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Loi PACTE : nouvelle étape dans la prise en compte des « enjeux sociaux ». Par Laeticia Lévy, Juriste.
Parution : lundi 8 juillet 2019
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La loi n° 2019-486 relative à la croissance et la transformation des entreprises (dite loi PACTE ou Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) a été promulguée le 22 mai 2019 et est entrée en vigueur le 24 mai 2019 (sauf certaines dispositions spécifiques dont l’entrée en vigueur est antérieure ou postérieure à cette date).

Cette loi a pour objectif de faciliter le processus de vie d’une entreprise : de sa création à sa mort.

La loi PACTE impacte tous les acteurs économiques qui gravitent autour de l’entreprise. Et notamment, les salariés dont la participation au développement de l’entreprise et aux bénéfices réalisés est favorisée.

« Toute société doit avoir un objet licite et être constituée dans l’intérêt commun des associés » [1].

Oui mais pas seulement…

En effet, le nouvel article 1833 du Code civil, modifié par la loi PACTE, ajoute un nouvel alinéa qui dispose que « la société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité » [2]. Non seulement la notion d’intérêt social est consacrée par le législateur mais également celles d’enjeux sociaux et environnementaux.

Ainsi, l’acteur économique que constitue le salarié prend un rôle fondamental dans la vie des entreprises. Selon un rapport de l’Assemblée nationale, chargé d’examiner la loi PACTE, « les salariés doivent bénéficier davantage de la croissance et doivent aussi, en retour, être mieux associés à l’élaboration de la stratégie de l’entreprise ».

L’un des objectifs majeurs de la loi PACTE est donc de permettre aux salariés de participer aux performances de l’entreprise (I) et d’en bénéficier (II).

I- Le salarié, acteur de la stratégie de l’entreprise.

A) L’actionnariat salarié (loi de financement de la Sécurité sociale pour 2019).

L’actionnaire est une personne physique ou morale qui détient des actions dans une société, en investissant dans son capital, et qui en contrepartie acquiert un droit de vote dans les assemblées générales d’actionnaires et qui perçoit également des dividendes.

L’actionnariat salarié est un dispositif qui permet aux salariés d’une entreprise d’entrer dans son capital. Il peut s’agir soit d’actions achetées par le salarié, soit d’actions offertes par l’entreprise en complément de salaire.

Le président de la Fédération Française des Associations d’Actionnaires Salariés et Anciens Salariés (FAS) observe qu’« en 15 ans, la France a perdu la moitié de ses actionnaires individuels tandis que le nombre d’actionnaires salariés n’a cessé de progresser dans ce même laps de temps pour atteindre 3,5 millions actuellement, même si ce chiffre tend à stagner depuis ces dernières années. Cette stagnation s’explique en grande partie par la hausse de la fiscalité des entreprises sur l’épargne salariale et l’actionnariat salarié (…) » [3].

La loi PACTE tente de répondre à cette stagnation et de promouvoir l’actionnariat salarié.

Ainsi, afin d’intégrer au mieux les salariés à la réussite de leur entreprise, les principes de l’actionnariat salarié sont assouplis et élargis au niveau des entreprises privées et publiques.

La loi PACTE prévoit :

Dans les entreprises privées.
- l’abaissement du forfait social à un taux de 10 % pour les abondements de l’employeur, lorsque le salarié investira dans les produits d’actionnariat salarié ;
- la possibilité d’abondement unilatéral par l’employeur sur le fonds d’actionnariat salarié sur le Plan d’épargne entreprise (PEE) ;
- la simplification de l’actionnariat salarié dans les sociétés par actions simplifiées (SAS). En effet, les offres d’actions aux salariés dans les SAS n’étaient possibles que pour un maximum de 149 salariés ou pour un minimum de 100.000 euros d’actions. Ces deux contraintes sont aujourd’hui supprimées ;
- l’élargissement de l’actionnariat aux entreprises non cotées.

Dans les entreprises à capitaux publics.

- l’extension des offres réservées aux salariés aux cessions de participation, par l’Etat, dans des entreprises non cotées, et aux cessions par l’Etat, dans des entreprises cotées, en gré à gré. Seules les cessions significatives seront concernées par cette obligation.

Ces dispositions sont déjà entrées en vigueur le 1er janvier 2019.

B) Les administrateurs salariés (article 184 de la loi PACTE).

« Le conseil d’administration détermine les orientations de l’activité de la société et veille à leur mise en œuvre » [4]. C’est l’organe compétent pour déterminer les choix stratégiques et pour gérer toutes les questions intéressant la bonne marche de l’entreprise.

Le statut d’administrateur salarié a été instauré par la loi de sécurisation de l’emploi (loi LSE) du 14 juin 2013 modifiée par la loi Rebsamen en août 2015. Ainsi, l’introduction de ce statut dans la législation confère au salarié une place de choix dans le fonctionnement de l’entreprise. Il devient un véritable acteur dans l’élaboration des décisions stratégiques de l’entreprise.

A l’époque, il était prévu qu’une entreprise employant au moins 1.000 salariés en France ou au moins 5.000 salariés dans le monde et dont le conseil d’administration était composé de douze administrateurs non-salariés, devait compter un administrateur salarié. Pour les conseils d’administration de plus de douze administrateurs non-salariés, ce dernier devait compter deux administrateurs salariés.

Dorénavant, lorsque l’entreprise compte plus de 1.000 salariés en France ou plus de 5.000 salariés dans le monde et dont le conseil d’administration compte plus de huit administrateurs non-salariés, le nombre des administrateurs salariés est porté à deux. Ce nombre reste à un administrateur salarié lorsque le conseil d’administration compte huit ou moins de huit administrateurs non-salariés.

Trois ans après la publication de la loi PACTE et en fonction d’un rapport remis par le Gouvernement au Parlement sur « les effets économiques et managériaux de la présence d’administrateurs représentant les salariés au sein des conseils d’administration » [5] , il sera envisageable d’étendre le nombre d’administrateurs salariés à trois.

L’objectif est de renforcer la présence des salariés dans les conseils d’administration des grandes sociétés. La loi PACTE ouvre plus largement les conseils d’administration aux salariés pour leur permettre de participer à la gouvernance de l’entreprise et ainsi rendre cette gouvernance plus représentative des salariés.

Ces dispositions entreront en vigueur à compter du 1er janvier 2020.

C) La reprise de l’entreprise par ses salariés (loi de financement de la Sécurité sociale pour 2019).

La reprise d’entreprise par ses salariés est une opération juridique par laquelle tout ou partie des salariés d’une entreprise décident de créer une société dans le but de racheter les titres de la société au sein de laquelle ils sont employés. Les salariés doivent procéder à la création d’un société holding dont l’objet est le rachat de tout ou partie de la société cible.

Auparavant, le bénéfice du crédit d’impôt pour le rachat de l’entreprise par ses salariés supposait que :
- l’entreprise rachetée et la société créée soient assujetties à l’impôt sur les sociétés (IS) et ne font pas partie du même groupe d’intégration fiscale ;
- le capital de la société nouvelle soit détenu : par au moins 15 salariés de la société reprise ; ou par au moins 30 % des salariés de cette société si l’effectif ne dépasse pas 50 salariés ;
- la reprise fait l’objet d’un accord d’entreprise.

Aujourd’hui, conformément à la loi PACTE, le seuil minimum de salariés pour obtenir le crédit d’impôt pour le rachat du capital d’une société par ses salariés est supprimé.

Ne sont pris en compte pour le calcul du montant du crédit d’impôt, uniquement les droits de vote attachés aux actions de la société nouvelle détenus par une ou plusieurs personnes qui, à la date du rachat, étaient salariées de la société rachetée depuis au moins deux ans.

Ce dispositif s’appliquera aux sociétés qui clôturent leur exercice à compter du 31 décembre 2019 pour les opérations de rachat réalisées jusqu’au 31 décembre 2021.

II- Le salarié, bénéficiaire de la croissance de son entreprise.

A) L’épargne salariale (loi de financement de la Sécurité sociale pour 2019).

L’épargne salariale est un système d’épargne collectif proposé par certaines entreprises. L’employeur verse à chaque salarié une partie de ses bénéfices ou de ses performances.
- La participation représente une quote-part des bénéfices réalisés par l’entreprise. Elle est obligatoire dans les entreprises de plus de 50 salariés.
- L’intéressement est une autre prime liée aux résultats ou à la performance de l’entreprise. Ce système est facultatif.

Le salarié peut ensuite choisir entre les percevoir directement ou les placer sur un plan d’épargne salariale PEE (plan d’épargne entreprise) ou PERCO (plan d’épargne pour la retraite collectif).

Grâce à cette épargne, le salarié bénéficie des bonnes performances de l’entreprise. Il peut se constituer un capital pour réaliser des projets qui lui tiennent à cœur.

La loi PACTE encourage les entreprises à proposer l’épargne salariale en supprimant le forfait social sur l’intéressement pour les entreprises de moins de 250 salariés ainsi que sur l’ensemble des versements d’épargne salariale (intéressement, participation et abondement de l’employeur sur un plan d’épargne salariale) pour les entreprises de moins de 50 salariés.

Ainsi, en fonction des effectifs, les entreprises ne paieront plus de taxes dans le cadre du versement de l’intéressement et de la participation.

Ces mesures doivent inciter les employeurs à récompenser les salariés qui se sont investis pour la réussite de l’entreprise.

Ces dispositions sont déjà entrées en vigueur le 1er janvier 2019.

B) L’épargne retraite (art. 71 de la loi PACTE).

Grâce à la loi PACTE, la procédure de l’épargne retraite est également simplifiée.

Ainsi, l’épargne accumulée par le salarié sera intégralement portable d’un produit à l’autre. Le transfert sera gratuit si le produit a été détenu pendant 5 ans. Dans le cas contraire, les frais de transfert ne pourront excéder 3 % de l’encours.

La sortie en capital sera autorisée pour l’épargne constituée de versements volontaires ou issue de l’épargne salariale.

Enfin, la fiscalité de l’épargne retraite sera harmonisée. La possibilité de déduire de l’assiette de l’impôt sur le revenu les versements volontaires des épargnants sera généralisée à l’ensemble des produits de retraite supplémentaire.

Ces dispositions entreront en vigueur au plus tard le 1er janvier 2020.

Laeticia LEVY, Juriste.

[1Code Civ. art. 1833.

[4Com. art. L. 225-35.

[5L. PACTE, art. 184.

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