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Maltraitances d’enfants mineurs : quelles actualités ? Par Océane Bimbeau, Avocat.
Parution : mardi 18 juin 2019
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En France, un enfant est tué tous les 5 jours par ses parents ou ses proches.
En 2016, sur 131 cas d’homicides ou de violences ayant entraîné la mort d’un enfant, 68 impliquaient un parent, grands-parents ou personne du cercle familial.
Le rapport sur les morts violentes d’enfants au sein des familles qui vient d’être publié fait l’évaluation du fonctionnement des services sociaux, médicaux, éducatifs et judiciaires concourant à la protection de l’enfance, et propose 32 recommandations.

Lien entre violences conjugales et violences sur enfants.

Ce rapport confirme d’abord le lien entre les violences conjugales et les violences à l’encontre des enfants.

La recommandation n°18 du rapport prévoit ainsi de :
« Sensibiliser plus encore les magistrats du parquet au lien entre violences conjugales et risque de danger encouru par l’enfant et prendre en compte cet objectif dans l’organisation des services. »

En effet le rapport pointe du doigt la défaillance de certains Magistrats qui ont tendance à sous-estimer l’impact des violences conjugales sur les enfants du couple, considérés trop souvent comme des victimes indirectes.

Différents types de maltraitances.

La maltraitance peut être tant physique que verbale.

Mais la maltraitance peut également résulter d’une privation de soins, et l’article 227-15 du Code pénal prévoit en ce sens que :
« Le fait, par un ascendant ou toute autre personne exerçant à son égard l’autorité parentale ou ayant autorité sur un mineur de quinze ans, de priver celui-ci d’aliments ou de soins au point de compromettre sa santé est puni de sept ans d’emprisonnement et de 100.000 euros d’amende.
Constitue notamment une privation de soins le fait de maintenir un enfant de moins de six ans sur la voie publique ou dans un espace affecté au transport collectif de voyageurs, dans le but de solliciter la générosité des passants. »

La privation de soins est punie de trente ans de réclusion criminelle lorsqu’elle a entraîné la mort de l’enfant.

Le signalement, primordial pour la protection des mineurs.

Ce rapport met également en exergue la défaillance caractérisée de certains organismes.
En effet et parmi les cas étudiés, des traces de coups avaient déjà été constatées, soit par l’entourage des enfants victimes, soit par des professionnels, qui n’ont pas signalé.

Pourtant, le signalement (ou « information préoccupante ») est obligatoire : il s’agit de porter à la connaissance des autorités compétentes un fait préoccupant concernant un enfant.

Il peut exister deux types de situations préoccupantes :
- La santé, la sécurité ou la moralité du mineur peuvent être considérées comme étant en danger, ou en risque de danger ;
- Ou les conditions de l’éducation et du développement physique, affectif, intellectuel et social du mineur peuvent être considérées comme étant gravement compromises, ou en risque de l’être.

En pratique, toute personne ayant connaissance d’un cas de maltraitance (qu’il s’agisse de coups ou de violence physique, mais encore également de privation de soins) doit le signaler.
Il s’agit donc d’une obligation, et non pas d’une option.

D’ailleurs, l’article 434-1 du Code pénal punit de trois ans d’emprisonnement et de 45.000 euros d’amende la non dénonciation de crime dont il est encore possible de prévenir ou de limiter les effets, ou dont les auteurs sont susceptibles de commettre de nouveaux crimes qui pourraient être empêchés, tandis que l’article 434-3 du même Code punit de cinq ans d’emprisonnement et 75.000 euros d’amende le fait, pour quiconque ayant connaissance de privations, de mauvais traitements ou d’agressions ou atteintes sexuelles infligés à un mineur de quinze ans, de ne pas le signaler.

Différence entre signalement et dépôt de plainte.

Le signalement est différent du dépôt de plainte, puisqu’il ne vise pas à obtenir la condamnation de l’auteur d’une infraction, mais à protéger un enfant en danger.

Toute personne peut, et doit, dénoncer une infraction, même lorsqu’elle n’en est pas directement victime.

Ainsi, qu’il s’agisse d’un professionnel de santé, de l’éducation nationale ou d’un proche, toute personne ayant connaissance d’un fait de maltraitance a l’obligation de le signaler.

Au contraire, le dépôt de plainte ne peut être effectué que par une personne directement lésée par l’infraction.

En pratique, comment signaler ?

Depuis la loi n°2007-293 du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, il incombe au Président du Conseil Départemental de recueillir et de traiter les informations préoccupantes concernant les mineurs.

Pour cela, les C.R.I.P (Cellules de Recueil des Informations Préoccupantes) centralisent les informations reçues et évaluent la situation du mineur et les actions à mettre en œuvre.

A défaut de connaissance de ces dispositifs pour tout citoyen, il est également possible de signaler des faits de maltraitance à d’autres entités : les services de police, le 119 (ligne consacrée à l’enfance en danger), le Procureur de la République, le Juge des enfants, etc.

Professionnels de santé et signalement.

Les professionnels de santé sont soumis au secret médical, et l’article 226-13 du Code de procédure pénale prévoit d’ailleurs que :

« La révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15.000 euros d’amende. »
Il est néanmoins fait exception à cette disposition par l’article 226-14 du Code pénal, qui prévoit la dérogation suivante :
1° A celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de privations ou de sévices, y compris lorsqu’il s’agit d’atteintes ou mutilations sexuelles, dont il a eu connaissance et qui ont été infligées à un mineur ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique ;
2° Au médecin qui, avec l’accord de la victime, porte à la connaissance du procureur de la République les sévices ou privations qu’il a constatés, sur le plan physique ou psychique, dans l’exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences physiques, sexuelles ou psychiques de toute nature ont été commises. Lorsque la victime est un mineur ou une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique, son accord n’est pas nécessaire ;
3° Aux professionnels de la santé ou de l’action sociale qui informent le préfet et, à Paris, le préfet de police du caractère dangereux pour elles-mêmes ou pour autrui des personnes qui les consultent et dont ils savent qu’elles détiennent une arme ou qu’elles ont manifesté leur intention d’en acquérir une.
Le signalement aux autorités compétentes effectué dans les conditions prévues au présent article ne peut faire l’objet d’aucune sanction disciplinaire. »

Sur les 32 propositions du rapport, certaines sont pertinentes : carnet de santé numérique pour permettre un suivi médical sans faille des mineurs, compte rendu de visite médiatisée accessible par le Juge aux affaires familiales, ou encore autopsie systématique en cas de décès de mineur, ce qui devrait déjà être le cas.

Il conviendra d’attendre le « Pacte pour l’enfance », annoncé pour cet été par Adrien Taquet, secrétaire d’Etat à la protection de l’enfance, et censé apporter notamment une avancée nette sur le traitement des maltraitances éducatives ordinaires.

Me Oceane BIMBEAU
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