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Pratiques restrictives de concurrence : l’article L.442-6 du Code de commerce modifié en profondeur ! Par Arthur Poirier, Avocat.
Parution : vendredi 28 juin 2019
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L’ordonnance n°2019-359 du 24 avril 2019 portant refonte du titre IV du livre IV du Code de commerce (relatif à la transparence, aux pratiques restrictives de concurrence et aux pratiques prohibées) modifie en particulier l’article L.442-6 du Code de commerce qui régissait le déséquilibre significatif entre partenaires commerciaux ainsi que la rupture brutale des relations commerciales établies. L’ordonnance a été adoptée en application de l’article 17 de la loi Egalim du 30 octobre 2018 et a été publiée au journal officiel du 25 avril 2019.

Simplification du dispositif.

Le célèbre article L.442-6 du Code de commerce n’existe plus. Il convient désormais de se référer aux nouveaux articles L.442-1 et suivants du Code de commerce.

Selon le rapport remis au président de la République relatif à cette ordonnance, l’objectif de cette refonte est « de simplifier et de préciser les définitions des pratiques mentionnées à l’article L.442-6 du Code de commerce, en ce qui concerne notamment la rupture brutale des relations commerciales, les voies et actions en justice et les dispositions relatives aux sanctions civiles ».

L’ancien article L.442-6 du Code de commerce était divisé en trois parties : la première partie énumérait les pratiques restrictives de concurrence (au nombre de treize, dont le déséquilibre significatif) qui engagent la responsabilité de leurs auteurs, la deuxième partie listait les clauses réputées nulles en tant que telles et enfin, la troisième partie posait les règles de la mise en œuvre de l’action en responsabilité.

L’ancien article L.442-6 du Code de commerce est désormais remplacé par quatre nouveaux articles : L.442-1 à L.442-4 du Code de commerce.

Les pratiques restrictives de concurrence.

Constatant que les treize pratiques restrictives de concurrence énumérées dans la liste de l’ancien article L.442-6 du Code de commerce n’étaient pas pleinement exploitées par les acteurs économiques, le législateur a décidé d’en restreindre le champ en consacrant uniquement trois pratiques à l’article L.442-1 pouvant être invoquées par une des parties au contrat à savoir :
- le fait d’obtenir ou de tenter d’obtenir de l’autre partie un avantage ne correspondant à aucune contrepartie ou manifestement disproportionné au regard de la contrepartie consentie ;
- le fait de soumettre ou de tenter de soumettre l’autre partie à des obligations créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties ;
- le fait de rompre brutalement, même partiellement, une relation commerciale établie, sans préavis écrit tenant compte de la durée de la relation commerciale et respectant la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels.

On peut noter également que l’ordonnance remplace le terme de « partenaire commercial » présent au sein de l’ancien article L.442-6 par le terme de « l’autre partie » au contrat et ce, en raison de l’interprétation restrictive faite par la jurisprudence de la notion de « partenaire commercial ». Désormais, le nouvel article L.442-1 fait référence à « l’autre partie » du contrat, ce qui permet d’inclure toutes les situations où la pratique illicite est imposée à un contractant dans le cadre de son activité de distribution, de production ou de service.

La rupture des relations commerciales établies.

Le nouvel article L.442-1 simplifie la rupture brutale des relations commerciales établies dont l’ancien dispositif avait eu pour effet d’imposer aux entreprises de rester en relation avec des partenaires pendant de très longs préavis alors même que leurs offres commerciales ne correspondaient plus aux conditions du marché. Pour ces raisons, le nouvel article L.442-1 prévoit un garde-fou : l’auteur d’une rupture d’une relation commerciale ne peut voir sa responsabilité engagée, du chef d’une durée insuffisante de préavis, si un préavis d’au moins 18 mois a été accordé.

La mise en œuvre de l’action en justice.

Les modalités de mise en œuvre de l’action en justice invoquant une pratique restrictive de concurrence sont désormais présentées à l’article L.442-4.

Le nouvel article prévoit que toute personne justifiant d’un intérêt peut demander à la juridiction saisie d’ordonner la cessation des pratiques restrictives ainsi que la réparation du préjudice subi. Seule la partie victime de pratiques restrictives de concurrence peut faire les mêmes demandes que le ministre et le ministère public (à l’exception de l’amende) et demander la restitution des avantages indus.

Quant à l’amende demandée par le ministre chargé de l’économie ou le ministère public, le nouvel article prévoit que le plafond de l’amende civile sera le plus élevé des trois montants suivants : 5 millions d’euros, 5 % du chiffre d’affaires ou le triple des sommes indument perçues ou obtenues.

L’application de l’ordonnance dans le temps.

Aucune disposition transitoire n’a été prévue s’agissant de l’application dans le temps des dispositions de l’ordonnance. Une prochaine loi de ratification de l’ordonnance pourrait néanmoins régler cette question.

Arthur Poirier, Avocat en charge du développement du pôle Marketing Digital