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Le changement de nom pour motif légitime : retour d’expérience. Par Aude du Parc, Avocat.
Parution : mardi 25 juin 2019
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La demande en changement de nom est régie par les textes suivants, qui détaillent la procédure à suivre :
- Les articles 61 à 61-4 du Code civil ;
- La loi n°72-964 du 25 janvier 1972 relative à la francisation des noms et prénoms des personnes qui acquièrent, recouvrent ou se font reconnaître la nationalité française ;
- Le décret n°94-52 du 20 janvier 1994 relatif à la procédure de changement de nom.

La demande en changement de nom pour motif légitime est une requête en apparence très simple à rédiger.

Cependant, le motif légitime n’est pas défini par les textes et il s’agit avant tout d’une construction jurisprudentielle.

Selon la jurisprudence, et à titre d’exemples, sont considérés comme un motif légitime :
- la consonance étrangère d’un nom patronymique (CE 21 avril 1997 décision n° 160716) ;
- l’intérêt légitime de l’enfant au regard notamment de la gravité des faits pour lesquels son père a été condamné et des conséquences que ces faits ont eu sur l’enfant (CE 4 décembre 2009 décision n° 309004) ;
- un motif d’ordre affectif en cas de circonstances exceptionnelles tel que l’abandon brutal de l’enfant (CE 16 mai 2018, décision n°409656) ;
- le désir d’harmoniser son nom avec celui d’autres membres de la famille ayant bénéficié d’un changement de nom définitif (CE 14 janvier 1976, décision n°95724) ;
- lorsque le nom est menacé d’extinction (CE 19 mai 2004, n° 236470) ;
- l’usage constant et continu du nom depuis au moins trois générations (TA Paris, 26 mai 2000 : D.2000. IR 269) ;
- l’homonymie avec un terme péjoratif ou grossier (CE 6 avril 1979 : Lebon 738, CAA de Paris 20 septembre 2012, n°11PA05086).

En revanche, ne sont pas considérés comme un motif légitime :
- le désir d’avoir le même nom de famille que son père ne constitue pas à lui seul un motif légitime (CE 16 mai 2018 n° 408064) ;
- l’absence de tout lien de filiation entre le demandeur et son père biologique dont il voudrait perpétuer le nom (CE 19 février 2009 n°323510) ;
- le fait pour le conjoint, dont l’intérêt légitime à changer de nom a été reconnu, de prendre définitivement le nom de son conjoint, ce nom n’étant qu’un nom d’usage prenant fin à la dissolution du lien matrimonial, sauf convention contraire entre les époux. (CE 18 novembre 2011 n°346670) ;
- l’exercice d’une activité professionnelle (CE 12 mars 1999, n°179718) ;
- les raisons de pure convenance personnelle (Circ. DACS, 17 févr. 2017, NOR : JUSC1701863C, BOMJ nº 2017-05, 31 mai).

Il convient donc de faire une analyse très précise de la jurisprudence, avant de procéder à la demande en changement de nom : en effet, une seule demande en changement de nom pour motif légitime peut être effectuée par personne. Il est très important de travailler le dossier en amont.

De plus, la définition du motif légitime étant jurisprudentielle, il est possible d’être créatif et d’ouvrir la voie à d’autres motifs légitimes que les motifs légitimes habituellement retenus.

Au regard de ce qui précède, prendre les services d’un avocat est plus que recommandé.

Il faut également savoir que la Direction des Affaires Civiles et du Sceau n’est pas joignable par téléphone.

Aucun délai légal n’étant imparti à la Direction des Affaires Civiles et du Sceau pour rendre sa décision, les délais de traitement des dossiers de demande de changement sont souvent traités au-delà du délai raisonnable, comme le précise le Défenseur des droits dans sa décision du 4 décembre 2018 (Décision du Défenseur des droits du 4 décembre 2018, n°2018-252).

Le Défenseur des droits déplore que certains dossiers soient traités sur un délai pouvant atteindre six années, sans que le demandeur soit tenu informé de l’avancement de son dossier.

Si la demande de changement de nom n’est pas traitée dans un délai raisonnable, et après plusieurs relances restées sans effet, il est possible de saisir le Défenseur des droits qui se rapprochera de la Direction des Affaires Civiles et du Sceau afin qu’elle rende sa décision.

La décision de la Direction des Affaires civiles et du Sceau est directement adressée au domicile du requérant, en LRAR, même si la demande en changement de nom a été introduite par un avocat.

Il est possible, en cas de refus, d’introduire un recours gracieux (attention le délai est de deux mois à compter de la décision de refus), ou un recours contentieux pour excès de pouvoir (le délai est également de deux mois). Il est recommandé d’introduire l’un, puis l’autre. La demande de changement de nom est alors réexaminée. Ces deux recours doivent cependant présenter des éléments nouveaux par rapport à la requête initiale.

Aude du Parc AARPI BESSARD du PARC [aduparc@avoparc.com]
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