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Chèque Emploi Service Universel (CESU) et particuliers employeurs : gare au travail dissimulé ! Par Sophie Hochard, Avocat.
Parution : lundi 15 juillet 2019
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L’article L 7221-1 du code du travail définit le particulier employeur comme celui qui emploie un ou plusieurs salariés à son domicile privé, au sens de l’article 226-4 du Code pénal, ou à proximité de celui-ci, sans poursuivre de but lucratif et afin de satisfaire des besoins relevant de sa vie personnelle, notamment familiale, à l’exclusion de ceux relevant de sa vie professionnelle.

Les salariés à domicile effectuant certains types de travaux sont rémunérés par le biais de chèques emploi service universel, dans le langage commun, "CESU".

De plus en plus, les bénéficiaires du CESU s’étendent, faisant de cette option de paiement un moyen privilégié de stimuler les emplois directs auprès de particuliers, en plus de faciliter (à première vue ! ) les démarches administratives.

Depuis la loi « Travail » n°2016-1088 (article 88), le titre II régissant les relations entre les particuliers employeurs et les employés à domicile est applicable aux salariés employés par des particuliers à leur domicile privé pour réaliser des travaux à caractère familial ou ménager.

Les relations entre les particuliers employeurs et les employés à domicile sont régies par le titre VII du code du travail « Dispositions particulières à certaines professions ».

Ce qui signifie qu’au-delà du tronc commun, des règles spécifiques sont applicables.

I – Préambule : les règles applicables en matière de travail à domicile.

La plupart des particuliers employeurs ont bien conscience que le caractère spécifique des relations avec leur employé à domicile ne les exonère fort heureusement en aucune façon de respecter les obligations qui seraient applicables dans une relation de travail excluant la réalisation de travaux à caractère familial ou ménager au sein de leur domicile privé.

A titre d’exemple, la convention collective nationale des salariés du particulier employeur du 24 novembre 1999 (IDCC 2111) dispose que :
- Les parties doivent signer un contrat de travail, lors de l’embauche (ou au plus tard à la fin de la période d’essai).
Bon à savoir : Le CESU permet de s’exonérer de l’obligation d’élaborer un contrat de travail écrit s’il est utilisé pour des prestations de travail qualifiées d’« occasionnelles » dont la durée n’excède pas huit heures par semaine ou ne dépasse pas quatre semaines consécutives dans l’année.

- Le salarié bénéficie des dispositions relatives à la surveillance de l’état de santé des travailleurs, définie notamment par les articles L. 4624-1 à L. 4625-2 du Code du travail, relatif à l’état de santé des travailleurs, bien que la loi « Travail » ait supprimé la visite médicale d’embauche ;

- Le salarié possède un certain nombre de garanties en cas de rupture du contrat de travail, bien qu’encore une fois des dispositions spécifiques soient visées par l’article 12 de la convention collective nationale du particulier employeur.

Rien de complexe, donc, à première vue.

Sauf que, comble de l’ironie, les particuliers employeurs vont au-devant de graves déconvenues financières dès lors qu’ils s’attellent à remplir leurs obligations déclaratives, ce qui passe donc par fameux CESU.

II – Les obligations déclaratives du particulier-employeur.

Le CESU dit "déclaratif" permet à l’employeur de remplir ses obligations d’employeur de manière simplifiée :
- Il n’a pas à faire de déclaration d’embauche auprès de l’URSSAF puisque le volet social du CESU déclaratif tient lieu de déclaration d’embauche ;
- Il n’a pas à établir de bulletin de paie puisque le Centre national du CESU (CNCesu) calcule et prélève les cotisations sociales et adresse au salarié un document valant bulletin de paie ;
- Il bénéficie même du crédit d’impôt lié à l’emploi d’un salarié à domicile !

Il ne faut toutefois pas se fier à l’apparente simplicité du dispositif.

S’il appartient au CESU d’établir le bulletin de paie, il appartient bien au particulier employeur, très souvent non aguerri aux règles comptables régissant ce type de déclaration, de saisir sur internet le nombre d’heures effectuées, le salaire, ainsi que les éventuels avantages du salarié.

Une simple visite de courtoisie sur le site du CESU suffira pour constater le caractère éminemment complexe de la saisie d’une déclaration (pourtant censée être simplifiée).

III – Les risques d’une déclaration erronée.

L’article L 8221-3 2° du code du travail répute travail dissimulé par dissimulation d’activité, l’exercice à but lucratif d’une activité de production, de transformation, de réparation ou de prestation de services ou l’accomplissement d’actes de commerce par toute personne qui, se soustrayant intentionnellement à ses obligations n’a pas procédé aux déclarations qui doivent être faites aux organismes de protection sociale ou à l’administration fiscale en vertu des dispositions légales en vigueur.

Malheureusement pour une grande partie des particuliers ayant le courage de se confronter au dispositif du CESU, c’est là que le bât blesse.

Exemple pratique.

Un salarié est embauché par un particulier employeur à temps partiel aux conditions suivantes :
- Durée de travail hebdomadaire : 15H/semaine,
- Taux horaire brut : 10,03 euros,
- Taux horaire net : 7,94 euros,
- Rémunération nette : 476,40 euros,
- Logement mis à disposition : 150 euros.

Ainsi qu’il est d’usage pour les prestations "familiales", le contrat de travail stipule qu’en sus de sa rémunération, le salarié bénéficie d’un avantage en nature sous forme de logement, aux conditions de l’article 20 a) 5) de la convention collective applicable, selon lequel le logement mis à disposition serait déduit de la rémunération nette du salarié pour un montant de 150 euros.

Il faut donc déduire de la rémunération nette la valeur du logement, ce qui fait une rémunération totale de 326,40 euros, pour 60 heures de travail mensuel.

En toute logique, on s’attendrait à ce que le formulaire à remplir par l’employeur permette de déduire la valeur du logement de la rémunération nette, tout en permettant ainsi de saisir le nombre d’heures réellement effectué par le salarié.

Or, ce n’est pas le cas, ce qui met l’employeur en grande difficulté quant au respect de ses obligations déclaratives.

Ignorant de quelle façon procéder, et n’ayant pas forcément l’idée de déclarer une somme différente de celle effectivement versée par chèque au salarié, grande est donc la tentation d’adapter le nombre d’heures au montant versé par chèque.

Si l’on reprend l’exemple précédent, par souci de cohérence, l’employeur, dans l’impossibilité de soustraire les 150 euros et souhaitant tout de même faire figurer la somme de 326,40 euros ne déclarerait que 41,11 heures (rémunération nette/taux horaire net) …

Conséquence.

Les heures effectuées par le salarié ne sont pas déclarées dans leur totalité, et le salarié peut être tenté de diligenter une action prud’homale à l’encontre de son employeur inconséquent.

Nonobstant le souci de cohérence de ce dernier entre le montant net déclaré au bas du formulaire CESU et celui du chèque finalement remis au salarié.

Il est donc judicieux de se faire assister par un professionnel du droit qui saura guider utilement le particulier employeur dans le respect de ses obligations déclaratives.

Conclusion.

Fort heureusement (on l’espère !), depuis la fin du mois de juin, le CESU a mis en ligne le service CESU+, un service qui se veut « tout en un ».

Si l’employeur et son salarié à domicile décident d’adhérer à ce service, CESU+, sur la base de la déclaration mensuelle, s’occupera de verser son salaire à l’employé et de prélever le « reste à payer » sur le compte bancaire (montant du salaire + total des charges dues dont auront été déduits l’abattement ou l’exonération de charges patronales dont vous bénéficiez éventuellement).

Ce service sera-t-il « plus simple, plus claire, plus rapide » comme le prétend son slogan volontairement accrocheur ? Réponse dans les prochains mois.

Sophie Hochard Avocat au Barreau de MARSEILLE [->sophiehochard.avocat@gmail.com]