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Les nouvelles formes de harcèlement moral au sein des entreprises. Par Corine Serfati Chetrit, Avocat.
Parution : mardi 25 juin 2019
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Une nouvelle forme de harcèlement dans les entreprises : le harcèlement moral des élus au sein des Institutions représentatives du Personnel. Enjeux et conséquences.

Le harcèlement moral sur toutes ses formes dans les entreprises : après le harcèlement des salariés, le harcèlement des élus des institutions représentatives.

A l’heure où sont jugés, devant le Tribunal Correctionnel de Paris, les auteurs de harcèlement dénoncés par les salariés de France Télécom, apparaissent et sont dénoncées de nouvelles formes de harcèlement.

Le harcèlement moral, ne touche plus seulement les salariés, qui individuellement peuvent être victimes de pression de la direction, d’un collègue, d’un supérieur hiérarchique.

Apparaît à présent une nouvelle forme de harcèlement, qui prend la forme souvent d’un harcèlement collectif, qui vise les élus des institutions représentatives du Personnel.

Une atteinte au dialogue social priorisé par les Ordonnances Macron.

Les ordonnances Macron du 22 septembre 2017, sont intitulées « Loi sur le dialogue social », et sont perçues, à juste titre, comme un bouleversement du droit du travail.

Ces ordonnances insistent sur la primauté données, aux négociations collectives et aux accords conclus au sein des entreprises.

Le dialogue social, ainsi priorisé, suppose que les institutions représentatives du personnel, et notamment les élus CE/CHSCT devenus à présent CSE (Conseil Social Économique), puissent exercer les droits que leur donnent la loi.

Est-il nécessaire de rappeler à quel point, sans le respect des élus et de leurs droits, il ne peut y avoir de dialogue social, et plus généralement il ne peut y avoir de respect des droits des salariés ?

C’est ainsi que les enjeux sont particulièrement importants et même essentiels, quant à l’équilibre devant exister dans l’entreprise, entre les droits et obligations de la direction, et les droits et obligations des représentants des salariés.

Pourtant, de plus en plus sont dénoncés des faits de harcèlement moral, aussi qui ne sont plus seulement dénoncés par les salariés individuellement, mais par les élus des institutions représentatives du personnel, pourtant protégés et souvent plus forts et moins fragilisées que les salariés non protégés.

Le harcèlement moral dont sont victimes les élus prend des formes multiples et variées.

- Absence de réponse aux points soulevés en réunion CSE ;
- Absence de prise en compte des alertes et faits dénoncés ;
- Comportements injurieux lors de réunions ;
- Mise au placard et discrimination syndicale à l’égard de l’élu ;
- Tentative avant les élections de favoriser la constitution d’un syndicat dit « syndicat maison » au détriment des élus majoritaires…

Ces comportements répétés sur la durée, ont raison de l’état de santé de ses salariés, qui connaissent des états dépressifs les plaçant en arrêt de travail jusqu’à des procédures d’inaptitude.

Sur les conséquences lourdes et souvent dramatiques du harcèlement moral à l’égard des élus.

Les conséquences sont collectives et souvent dramatiques.

Des élus moins forts ne peuvent plus protéger les salariés, ce qui a un impact bien évidemment sur les victimes des faits de harcèlement, mais également sur la collectivité des salariés dans l’entreprise.

Ces harcèlements ont aussi un impact sur le dialogue social, qui n’est plus que théorique.

Impact aussi, au niveau des conséquences financières : il est important de rappeler que les arrêts de travail, liés au harcèlement moral ont pour victimes principales, les salariés et les élus, mais également la collectivité : ils représentent, un coût important au niveau de la Sécurité Sociale, coût supporté par la collectivité.

Il est enfin important de préciser que cette nouvelle forme de harcèlement est dénoncée dans les grandes entreprises.

Il convient de rappeler qu’en application des dispositions de l’article 1152-1 du Code du travail : "Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel."

Article L1154-& : « Lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152 1 à L. 1152 3 et L. 1153 1 à L. 1153 4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Toute rupture du contrat de travail qui en résulterait, toute disposition ou tout acte contraire et nul de plein droit.
 »

Le harcèlement moral est un délit pénal sanctionné par les dispositions de l’article 222 – 33 – 2 du Code pénal qui dispose « le fait de harceler autrui par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel,
est puni de deux ans d’emprisonnement et de 30.000 euros d’amende
 ».

Les nouvelles dispositions législatives en droit du travail, imposant le dialogue social au sein des entreprises, ne peuvent être effectives que si chaque représentant au sein des entreprises, a sa place, et est respecté, pour exprimer ses droits conformément aux dispositions légales.

Il est important également de rappeler que l’inspection du travail et la médecine du travail sont garantes de cet équilibre et de la dénonciation des abus vérifiables souvent par le nombre d’arrêts de travail, de procédures d’inaptitude, d’accidents du travail, etc., qui sont autant d’alertes de faits de harcèlement moral.

Il est tout aussi essentiel, que les élus soient formés, informés, et assistés.

Corine SERFATI CHETRIT Avocat