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Imputabilité au service d’une maladie contractée par un fonctionnaire. Par Tiffen Marcel, Avocate.
Parution : jeudi 20 juin 2019
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Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, peut être considérée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l’exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause.

Seul un fait personnel de l’agent ou une autre circonstance particulière ayant spécifiquement conduit à la survenance ou à l’aggravation de la maladie, peut être de nature à détacher la maladie du service.

Ainsi, une dépression contractée par un fonctionnaire peut être reconnue comme imputable au service, même en l’absence de volonté de l’employeur de porter atteinte aux droits, à la dignité ou à la santé de l’agent (CE, 13 mars 2019, req. n°407795).

Par son arrêt du 13 mars 2019 (req. n°407795), le Conseil d’Etat est venu préciser les conditions de reconnaissance de l’imputabilité au service d’une maladie contractée par un agent public.

En l’espèce, Madame A, attachée territoriale, exerçait les fonctions de directrice d’un établissement public d’hébergement pour personnes âgées et dépendantes (EHPAD).

Suite à l’apparition d’un syndrome dépressif majeur, Madame A a sollicité de son employeur, la communauté d’agglomération du Choletais, la reconnaissance de l’imputabilité au service de sa maladie.

Par une décision du 31 juillet 2014, le Président de la communauté d’agglomération du Choletais a rejeté sa demande et a considéré que la dépression de la demanderesse ne pouvait pas être regardée comme étant imputable au service.

Par un jugement du 3 février 2016 (req. n° 1408248), le Tribunal administratif de Nantes a annulé la décision précitée.

Sur appel de la communauté d’agglomération du Choletais , la cour administrative d’appel de Nantes a annulé le jugement susvisé et a rejeté la demande de l’agent, par un arrêt du 9 décembre 2016 (req. n° 16NT01106, 16NT01107),

Le pourvoi de Madame A a été l’occasion, pour le Conseil d’Etat, de préciser les conditions de reconnaissances de l’imputabilité au service d’une maladie contractée par un fonctionnaire ou un agent public contractuel.

En l’occurrence, par son arrêt du 13 mars 2019 (req. n°407795), le Conseil d’Etat a donné une définition de la maladie professionnelle contractée par les agents publics comme suit :

« Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l’exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu’un fait personnel de l’agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l’aggravation de la maladie du service » (CE, 13 mars 2019, req. n°407795).

Surtout, le Conseil d’Etat a précisé que l’absence de volonté délibérée de l’employeur de porter atteinte aux droits, à la dignité ou à la santé de l’agent est sans incidence sur l’imputabilité éventuelle de la maladie au service.

En effet, le Conseil d’Etat a considéré que la Cour avait eu raison de vérifier s’il existait un lien entre les fonctions exercées par la requérante et son affection, et de rechercher s’il n’existait pas des circonstances particulières qui auraient pu permettre de regarder la maladie de l’agent comme détachable du service.

En revanche, le Conseil d’Etat a estimé que la Cour avait commis une erreur de droit en vérifiant si l’employeur de Madame A avait, ou non, eu l’intention de porter atteinte aux droits, à la dignité ou à la santé de l’agent.

Pour le Conseil d’Etat, dès lors que les conditions de travail du fonctionnaire sont directement à l’origine de la maladie de l’agent, celle-ci doit être regardée comme étant imputable au service, quand bien son employeur n’aurait pas eu l’intention de porter atteinte à ses droits, à sa dignité ou à sa santé :

« 6. C’est sans erreur de droit que la Cour s’est attachée à vérifier l’existence d’un lien direct de la maladie de Mme A...avec l’exercice de ses fonctions et qu’elle a recherché ensuite si des circonstances particulières pouvaient conduire à regarder cette pathologie comme détachable du service. En revanche, en jugeant que l’absence de volonté délibérée de l’employeur de porter atteinte aux droits, à la dignité ou à la santé de Mme A... interdisait de reconnaître l’imputabilité au service de l’affection en cause, la cour administrative d’appel a commis une erreur de droit, dès lors qu’il appartient au juge d’apprécier si les conditions de travail du fonctionnaire peuvent, même en l’absence de volonté délibérée de nuire à l’agent, être regardées comme étant directement à l’origine de la maladie dont la reconnaissance comme maladie professionnelle est demandée ».

Tiffen Marcel Avocate au barreau de Paris [->tiffen.marcel@obsalis.fr] [->https://www.obsalis.fr/]