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"Et si c’était à refaire ?" Des professionnels du droit se confient.
Parution : mardi 16 juillet 2019
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Nous avons demandé à des professionnels du droit ce qu’ils feraient autrement, ou ce qu’ils ne referaient pas du tout dans leur carrière ? Peut-être rien, peut-être tout (on en doute !), peut-être simplement un petit détail ? Notre idée en filigrane : un partage d’expériences pour guider les futurs professionnels du droit.


#croiséedeschemins

Stéphanie Caverot, Legal Counsel - Country Compliance Officer.

"En 1995, mon CAPA en poche, j’ai fait plusieurs candidatures pour ma première collaboration. Un Cabinet m’a demandé de travailler sur un dossier pour me tester, ce que j’ai fait. En parallèle l’Ordre des avocats me proposait aussi une collaboration. J’ai choisi la collaboration à l’ordre. Cette croisée des chemins a été clef car si j’avais choisi le cabinet qui m’avait testée et qui me proposait aussi une collaboration, ma vie aurait été bien différente et je n’aurais peut être pas quitté le barreau pour devenir la juriste d’entreprise que je suis aujourd’hui."

Virginie Delalande, Juriste, coach et conférencière.

(Crédit photo : Alexandre Brendel)

"Je garderai beaucoup de choses...Mais :
Si j’avais à nouveau 20 ans, je referais les mêmes études avec plus de sérénité... A cette époque, je n’avais aucune confiance en moi et j’avais si peur d’échouer !
Je travaillerais davantage en binôme pour nous motiver mutuellement et réviser ensemble. Je me serais inscrite à l’association des étudiants de mon université pour faire un peu plus la fête, sans rivaliser pour autant avec les écoles de commerce !

#écoutersesintuitions

Si j’avais à nouveau 30 ans, j’aurais davantage communiqué sur mon mode de fonctionnement en tant que personne en situation de handicap pour lever plus rapidement les peurs au lieu de me suradapter et de m’épuiser physiquement. Je n’aurais pas non plus hésité à me faire accompagner par un coach pour trouver plus rapidement le bon compromis, mais aussi un meilleur équilibre vie personnelle vie professionnelle.
Et enfin, j’aurais écouté plus souvent mes intuitions. Elles sont tellement puissantes !" [1]

Jérémie Eskenazi, PDG d’une legaltech.

"Si je devais refaire quelque chose, ce serait créer Wonder.Legal plus tôt. La plupart des technologies utilisées aujourd’hui par les Legaltech étaient déjà disponibles il y a quinze ans.

#changementdementalité

Nous aurions donc pu créer Wonder.Legal et connaître notre succès fulgurant il y a quinze ans. Mais ce qui a empêché l’émergence des Legaltech plus tôt, c’est surtout qu’il a fallu attendre un changement des mentalités, du public comme des avocats, vis-à-vis de l’utilisation des nouvelles technologies dans le droit."

Julie Holzem, Conseiller de Tribunal administratif.

"Une personne est un être différent à chaque étape de sa vie et l’évolution qu’elle connaît implique d’accepter de faire le deuil de celle qu’elle a été. Chaque étape de notre vie est la résultante d’un processus de construction à part entière dont aucune des facettes ne peut ou ne doit être modifiée.

#processusdeconstruction

Et s’il m’était même donné de revenir en arrière pour pouvoir parler à l’enfant, l’adolescente, la jeune femme que j’ai été, je crois que je n’oserais même pas un mot d’encouragement car le doute et la sensation constante d’être perfectible ont œuvré pour faire aujourd’hui la personne que je suis." [2]

Mélodie Kudar, Avocate.

"Cela fait maintenant 4 ans et demi que j’ai créé mon propre cabinet. Initialement installée à Paris, j’ai pris la décision en 2016 de m’installer au barreau de Versailles pour des raisons personnelles. Et si c’était à refaire ? Je referai exactement la même chose et de la même manière. Je ne regrette rien.

#sansregret

Je suis libre aujourd’hui de défendre tous ceux que je souhaite, à ma façon. Je suis libre dans la gestion de mon temps, de mes dossiers, de mes stratégies. On dit souvent que la liberté n’a pas de prix, c’est faux, elle en a un. Ça coûte cher d’être libre mais pour rien au monde je ne changerai de vie !" [3]

Emile Meunier, Avocat.

"Je referais du droit et redeviendrais avocat. Cette profession m’apporte une liberté que tous les jours je chéris. Si un sujet vous intéresse, vous pouvez vous en saisir et réinventer votre quotidien, rencontrer de nouvelles personnes inspirantes, développer de nouvelles compétences.

#enaccordavecmesidées

Vous avez besoin de temps pour développer un projet personnel ? Vous pouvez vous organiser en conséquence.
Après quelques années dans un cabinet d’affaires, j’ai pu entrer à l’Assemblée nationale comme collaborateur d’un député écologiste, puis ouvrir mon cabinet spécialisé en droit et lobbying de l’environnement pour conseiller des associations et les acteurs de la transition énergétique. J’ai pu mettre en accord mes idées avec mon action quotidienne. Peu de professions vous le permettent."

Valérie Mousseeff, Directrice de prison.

"S’il m’était donné de changer une donnée de mon parcours, c’est sans doute de mon "regard" dont il s’agirait. Jeune directrice, je cherchais souvent dans ma relation aux autres à me rassurer moi-même : ma légitimité et mon autorité. Avec le temps, j’ai tourné mon regard vers les autres et je me soucie désormais du bien être de chacun, personnels et personnes détenues comme d’une priorité. J’ai bâti ma propre philosophie du chef dans la prise de décision.

#setournerverslesautres

Est-ce le statut de chef d’établissement qui a réglé toute difficulté de positionnement de moi même avec moi-même, est-ce la maturité ? Est-ce que 10 années d’exercice ont été nécessaires à l’évolution de ma conception du management ? Ce seul conseil à appliquer le plus tôt possible : le pouvoir hiérarchique n’est légitime que s’il est utilisé avec la primauté de la bienveillance et de l’humanité, même dans une institution très hiérarchisée." [4]

Mélanie Parnot, Avocate et Vice-présidente du Réseau national des Incubateurs.

"Si je m’étais posée cette question il y a 3 ans, ma réponse aurait été différente de celle que je fais aujourd’hui.

#fièredesonparcours

Il y a 3 ans, j’aurais probablement été très critique sur mon parcours. Aujourd’hui, je vois les choses autrement. Mon parcours m’a beaucoup appris, et c’est ce qui compte le plus pour moi. Je ne suis restée que 2 ans en tant que collaboratrice. J’ai ensuite créé mon cabinet ce qui m’a appris la culture de l’entrepreneuriat. Or, c’est désormais une compétence clé. Mon seul regret : ne pas avoir passé une année d’étude ou une expérience professionnelle à l’étranger."

Dimitri Philopoulos, Avocat à la Cour de Paris et Docteur en médecine.

"Si c’était à refaire je n’aurais probablement pas fait autrement. La médecine et le droit sont des métiers passionnants donc le choix entre les deux relève de préférences personnelles. J’ai donné ma préférence au droit sur la médecine peut-être en raison de l’importance que j’attache à la Justice.

#satisfaction

Cependant la médecine et le droit sont complémentaires. Des connaissances techniques sont une aide certaine dans l’approche du dossier notamment lors de l’expertise médicale. Elles permettent aussi d’estimer pour la victime d’un accident médical ses chances de succès d’une action en justice, ce qui est souvent la première question posée à l’avocat. Sur le plan humain, on éprouve une grande satisfaction lorsqu’on aide une victime pendant son parcours devant la justice. "

Thibault Turchet, Juriste et titulaire du CAPA.

"Un cursus universitaire et une carrière sont tout sauf prévisibles : les étudiants puis les jeunes professionnels voudraient planifier avec une minutie sans faille, des années à l’avance, tous les diplômes à obtenir et les promotions convoitées.

#s’ouvriràl’inconnu

Certes il faut se fixer un cap et préciser ses attentes mais il faut aussi s’ouvrir à l’inconnu. Alors voici un conseil : profitez des stages pour tester les métiers dont vous croyez qu’ils ne vous attirent pas, voire qui vous rebutent. Étudiant, j’ai longtemps voulu être avocat, et je n’ai fait que des stages en cabinets. Un seul stage dans une autre structure, le dernier, a bouleversé ma carrière : je suis allé dans une association environnementale, « pour voir », elle est aujourd’hui mon employeur !"

"Sophie", Magistrate [5]

"Tout a commencé par deux échecs au concours de Sciences Po… mon premier échec m’a permis de confirmer mon inscription en Prepa littéraire, et mon deuxième, à la fac de droit ! Pour le concours de l’ENM, j’avais donc des notions de Droit plutôt solides, et une facilité de rédaction. Donc rien à regretter sur le plan de la formation.
J’ai commencé ma carrière de magistrat au parquet, dont la dynamique s’est révélée particulièrement motivante pour la pénaliste dans l’âme que je suis. La difficulté est arrivée lors de mon passage au premier grade où j’ai été mutée dans une petite juridiction, à un poste de Vice Présidente, sans plus de précisions…j’ai été affectée sur pas moins de huit services différents en deux ans et demi.

#bienseconnaître

Je me suis sentie à la fois comme corvéable à merci et comme la cinquième roue du carrosse. L’expérience fût difficile.
Mais, la magistrature encourage la bougeotte, et j’occupe actuellement un poste qui me convient davantage (au pénal), loin du risque de working blues ! Nos métiers sont difficiles, il me semble avec bientôt 15 ans de recul qu’il est impératif de bien se connaître pour choisir un poste qui nous convienne." [6]

Envie de témoigner ? Écrivez-nous à info chez village-justice.com

Propos recueillis par la Rédaction du Village de la Justice

[1Voir son portrait ici.

[2Voir son portrait ici.

[3Voir son portrait ici.

[4Voir son portrait ici.

[5Sophie a souhaité rester anonyme.

[6Voir son portrait ici.