Ethiopie, au Cambodge, au Timor Oriental , au Liban, au Pérou, en Irak, en République démocratique du Congo (renversement du régime de Maréchal Mobutu et le décès tragique de Président Laurent Désiré Kabila) ; et plus récemment en Lybie, en Somalie et le régime de Bashal Alasad en Syrie qui est en train de frôler le pire grâce aux Russes, etc.

Le Venezuela est actuellement en voie de subir à son tour cette politique. Quel que soit le parti auquel appartient le nouveau Chef d’Etat américain (républicain ou démocrate), ce dernier est obligé de pérenniser cette mauvaise politique étrangère : politique de deux poids et deux mesures.

Les Etats arabes et africains victimes de cette mauvaise politique étrangère des États-Unis, développent des sentiments criminels du terrorisme afin de répliquer à leur tour par des actes de terrorisme aux américains et à leurs alliés : la France, l’Angleterre, etc.

b) La mondialisation.

De manière générale, la mondialisation peut être définie comme un phénomène socioéconomique qui se manifeste par l’extension du capitalisme et l’intensification de la circulation des biens et des services grâce aux nouvelles technologies de l’information et de la communication.
Cependant, le concept ‘’‘mondialisation‘‘ est tributaire des idéologies qui influencent les penseurs de tous les horizons. C‘est ainsi qu‘on distingue entre autres une approche objective et une approche subjective de la mondialisation, mais ici, c’est son sens subjectif qui nous intéresse.
Ainsi du point de vue subjectif, la mondialisation est conçue comme un phénomène qui se traduit par l‘extension du capitalisme libéral et qui, de ce fait, devient le principe gouvernant toutes les relations économiques en étendant au monde entier un système inégal dans lequel les riches deviennent toujours plus riches et les pauvres toujours plus pauvres.
Et c’est de ce point de vue subjectif que la mondialisation est perçue comme une des causes du terrorisme.

La mondialisation est devenue insensée au sens propre, puisque l’instrument économique se substitue à la finalité au lieu de la servir, les frontières entre le moral et l’immoral, le légitime et l’illégitime disparaissent. Toutes les conditions étaient requises pour provoquer le désespoir, puis l’action et la réaction des peuples, qui peut être pacifique à travers les grandes mobilisations du mouvement anti-mondialisation (constitué principalement par les ONG, les syndicats des travailleurs, les intellectuels...), mais aussi sanglante qui culmine avec des attentats terroristes, puisque ‘’quand on sème le désespoir, on récolte fatalement la violence’’. Ainsi, la pauvreté, le chômage, la différence de strate sociale, etc. provoqués par la mondialisation deviennent d’autres causes du terrorisme.

c) L’immigration clandestine.

Partout en Afrique, en Syrie, en Irak, en Afghanistan, etc., la médiocrité de l’environnement politique, économique et social provoquée par la guerre et la mauvaise gouvernance politique a exacerbé l’immigration clandestine lequel, à son tour, a aggravé le taux d’attentats terroristes dans les Pays européens et aux Etats-Unis d’Amérique. En effet, ces guerres sont souvent provoquées par des puissances (USA, France, etc.) en quête de leurs intérêts. La population issue des Etats victimes des guerres provoquées par ces puissances et abandonnée à son triste sort, n’a d’autres moyens de se venger que d’aller organiser des attentats terroristes dans les pays européens et aux Etats-Unis d’Amérique.

En Afrique par exemple, on se souviendra du cas de la Lybie, qui, au début de l’an 2011, a fait échos sur la scène internationale, par la chute du Colonel Mouammar Kadhafi, au pouvoir depuis 42 ans, en raison de la révolte populaire. Généralement, les médias occidentaux décrivaient la Libye comme une dictature classique, avec à sa tête un chef entouré de son clan, confisquant la richesse du pays à des fins personnelles. Le Président Mouammar Kadhafi était, de par sa traditionnelle extravagance, présenté comme une personne insensée, malade et folle. Mais cette vision que donnaient les médias occidentaux et américains appelle différentes questions importantes. Comment un fou pouvait-il diriger un si grand et riche pays durant 42 ans et mettre sa population dans des bonnes conditions sociales ? Est-ce que la Libye était une dictature comme les autres ? Après la chute du Colonel Mouammar Kadhafi, quel est l’état actuel de la Lybie ? Les réponses à toutes ces questions démontrent que les raisons soutenues par les puissances pour chasser le Colonel Mouammar Kadhafi du pouvoir et détruire la Lybie n’étaient que des prétextes. Les conséquences qui suivent de tels agissements des puissances ne peuvent que pousser une partie de peuple lybien à l’immigration clandestine vers l’Europe et aux Etats-Unis d’Amérique à la recherche de survie, et d’autres lybiens animaient par l’esprit de vengeance développent, dès lors qu’ils arrivent dans ces pays, un comportement criminel d’actes de terrorisme.

B. L’incidence de la répression des actes du terrorisme sur le respect des droits humains.

1) La création d’une maison pénitentiaire occulte : Guantanamo base matricielle et planétaire des terroristes capturés.

La Maison-Blanche s’est écartée des règles des droits humains et droit international humanitaire pour s’engager sur le terrain de l’exceptionnalité dès l’instant où elle a décidé d’instaurer des tribunaux militaires d’exception pour juger des non-citoyens (étrangers) suspectés d’activités terroristes ; et qu’elle s’est refusée à considérer les captifs d’Afghanistan comme des prisonniers de guerre, pour leur préférer le statut de « combattant illégal ».
La situation des détenus a très tôt soulevé de vives inquiétudes et fondé la controverse. A titre illustratif, dès les premiers mois suivant la fin des hostilités en Afghanistan, quelque 760 prisonniers originaires d’une quarantaine de pays ont été transférés sur la base de Guantanamo dans des conditions inhumaines et dégradantes.

2) Le non-respect du droit à une procédure régulière et à un procès équitable.

La garantie des droits relatifs à une procédure régulière, notamment pour les individus soupçonnés d’activités terroristes, est essentielle pour assurer que les mesures antiterroristes soient efficaces et respectent la légalité. Les protections dont bénéficient toutes les personnes accusées d’infractions pénales, y compris de crimes liés au terrorisme, comprennent notamment le droit à la présomption d’innocence, le droit à ce que sa cause soit entendue équitablement et dans un délai raisonnable par un tribunal compétent, indépendant et impartial, et le droit de faire examiner par une juridiction supérieure répondant aux mêmes critères la déclaration de culpabilité et la condamnation. Or, à la lumière des cas susmentionnés, les prisonniers de Guantanamo n’ont pas bénéficié de certains droits fondamentaux : droit à procès équitable, à une procédure régulière et le principe de présomption d’innocence. Ces droits sont plutôt restés dans un régime suspensif.

Conclusion.

Le terrorisme vise la destruction même des droits de l’homme, de la démocratie et de l’état de droit. Il s’attaque aux valeurs qui sont au cœur de la Charte des Nations Unies et d’autres instruments internationaux.
Cependant, dans la répression des actes terroristes, l’on doit également tenir compte des exigences des droits humains : droit à une procédure régulière et à un procès équitable, du respect au principe de non-discrimination, la liberté et la sécurité de la personne, le droit à la vie, l’interdiction absolue de torture, etc.
Mais, tous ces droits sont souvent mis en veilleuse par les Etats européens et les Etats-Unis lorsqu’ils sont victimes du terrorisme et lorsque les présumés auteurs ou les auteurs des actes de terrorisme sont arrêtés sur leur sol.
Cet état de chose rend la mise en œuvre des règles de droits humains difficile. Or, les Etats-unis et la plupart des Etats européens font partis des précurseurs des règles des droits de l’homme contenues dans la Déclaration universelle des droits de l’homme, DUDH en sigle, adoptée par l’Assemblée générale des Nations-Unies du 10 décembre 1948 à Paris au Palais de Chaillot par la résolution 217 (III).
Puisqu’il en est ainsi, nous proposons que ces Etats précurseurs des droits humains appliquent strictement, même en cas de terrorisme, les règles des droits humains qu’ils avaient eux-mêmes adoptées afin de garantir les droits fondamentaux de l’homme tels que proclamés par la DUDH. Dans le cas contraire, les droits humains ne resteront qu’une simple théorie.
En sus, les Américains sont appelés à modérer leur politique étrangère en Asie et en Afrique. Car c’est leur politique d’oppression aux Etats arabes et africains qui est à la base du terrorisme.

Sources :
- Marie Yaya Doumbe Brunet, Crimes contre l’humanité et terrorisme, Thèse de Doctorat en Droit, inédite, Université de Poitiers, soutenue le 17 avril 2014 ;
- Baudoui Rémi, Les défis du terrorisme, Ellipses, Paris, 2007 ;
- El Khadir Mahmoud, Terrorisme : les causes et les remèdes, mémoire de Licence, inédit, Université Mohamed I, Faculté des Sciences Juridiques Économiques et Sociales, Section : Droit public // Option : Relations Internationales, année-universitaire 2004-2005.

Article dans son intégralité à lire ci-après.

La protection des droits de l’homme : entre théories et renoncements. Cas de la lutte contre le terrorisme. Par Cyprien Mushonga Mayembé.
Cyprien MUSHONGA MAYEMBE Avocat et personnel scientifique de l'Université étatique de Kalemie en République démocratique du Congo