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Interprofessionnalité : un colloque pour les réunir tous !
Parution : vendredi 12 juillet 2019
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Au sein de la Faculté de Droit de l’Université Paris Descartes, lundi 8 juillet 2019, s’est déroulée une journée consacrée à l’interprofessionnalité, sujet phare de l’avenir des professions du droit et du chiffre, pour adapter l’offre au client et à la nouvelle économie. Organisé par ACE Avocats (syndicat représentant les Avocats Conseils d’Entreprises), la Compagnie Nationale des Conseils en Propriété Industrielle, l’Institut Français des Experts Comptables et le Syndicat National des Notaires, cet événement complet proposait à la fois du théorique et de la pratique. Le Village de la Justice y était et vous en parle.

Nous en avions déjà parlé il y a un an, à l’occasion de la soirée de l’installation.
Près de douze mois plus tard, les questions demeurent sur ce sujet de l’interprofessionnalité. Issus de la loi Macron du 6 aout 2015, les décrets d’application qui ont ouvert cette option d’installation commune aux professions du droit et du chiffre n’ont pas éclairci toutes les zones d’ombre.

Pour tenter d’y voir plus clair, les organisateurs de cette journée ont proposé aux participants, dans un premier temps d’avoir une introduction générale sur le sujet, grâce au concours de spécialistes du marché du droit et de la matière juridique, pour remettre en perspective les problématiques induites par ce sujet. Puis, de participer à des ateliers thématisés pour aider les professionnels présents dans leur réflexion sur l’interprofessionnalité. « Une journée placée sous le signe de l’échange et des ateliers interactifs pour créer l’interprofessionnalité telle qu’on la souhaite » a résumé Sandrine Cohen-Solal, expert-comptable commissaire aux comptes.

Pierre Berlioz, Directeur de l’EFB [1], et Simon de Charentenay, Maître de conférence en droit public, ont ouvert le bal en proposant une synthèse des principaux défis de l’interprofessionnalité pour les professionnels du droit et du chiffre.

Premier atelier consacré à l’interprofessionnalisation et qui s’intéressait aux "bonnes pratiques déontologiques" à mettre en place.

L’interprofessionnalité vient interroger les professions du droit telles qu’elles sont aujourd’hui et comment elles appréhendent la norme.

Ainsi, « l’interprofessionnalité vient interroger les professions du droit telles qu’elles sont aujourd’hui et comment elles appréhendent la norme. » Les enjeux sont donc réels pour elles car le monde qui se dessine, avec les nouvelles technologies et les nouvelles attentes du client, remet en question le monopole du sachant du droit en démocratisant en partie cette connaissance juridique. Il doit donc se replacer au centre du jeu et proposer une offre commune calibrée au client, « à la fois citoyen et consommateur et qui recherche l’efficacité économique avant tout. » Cette importance de la "communauté" a été rappelée par Pierre Berlioz, lequel a toutefois tempéré en précisant que « les professions doivent tout de même garder leurs spécificités. »

Le reste de la journée était, lui, consacré à la pratique : étaient pour l’occasion rassemblés des professionnels venus donner leurs conseils pour mettre en application les « bonnes pratiques déontologiques » à adopter afin de faire d’un projet d’interprofessionnalité un succès ; et pour parler de « dream design », dans l’optique de construire son cabinet idéal. Des séquences où l’auditoire a pu participer et poser ses questions.

Le volet « bonnes pratiques » s’est donc concentré sur les questionnements en rapport avec la déontologie qui se posent naturellement lors de la mise en place d’un tel projet. Car la coopération entre les différentes professions du droit et du chiffre au sein d’une même structure ne va pas de soi, malgré les dispositifs législatifs mis en place pour encourager cette interprofessionnalité. Pour en parler, se sont réunis Audrey Chemouli, avocate et Présidente de la commission Statut Professionnels de l’Avocat au CNB [2] , Denis Raynal, avocat associé, Philippe Glaudet notaire et Président du Syndicat National des Notaires, Bertrand Lacourte, ancien notaire devenu avocat et Gaelle Loinger, conseillère en Propriété Industrielle. Les principales thématiques discutées étaient le secret professionnel, la déontologie, les assurances, et l’équilibre des droits de vote entre les professionnels.

L’aspect business doit être développé et inscrit dans le logiciel de l’interprofessionnalité.

Le second atelier se proposait d’imaginer le cabinet interprofessionnel idéal, « celui que l’on aimerait avoir sans les freins » mentionnés le matin même (silos, secret professionnel, concurrence, etc). Présenté sous le terme de « dream design », il a réuni une dizaine de participants invités à inscrire sur un post-it un mot clé représentant une qualité incontournable définissant la structure rêvée. « A l’écoute ; indépendant ; ouvert ; libre ; flexible ; international ; agile ; rentable ; audacieux, etc » ont ainsi émergé. Chaque qualificatif était suivi d’une présentation pour expliquer ce choix et, chaque fois qu’il faisait l’unanimité, le mot-clé était apposé sur l’affiche représentant un arbre, collée au tableau.

Au moment d’évoquer les nouvelles technologies, le sujet des legaltech est revenu sur le tapis provoquant un débat (peut-être à contre-courant ?) : aller contre ou les accompagner ? La question du positionnement et de la valeur du service des professionnels du droit était centrale. Les participants s’accordaient sur le fait que l’aspect business devait être développé et inscrit dans le logiciel de l’interprofessionnalité car les nouvelles attentes du client portent sur la disponibilité et la réactivité des services dans un cabinet. Finalement, tous se sont rejoints sur le fait que « le cabinet idéal devra être digital et humain, pour garantir au client une éthique ».

"L’arbre du cabinet idéal" avec les post it sur lesquels ont été écrit les qualités indispensables de ce cabinet idéal.

Ce colloque devait faire avancer la cause de l’interprofessionnalité. A-t-il réussi ? Difficile de le dire, mais il a, en tous cas, fait un état des lieux des forces en présence, des enjeux actuels et à venir et surtout des routes à emprunter pour les professions du droit et du chiffre afin d’assurer leur avenir. En commun ?

Simon Brenot Rédaction du Village de la Justice

[1Ecole de Formation du Barreau.

[2Conseil National des Barreaux