Village de la Justice www.village-justice.com

Procédure de reconnaissance des accidents du travail et maladies professionnelles : quels changements à compter du 1er décembre 2019 ? Par Emmanuelle Destaillats, Avocat.
Parution : jeudi 13 juin 2019
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/nouvelle-procedure-reconnaissance-des-accidents-travail-maladies,31764.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

Le décret n°2019-356 du 23 avril 2019 modifie la procédure de reconnaissance des accidents du travail et des maladies professionnelles relevant du régime général. ]modifie la procédure de reconnaissance des accidents du travail et des maladies professionnelles relevant du régime général.

Applicable aux AT-MP déclarés à compter du 1er décembre 2019, la nouvelle procédure encadre la formulation de réserves par l’employeur et l’instruction des dossiers par la Caisse Primaire d’Assurance Maladie (CPAM).

Je vous propose un tour d’horizon des nouveautés à venir.

I. L’information de l’employeur sur l’accident de travail et sa déclaration à la CPAM désormais possible « par tous moyens ».

A.Information par le salarié à l’employeur.

La victime d’un accident du travail doit en informer ou en faire informer son employeur dans la journée de l’accident ou, au plus tard, dans les 24 heures.

Cette déclaration doit actuellement être envoyée par lettre recommandée, si elle n’est pas directement faite de vive voix à l’employeur ou à son préposé sur le lieu de l’accident.

Le décret prévoit qu’à compter du 1er décembre 2019, cette information pourra être effectuée « par tout moyen conférant date certaine à sa réception ».

B. Déclaration par l’employeur à la CPAM.

L’employeur, une fois informé de l’accident, doit le déclarer à la CPAM dont relève la victime dans les 48 heures (non compris les dimanche et jours fériés), par lettre recommandée avec demande d’avis de réception.

Là encore, le décret du 23 avril 2019 prévoit qu’à compter du 1er décembre 2019, la déclaration d’accident sera effectuée par tout moyen conférant date certaine à sa réception.

II. La formulation de réserves motivées par l’employeur enserrée dans un délai de 10 jours francs.

L’employeur peut émettre auprès de la caisse des réserves motivées sur le caractère professionnel de l’accident dès sa déclaration ou pendant la période d’instruction du dossier par la CPAM. 

Le décret du 23 avril 2019 encadre désormais la formulation de réserves par l’employeur dans un délai de 10 jours francs.

Ce délai courra :
- à compter de la date de la déclaration de l’accident auprès de la CPAM lorsqu’elle émanera de l’employeur ;
- à compter de la date de réception par l’employeur du double de la déclaration transmis par la CPAM lorsqu’elle émanera du salarié.

Un jour franc est un jour entier de 24 heures, de 0h00 à minuit. Un délai exprimé en jours francs comprend des jours entiers. Il commence donc à courir le lendemain de l’événement.

Le dernier jour du délai compte entièrement dans le délai. Par ailleurs, le délai expirant un samedi, un dimanche, un jour férié ou chômé est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant.

Les réserves pourront être adressées par tout moyen conférant date certaine à leur réception.

Pour rappel, il n’y a de réserves que pour autant que les observations de l’employeur portent sur les circonstances de temps et de lieu de l’accident ou sur l’existence d’une cause étrangère au travail et sont suffisamment précises.

III. La création de plusieurs délais encadrant la procédure d’instruction par la CPAM.

A. La procédure d’instruction en cas d’accident du travail.

La CPAM disposera toujours d’un délai de 30 jours francs à compter de la date de réception de la déclaration et du certificat médical initial pour statuer sur le caractère professionnel de l’accident, ou pour engager des investigations si elle l’estime nécessaire ou si l’employeur a émis des réserves motivées.

Si des investigations sont mises en œuvre, la CPAM disposera de 90 jours francs à compter de cette même date pour statuer. Un questionnaire portant sur les circonstances ou la cause de l’accident devra dans ce cas être adressé aux parties dans le délai de 30 jours précité.

Celles-ci auront 20 jours pour y répondre.

La CPAM informera les parties de la date d’expiration du délai de 90 jours lors de l’envoi du questionnaire ou, le cas échéant, lors de l’ouverture de l’enquête.

A l’issue de ses investigations et au plus tard 70 jours francs après réception de la déclaration et du certificat médical initial, la CPAM devra mettre le dossier à la disposition des parties, qui disposeront alors de 10 jours francs pour le consulter et faire connaître leurs observations, lesquelles seront annexées au dossier.

Une fois ce délai écoulé, les parties pourront consulter le dossier sans toutefois pouvoir formuler d’observations.

La CPAM devra informer les parties des dates d’ouverture et de clôture de la période de consultation du dossier et de celle au cours de laquelle ils pourront formuler des observations au plus tard 10 jours francs avant le début de la période de consultation, par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information.

B. La procédure d’instruction en cas de maladie professionnelle.

Actuellement, la CPAM dispose d’un délai de 3 mois pour statuer sur le caractère professionnel d’une maladie ou pour saisir le C2RMP (Comité Régional de Reconnaissance des Maladies Professionnelles).

A compter du 1er décembre 2019, ce délai sera porté à 120 jours francs.

Ce délai commencera à courir à compter de la date à laquelle la CPAM recevra la déclaration et le certificat médical initial et à laquelle le médecin-conseil disposera des résultats des examens médicaux complémentaires exigés, le cas échéant, par les tableaux de maladies professionnelles.

Durant cette période la caisse engagera des investigations et enverra un questionnaire aux parties qui disposeront d’un délai de 30 jours francs à partir de la date de sa réception pour y répondre.

Les parties seront informées de la date d’expiration de la période de 120 jours lors de l’envoi du questionnaire ou de l’ouverture de l’enquête éventuellement diligentée.

A l’issue de ses investigations, et au plus tard 100 jours francs à compter de l’ouverture du délai de 120 jours, la CPAM devra mettre le dossier à disposition des parties qui disposeront de 10 jours francs pour le consulter et faire connaître leurs observations, qui seront annexées au dossier.

Une fois ce délai écoulé, les parties garderont un accès au dossier sans toutefois pouvoir formuler d’observations.

La CPAM devra informer les parties des dates d’ouverture et de clôture de la période de consultation du dossier ainsi que de celle au cours de laquelle ils pourront formuler des observations, par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information, au plus tard 10 jours francs avant le début de la période de consultation.

Un délai supplémentaire crée en cas de saisine du CRRMP

En cas de saisine d’un CRRMP, la CPAM disposera d’un délai supplémentaire de 120 jours, dont elle devra informer les parties par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information.

La caisse mettre alors le dossier à la disposition des parties pendant 40 jours francs qui pourront le consulter, le compléter et faire connaître leurs observations au cours des 30 premiers jours. La CPAM et le conseil médical disposeront du même délai pour compléter le dossier.

Au cours des 10 jours suivants, seules la consultation et la formulation d’observations resteront possibles pour les parties.

La CPAM informera les parties des dates d’échéances de ces différentes phases par tout moyen conférant date certaine à la réception de cette information.

La CPAM notifiera immédiatement aux parties la décision de reconnaissance ou de refus de reconnaissance de l’origine professionnelle de la maladie conforme à cet avis.

C. La procédure d’instruction en cas de rechute.

En cas de rechute ou de nouvelle lésion consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle, la caisse disposera de 60 jours francs à compter de la date de réception du certificat médical correspondant pour statuer sur son imputabilité à l’accident ou à la maladie.

Si l’accident ou la maladie concernée n’est pas encore reconnu lorsque la caisse reçoit ce certificat, le délai de 60 jours court à compter de la date de cette reconnaissance.

La caisse adresse, par tout moyen conférant date certaine à sa réception, le double du certificat médical constatant la rechute ou la nouvelle lésion à l’employeur à qui la décision est susceptible de faire grief.

L’employeur dispose d’un délai de 10 jours francs, à compter de la réception d’un double du certificat médical, pour émettre des réserves motivées auprès de la caisse, par tout moyen conférant date certaine à leur réception.

La caisse transmet sans délai ces réserves au médecin-conseil.

Celui-ci, s’il l’estime nécessaire ou en cas de réserves de l’employeur, adressera un questionnaire médical à la victime ou à ses représentants accompagné desdites réserves.

Le questionnaire devra être retourné dans les 20 jours francs suivant sa réception.

Tableau récapitulatif des changements attendus à compter du 1er décembre 2019.
ActuellementA compter du 1er décembre 2019
Information de l’accident par le salarié à son employeur. Par LRAR à défaut d’information verbale le jour de l’accident ou dans les 24 heures. Par tout moyen conférant date certaine à sa réception à défaut d’information verbale le jour de l’accident ou dans les 24 heures.
Déclaration de l’accident par l’employeur à la CPAM. Par LRAR dans les 48 heures. Par tout moyen conférant date certaine à sa réception dans les 48 heures.
Formulation par l’employeur de réserves motivées. Lors de la déclaration et à tout moment de l’instruction du dossier par la CPAM. Dans le délai de 10 jours francs à compter de la déclaration.
Instruction par la CPAM en cas d’accident du travail. Délai de 30 jours (3 mois maximum en cas d’investigations complémentaires).
Obligation de la CPAM d’informer les parties au moins 10 jours francs avant de prendre sa décision en cas de mesures d’instruction, notamment sur la possibilité de consulter le dossier et la date à laquelle elle prévoit de rendre sa décision.
Délai de 30 jours francs pour statuer ou décider d’engager des investigations ;
En cas d’investigations : 90 jours francs pour statuer avec envoi d’un questionnaire aux parties (20 jours pour y répondre), mise du dossier à la disposition des parties dans un délai de 70 jours francs, possibilité pour les parties de consulter le dossier et formuler des observations pendant 10 jours francs, information des parties sur les dates d’ouvertures et de clôture de la période de consultation au plus tard 10 jours francs avant celle-ci.
Instruction par la CPAM en cas de maladie professionnelle. Délai de 3 mois (6 mois maximum en cas d’investigations complémentaires)
Obligation de la CPAM d’informer les parties au moins 10 jours francs avant de prendre sa décision en cas de mesures d’instruction, notamment sur la possibilité de consulter le dossier et la date à laquelle elle prévoit de rendre sa décision.
Délai de 120 jours francs pour statuer ou saisir le CRRMP + envoi d’un questionnaire aux parties (30 jours pour y répondre), mise du dossier à la disposition des parties au plus tard 100 jours francs à compter de l’ouverture de la période de 120 jours, possibilité pour les parties de consulter le dossier et formuler des observations pendant 10 jours francs, information des parties sur les dates d’ouvertures et de clôture de la période de consultation au plus tard 10 jours francs avant celle-ci.
En cas de saisine du CRRMP : délai d’instruction supplémentaire de 120 jours à compter de la saisine, mise du dossier à la disposition des parties pendant 40 jours avec possibilité de le consulter et de formuler des observations pendant les 30 premiers jours. Les parties sont informées des dates d’échéance des différentes phases.
Instruction par la CPAM en cas de rechute. Investigations par la CPAM avec possibilité pour l’employeur d’émettre des réserves motivées. Délai de 60 jours francs pour statuer sur l’imputabilité de la rechute à l’accident ou à la maladie avec possibilité pour l’employeur d’émettre des réserves motivées dans un délai de 10 jours francs.
Le cas échéant, envoi d’un questionnaire à la victime (à retourner dans les 20 jours francs).
Emmanuelle DESTAILLATS, Avocat spécialiste en droit du travail, droit de la sécurité sociale et droit de la protection sociale
Comentaires: