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"Grand Paris Express" et commerçants impactés par les nuisances des travaux : comment se faire indemniser ? Par Pierre Surjous, Avocat.
Parution : mercredi 12 juin 2019
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Quatre nouvelles lignes de métro, plus d’une soixantaine de nouvelles gares : le chantier titanesque du Grand Paris Express a de quoi séduire !

Si la construction de tous ces équipements - étalée sur une quinzaine d’années - va constituer un important vecteur d’activités pour les entreprises qui participent aux chantiers, elle risque d’impacter les affaires de nombreux commerçants : baisse du chiffre d’affaires, nuisances sonores...

Ces professionnels pourront alors prétendre à une indemnisation. Pour peu qu’ils justifient de l’existence de véritables préjudices.

1 Démontrer l’existence d’un préjudice… et le chiffrer !

Ces préjudices sont le plus souvent liés à des contraintes relatives à l’accessibilité des lieux. Le commerçant doit donc démontrer que l’accès à son commerce est devenu très difficile du fait de la réalisation des travaux.

Plusieurs éléments peuvent être utilisés :
- la configuration des lieux ;
- la diminution des places de stationnements ;
- la durée de la gêne occasionnée par les travaux ;
- l’allongement du temps de trajet pour les clients.

Il devra ensuite établir le préjudice en lui-même. A charge pour lui de produire des bilans, éventuellement une attestation de son expert-comptable, et tout autre document montrant une baisse du chiffre d’affaires du commerce pendant la période des travaux.

Mais ce n’est pas tout ! Encore faut-il qu’il existe un lien de causalité entre les travaux et le préjudice. D’autres raisons de nature à expliquer une baisse, telles que l’émergence de concurrents ou une mauvaise gestion, ne pourront être retenues.

Si l’on s’en tient aux affaires déjà jugées, le lien de causalité semble être caractérisé lorsque la perte de chiffre d’affaires est significative (au moins 20%) et coïncide dans le temps avec les travaux.

L’indemnité accordée sera établie en fonction du taux de marge brute du commerçant, et/ou en fonction des factures produites, dans l’hypothèse où il est demandé le remboursement des travaux d’adaptation réalisés par le commerçant (travaux d’isolation phonique, aménagement d’un accès au commerce, etc.).

2. Saisir la Commission d’Indemnisation Amiable.

La Maîtrise d’Ouvrage des travaux a été confiée à la Société du Grand Paris. C’est auprès de cet Etablissement Public que devra être effectuée la demande d’indemnité via la saisine de la Commission d’Indemnisation Amiable – à moins que le plaignant ne préfère saisir directement le juge administratif ce qui n’a en soi pas un grand intérêt.

Le recours à cette Commission permet en effet d’obtenir une indemnisation plus rapide que devant le juge. C’est un élément à prendre en considération, notamment si le commerce fait face à des difficultés financières. De plus, l’appréciation de la Commission est animée d’un esprit de conciliation.

Présidée par un magistrat des tribunaux administratifs, cette Commission qui se réunit une fois par mois est composée de personnes qualifiées et notamment de représentants de la Société du Grand Paris, de la Chambre de Commerce et d’Industrie Paris Île-de-France, ou encore de la Chambre des Métiers et de l’Artisanat d’Île-de-France.

Concrètement, le commerçant doit remplir un formulaire d’indemnisation disponible sur le site.

Par précaution, il est recommandé de l’adresser en parallèle par courrier recommandé avec accusé de réception, à la Société du Grand Paris (Direction de la valorisation et du patrimoine, Secrétariat de la Commission d’Indemnisation Amiable, 30, avenue des Fruitiers 93200 Saint-Denis).

La Commission est chargée de rendre un avis sur les demandes d’indemnités. La décision est ensuite prise par le Directoire de la société du Grand Paris qui, pour des raisons budgétaires, peut minorer la proposition d’indemnité faite au commerçant.

3. Saisir le juge administratif en cas de litige.

En cas de désaccord, le commerçant a la faculté de contester cette décision en saisissant le juge administratif. Et ce dans un délai de deux mois.

Ce recours doit reprendre les éléments de droit et de fait justifiant la demande d’indemnisation, c’est-à-dire, en l’occurrence, caractériser le préjudice et le chiffrer.

Il doit en outre être accompagné de la décision contestée ainsi que de l’ensemble des pièces justifiant le préjudice du commerçant (pièces comptables, etc.).

Le juge n’étant lié ni par l’avis de la Commission d’Indemnisation ni par la décision de la Société du Grand Paris, il pourra éventuellement réévaluer le montant de l’indemnité proposée. A la hausse… comme à la baisse !

En effet, le juge administratif peut tout à fait minorer voire réduire à zéro l’indemnité allouée au commerçant. Il sera alors impossible pour celui-ci de revenir en arrière et de demander le versement de l’indemnité initialement proposée par la Commission.

Pierre Surjous Avocat à la Cour https://www.surjous-avocat.fr/