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Loi e-commerce chinoise : panorama des droits et obligations des plateformes. Par Laure Bourdeau, Juriste.
Parution : vendredi 19 juillet 2019
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La nouvelle loi sur le commerce électronique a-t-elle vraiment renforcé la protection des droits de propriété intellectuelle sur les plateformes en ligne ?

La première loi ayant spécifiquement pour objectif de réglementer le secteur du e-commerce est entrée en vigueur en Chine le 1er janvier 2019. Si elle est avant tout destinée à protéger les consommateurs chinois, dont on dénombrait 600 millions d’acheteurs en ligne en 2018, son intérêt pour les ayants droits est également de prévoir des mesures en matière de protection de la propriété intellectuelle sur les plateformes électroniques chinoises.

Sept mois après son entrée en vigueur, il est encore trop tôt pour tirer un réel bilan. De prime abord, avec ce nouveau texte, le législateur semble avoir pris la mesure de l’enjeu de lutter contre la contrefaçon sur les plateformes de commerce électroniques, comme le prouvent la codification du droit de notification des plateformes et l’énoncé d’obligations contraignantes à l’égard des plateformes et vendeurs.

Cependant, ce nouveau socle législatif a-t-il vraiment permis une avancée significative dans la lutte anti-contrefaçon en Chine ?

Une loi dans un contexte d’accroissement du commerce en ligne…

En dix ans, la Chine a connu un accroissement considérable de son nombre d’internautes, passant de 253 à 802 millions [1]. Très logiquement, cette augmentation du nombre d’internautes chinois s’est assortie de la hausse du nombre d’acheteurs en ligne, atteignant le nombre record de 610 millions en 2018.

Ce développement s’est accompagné d’une croissance des parts de marché du commerce électronique chinois dans le monde. Comme le relevait le journal en ligne « Marketing Chine » dans un article du 7 août 2018, « la Chine représente plus de 40% de la valeur des transactions de e-commerce dans le monde alors qu’il y a une dizaine d’années, elle détenait seulement moins de 1% » [2].

Une étude du Centre de Recherches sur le commerce électronique en Chine évaluait la vente au détail en ligne de produits et de services à plus de 1.000 milliards de dollars en 2017. D’après la société d’études eMarketer, ce chiffre devrait même doubler en 2019 [3] !

L’évolution fulgurante du commerce électronique chinois justifiait donc la mise en place d’un cadre juridique précis en matière de protection des consommateurs en ligne.

Jusqu’alors, seules deux lois réglementaient la protection des consommateurs : la loi sur la Publicité datant de 1994 et la loi sur la Sécurité Alimentaire, adoptée en 2009.

Aussi, la nouvelle loi sur le commerce électronique stipule en son article 1, qu’elle vise à réglementer les pratiques du e-commerce, à maintenir l’ordre du marché, à promouvoir le développement durable et sain du commerce électronique et à assurer la protection des droits et intérêts légitimes de toutes les parties au commerce électronique.

... et d’augmentation des atteintes à la propriété intellectuelle.

L’accroissement du commerce électronique a conduit à l’augmentation générale des atteintes en ligne à l’encontre des consommateurs, mais plus encore à l’exacerbation des atteintes aux droits de propriété intellectuelle, principalement à travers la vente de produits contrefaits.

La Chine se place en outre au sommet du classement des pays producteurs de biens contrefaits et piratés et à la 23ème place du classement des économies les plus touchées par la contrefaçon et le piratage d’après le rapport conjoint de l’OCDE et de l’EUIPO, « Trends in Counterfeit and Pirated Goods, Illicit Trade » paru le 18 mars 2019 [4].

En tant que membre de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) [5] et à ce titre signataire de l’Accord sur les Aspects des Droits de Propriété Intellectuelle qui touchent au Commerce (ADPIC) [6], la Chine se doit de veiller à la disponibilité de procédures de respect de ces droits (procédures d’enforcement) efficaces.

Certes dans un contexte de guerre économique, le Bureau du représentant américain au commerce (United States Trade Representative, dit USTR [7] relevait néanmoins dans son « 2018 Report to Congress on China’s WTO Compliance » du mois de février 2019 qu’il était urgent que la Chine entreprenne des réformes sérieuses et profondes de son cadre juridique et réglementaire relatif à la propriété intellectuelle.

Compte tenu de ce contexte, il était donc souhaitable pour la République Populaire de Chine de prévoir, au sein de la nouvelle loi sur le commerce électronique, des mesures propres à assurer la protection particulière des droits de propriété intellectuelle.

Un champ d’application de la loi qui demeure imprécis.

Le territoire et le domaine visés par la loi.

L’article 2 de la loi précise que le texte vise toutes les activités de commerce électronique sur le territoire de la République Populaire de Chine, à l’exclusion des produits et services financiers, des informations d’actualité, des programmes audio et vidéo, des publications, des produits culturels et autres services de contenu fournis par le biais de réseaux d’information.

D’après l’alinéa 2 de cet article, la notion de e-commerce se réfère aux activités de vente de biens et de fourniture de services par le biais d’Internet ou de tout autre réseau d’information.

La loi demeure imprécise sur son champ d’application territorial. On pourrait toutefois comprendre que « les activités de commerce électronique sur le territoire de la République de Chine » sont tant celles réalisées par des opérateurs chinois que celles effectuées par des opérateurs étrangers sur le territoire chinois.

Les personnes visées par la loi.

L’article 9 de la loi distingue trois types d’opérateurs :

- les opérateurs de commerce électronique (« e-commerce business operators ») dont l’activité est la vente de produits ou la fourniture de services via Internet ou tout autre réseau d’information, notamment des plateformes électroniques, leur propre site Internet ou tout autre réseau. Cette désignation pourrait inclure les réseaux sociaux, comme Wechat et Weibo, deux applications très populaires. La loi demeure cependant imprécise à ce sujet ;
- les exploitants de plateformes de commerce électronique (« e-commerce platform business operators »), entendus dans le cadre de la loi comme des personnes morales ou des organisations qui fournissent à différentes parties des services d’offres de locaux en ligne (boutiques en ligne), de conclusion de transactions et de divulgation d’informations, afin de leur permettre de réaliser des activités commerciales. Il s’agit ici des plateformes électroniques, comme Jd.com ou Taobao ;
- les opérateurs de commerce sur plateforme (« on-platform business operators »), qui, aux termes de la loi, sont les opérateurs commerciaux qui vendent des biens ou fournissent des services par l’intermédiaire d’une plateforme électronique. Il s’agit donc ici des opérateurs de boutiques en ligne, c’est-à-dire les vendeurs qui ouvrent un magasin sur les plateformes e-commerce.

Les dispositions relatives à la propriété intellectuelle n’entrainant pas de distinction réelle entre les opérateurs de commerce électronique et les opérateurs de commerce sur plateforme, dans le cadre de cette étude, nous les regrouperons sous la dénomination de vendeurs.

La réaffirmation du droit de notification.

L’objectif de la loi est ici clairement de permettre aux titulaires de droits de propriété intellectuelle de faire valoir leurs droits, ceci en énonçant un socle de mesures visant tant à leur affirmer un droit de notification qu’à soumettre les plateformes et vendeurs à des obligations contraignantes.

Le droit de notification des titulaires de droits de propriété intellectuelle.

Comme les Etats-Unis ou l’Union européenne [8], avant l’entrée en vigueur de la loi, la Chine disposait déjà de règles encadrant la procédure de « notice and takedown » (notification et retrait).

L’Ordonnance sur la Protection du droit à la diffusion en réseau d’information de 2006, révisée en 2013 [9] en avait notamment posé les principes. De même, la jurisprudence avait, à plusieurs reprises, apporté des précisions sur cette procédure.

En vertu de l’article 42 alinéa 1er de la loi, les titulaires de droit peuvent notifier les atteintes aux plateformes afin que celles-ci prennent les « mesures nécessaires  ».

Selon la loi, ces mesures pourraient consister en la suppression, le blocage ou la déconnexion des liens et la résiliation des transactions ou services.
La suppression des liens est la mesure généralement attendue en cas de notification d’annonces litigieuses. Quant à la résiliation des transactions évoquée dans la loi, celle-ci est notamment rendue possible par l’article 14 de la loi, aux termes duquel en cas de vente de produits ou fourniture de services, les vendeurs doivent établir une facture papier ou électronique.

La liste de mesures citées dans la loi n’est cependant pas exhaustive. L’usage de l’expression « such as » dans la traduction anglaise de la loi indique en effet qu’il ne s’agit que d’exemples. Ainsi, d’autres dispositions seraient envisageables pour faire cesser les atteintes.

Ce droit de notification se trouve cependant doublement encadré.

Tout d’abord, selon l’article 42 alinéa 1er, les titulaires doivent assortir leur notification d’une preuve «  prima facie  [10] » de la constitution de l’atteinte. Nous comprenons ici cette expression comme étant synonyme de preuve préliminaire.
La loi ne précise pas ce que serait, en pratique, une telle preuve, mais l’expression « prima facie evidence on the constitution of the infringement » pourrait être interprétée comme exigeant la fourniture d’éléments susceptibles de prouver l’existence de l’atteinte et non uniquement celle du droit sur lequel se fonderait le titulaire.

Toutefois, d’après la jurisprudence antérieure à la loi, notamment relative au copyright, le seul apport du certificat du titulaire du droit et celui de l’annonce litigieuse pourraient suffire. En effet, les juges chinois avaient considéré dans une décision de 2011 que la fourniture du certificat du titulaire du copyright et celle de la vidéo litigieuse constituaient une preuve préliminaire suffisante [11].

Ensuite, le texte envisage la possibilité pour les vendeurs de soumettre une déclaration de non infraction des droits de propriété intellectuelle à la plateforme. Pour être recevable, celle-ci devra également contenir une preuve « prima facie » de non infraction. Elle sera alors transmise par la plateforme aux titulaires de droits. La plateforme leur notifiera également leur possibilité d’initier ou procédure administrative ou judiciaire.

Ces limites apportées au droit de notification semblent, somme toute, raisonnables, et permettent, d’une certaine façon de faire respecter le principe du contradictoire.

Les obligations des plateformes et vendeurs.

Les dispositions de la loi prévoient des obligations précises pour les plateformes et vendeurs.
S’agissant des plateformes, le texte pose un ensemble de mesures, générales ou spécifiques, qui peuvent s’avérer utiles pour la protection des droits de propriété intellectuelle.

A. Les obligations des plateformes propres à la protection des droits de propriété intellectuelle.

Selon l’article 41 la plateforme a une obligation d’établir des règles visant à protéger les droits de propriété intellectuelle et à améliorer la coopération avec les titulaires de droits.

A cette obligation s’ajoute une obligation générale d’agir « promptement », ceci dans plusieurs hypothèses.

Tout d’abord, à la réception de la notification d’infraction envoyée par le titulaire de droits, l’article 42 énonce que la plateforme a l’obligation de prendre promptement les mesures nécessaires pour faire cesser l’atteinte et pour transmettre au vendeur l’avis d’infraction.

En outre, aux termes de l’article 45, la plateforme est soumise à cette obligation si elle a connaissance de l’atteinte ou simplement dans le cas où elle devrait en avoir connaissance.
D’après cette disposition, il semblerait qu’une simple présomption suffise donc pour que la plateforme soit soumise à une telle obligation.

Ensuite, à la suite de la transmission aux titulaires de droit de la déclaration de non infraction par le vendeur, d’après l’article 43 alinéa 2, la plateforme a l’obligation de mettre fin rapidement aux mesures entreprises si, dans les quinze jours ayant suivi la réception de la déclaration par les titulaires de droit, elle n’a reçu aucun avis indiquant le maintien de la plainte par les titulaires de droit ou l’initiation d’une procédure judiciaire.
La loi ne précise pas si l’obligation de la plateforme de prendre les mesures nécessaires se situe avant ou après la transmission du signalement au vendeur. Toutefois, cette seconde obligation de mettre fin rapidement aux mesures en l’absence d’avis de maintien de la plainte, conduit à penser que les mesures visant à faire cesser l’atteinte alléguée doivent être prises à la réception du signalement.

Enfin, il résulte de l’article 44 que la plateforme se doit de publier rapidement les différents signalements et déclarations des titulaires de droits et vendeurs.

B. Les obligations générales des plateformes utiles à la protection des droits de propriété intellectuelle.

L’article 27 de la loi impose notamment à la plateforme une obligation de requérir auprès de chaque vendeur potentiel des informations avérées sur son identité, son adresse, ses coordonnées et son autorisation administrative.

De plus, l’après l’article 31 de la loi, les informations relatives aux produits, services et transactions doivent être enregistrées et conservées sur la plateforme. Cette dernière doit en garantir l’intégrité, la confidentialité et la disponibilité. Les informations devront être conservées durant trois ans au moins, à compter du jour de la transaction, sauf disposition contraire d’une loi ou d’une réglementation administrative.

Egalement, en vertu de l’article 36 de la loi, la plateforme doit rendre publique "in time" les mesures entreprises à l’encontre de vendeurs qui enfreindraient les lois et règlements, telles que les avertissements, la suspension ou l’arrêt des services.

L’article 37 alinéa 1er de la loi précise en outre que lorsque la plateforme se lance également dans une activité commerciale propre de vente de produits ou de services, elle se doit de rendre identifiables ses activités afin que les consommateurs puissent distinguer les activités de la plateforme de celles des autres vendeurs. Le but de la loi est ici d’éviter d’induire le consommateur en erreur.

Enfin, il résulte de l’article 39 l’obligation de fournir aux consommateurs un service leur permettant d’évaluer les produits et services proposés sur la plateforme. Il lui est d’ailleurs interdit d’effacer les notations réalisées par les consommateurs.

C. Les obligations des vendeurs.

La section 1 du Chapitre II de la Loi, Chapitre dédié aux opérateurs de plateformes e-commerce, énonce une série d’obligations à destination des « e-commerce business operators », donc des vendeurs. Certaines de ces obligations trouvent un intérêt en matière de protection des droits de propriété intellectuelle, et notamment en cas d’enquêtes sur les vendeurs. Leur respect permettrait en effet de faciliter l’identification des vendeurs et celle des boutiques qu’ils seraient susceptibles de détenir sur différentes plateformes électroniques.

C’est le cas des obligations prévues par les articles 10 et 11 de la loi, en vertu desquels les vendeurs doivent enregistrer leur entité commerciale et s’acquitter de l’obligation de payer l’impôt.
Ne seront cependant pas soumis à l’obligation d’enregistrement les vendeurs qui commercialisent, notamment, en tant que particuliers, des produits agricoles ou des produits artisanaux qu’ils auraient fabriqués eux-mêmes.

Il résulte également l’article 15 de la loi l’obligation des vendeurs d’afficher clairement sur leur page d’accueil, les informations relatives aux licences d’exploitation et licences administratives de leur entreprise, et de mettre à jour rapidement ces informations en cas de modification.

La responsabilité des plateformes.

La responsabilité des plateformes est susceptible de se trouver engagée dans de multiples hypothèses, et notamment, d’après les articles 42 alinéa 2 et 45, lorsque la plateforme faillit à son obligation de prendre rapidement les mesures nécessaires pour faire cesser l’atteinte lorsque celle-ci lui a été notifiée ou lorsqu’elle en a connaissance ou devrait en avoir connaissance.
La plateforme sera alors tenue solidairement responsable avec les vendeurs de toute augmentation des dommages.
Le législateur semble s’être ici inspiré de l’article 36 du "Tort Liability of the People’s Republic of China" [12] selon lequel le fournisseur de services réseau qui ne prendrait pas, en temps utile, les mesures nécessaires après avoir été informé d’un délit commis par un utilisateur du réseau, se verra tenu solidairement responsable de tout préjudice supplémentaire causé à la victime.

Par ailleurs, lorsqu’une erreur dans le signalement d’un titulaire cause un préjudice au vendeur incriminé, l’article 42 alinéa 3 retient la responsabilité civile de la plateforme e-commerce.

La plateforme qui manquerait à son obligation de prendre les mesures nécessaires pourra aussi être condamnée par les autorités administratives de la propriété intellectuelle [13] à apporter des corrections dans un délai imparti, en vertu de l’article 84 de la loi.

Le même article prévoit en outre que la plateforme qui omettrait d’apporter ces corrections dans le délai imparti, pourrait se voir infliger une amende comprise entre 50.000 et 500.000 yuans, (environ 6.400 à 64.000 euros). En cas de circonstances sérieuses, la plateforme sera susceptible d’être condamnée à une amende comprise entre 500.000 et 2 millions de yuans (environ 258.000 euros).

De la même façon, le vendeur qui manquerait à ses obligations se verrait tenu responsable.

Un socle juridique précis mais pas de réelle innovation.

Dans son Special 301 Report  [14] rendu en avril 2019, l’USTR considérait que les nouvelles dispositions chinoises ne répondaient pas aux principales préoccupations en raison des exigences lourdes qu’elles imposent aux titulaires de droits et du droit octroyé aux vendeurs d’interrompre les procédures de retrait grâce à des contre-notifications, et ceci sans pénalité en cas de contre-notification de mauvaise foi.

Dans ce même rapport, la Chine a d’ailleurs été une nouvelle fois inscrite dans la «  Priority watch List  », la liste de surveillance prioritaire [15] et fait donc de nouveau l’objet d’un contrôle accru du Bureau américain qui examinera l’évolution des pratiques commerciales chinoises. En outre, le Bureau a ajouté de nouvelles plateformes e-commerce à la dernière «  Notorious Markets List  [16] , et parmi elles, la plateforme chinoise Pinduoduo.com [17] qui figure ainsi dans la liste des 33 plateformes électroniques devant améliorer leur procédure de retrait et leur coopération avec les titulaires de droits. Les plateformes chinoises Taobao et Dhgate.com, sont, quant à elle, de nouveau citées dans cette dernière liste.

Au regard des tensions diplomatiques actuelles entre les Etats-Unis et la Chine, l’opinion de l’USTR doit être cependant relativisée.

Malgré les rapports du Bureau américain, les plateformes semblent vouloir montrer que la protection de la propriété intellectuelle est une de leurs priorités.
La plateforme Pinduoduo citée plus haut, avait, à ce titre, annoncé en août 2018, avoir fermé plus de 1.000 boutiques en ligne et bloqué 450.000 annonces suspectées de contrefaçon.
En la matière, le groupe Alibaba, leader du commerce électronique chinois s’était positionné en tant que pionner, en développant, dès 2015 des programmes de lutte anti-contrefaçon, notamment par la création en 2017 l’ IP Protection Platform (dite « IPP Platform ») qui permet aux titulaires de droits et à leurs agents de soumettre des plaintes via un système automatisé d’analyse et de validation des plaintes. Dans son rapport sur l’année 2018 [18], le Groupe Alibaba évoquait les bons résultats obtenus en 2018 en soulignant une baisse des plaintes des titulaires de droits de 32% en comparaison avec l’année 2017 et la rapidité du traitement des signalements. Selon le rapport, 96% des signalements ont été traités dans un délai de 24h (jours ouvrés).

Ces bons résultats ont d’ailleurs certainement motivé le groupe Lazada, leader du commerce électronique en Asie du Sud-Est, dans sa politique de protection des droits de propriété intellectuelle, puisque celui-ci a annoncé le 28 juin 2019 son adhésion à l’IPP Platform d’Alibaba [19].

Sur le terrain, les équipes locales d’enforcement des marques, ne constatent aucun réel changement sept mois après l’entrée en vigueur des dispositions bien que de plus en plus de plateformes développent leur Brand Protection Program.

La nouvelle loi chinoise sur le commerce électronique a donc certes apporté un socle juridique précis à la protection des droits de propriété intellectuelle en ligne mais ne semble pas avoir réalisé de réelle innovation s’agissant des droits des titulaires et des obligations des plateformes électroniques dans la mesure où des textes législatifs et des solutions jurisprudentielles avaient déjà posé les règles en la matière.
L’apport de la loi paraît toutefois plus important s’agissant de la responsabilité des plateformes, puisque celles-ci pourront être tenues solidairement responsables avec les vendeurs contrefacteurs.
En définitive, on peut se demander si la nouvelle loi e-commerce chinoise n’est pas un coup d’épée dans l’eau dans la lutte anti-contrefaçon en ligne sur le territoire chinois.

Laure Bourdeau, Juriste PI, EBRAND SERVICES France

[1Selon le 43ème rapport du Centre d’Information du réseau Internet de Chine (CNNIC), le nombre d’internautes chinois s’élevait à 829 millions à la fin de l’année 2018.

[2Lien vers le site.

[3Plus d’information ici.

[4OECD/EUIPO (2019), Trends in Trade in Counterfeit and Pirated Goods, Illicit Trade, OECD Publishing, Paris / European Union Intellectual Property Office.

[5L’OMC est une organisation internationale créée en 1995 dont la mission est de gérer les règles relatives au commerce international entre les pays. La Chine est membre de l’OMC depuis la conférence ministérielle de Doha (Qatar) du 9 au 14 novembre 2001, et se positionne ainsi en tant que 143e membre.

[6L’Accord sur les ADPIC, entré en vigueur le 1er janvier 1995 est un accord multilatéral qui vise à établir des normes minimales pour le respect des droits de propriété intellectuelle dans les actions administratives civiles et, en qui concerne le piratage de droit d’auteur et la contrefaçon de marque, les actions pénales et les actions à la frontière. L’Accord sur les ADPIC, en tant qu’accord de l’OMC, s’applique à l’ensemble des Membres de l’OMC en vertu de l’engagement unique des Membres.

[7« Le Bureau du représentant américain au commerce est un bras de la branche exécutive du gouvernement fédéral des Etats-Unis et fait partie du Bureau exécutif du président des Etats-Unis. »

[8Aux Etats-Unis et dans l’Union européenne la règle de « notice and takedown » est respectivement prévue dans le « Digital Millenium Copyright Act » de 1998 et dans la Directive sur le commerce électronique de 2000.

[10En latin, l’expression « prima faci » signifie « de prime abord » ou « au premier regard ». En langage juridique, une preuve « prima facie » est une preuve suffisante pour établir un fait.

[11Miao Fuhua v. 56.com, Beijing Chaoyang District Court, Chao Min Chu Zi, No. 30077 (2011).

[12Le « Tort Liability of the People’s Republic of China » est une loi de la République Populaire de Chine entrée en vigueur le 1er juillet 2010 qui expose la plupart des cas dans lesquels la responsabilité délictuelle est engagée.

[13Il pourrait notamment s’agir de la China National Intellectual Property Administration (CNIPA).

[14Le « Special 301 Report » est un rapport annuel sur l’état mondial de la protection et le respect des droits de propriété intellectuelle. Il identifie notamment les partenaires commerciaux qui ne font pas respecter de façon satisfaisante les droits de propriété intellectuelle. L’USTR le réalise chaque année, conformément à l’article 182 du Trade Act of 1974. »

[15Les Etats inscrits sur la liste de surveillance prioritaire font l’objet de contrôles.

[162018 Out-of-Cycle Review of Notorious Markets. La « Notorious Markets List » identifie les marchés en ligne et physique qui se livreraient à des activités de piratage et de contrefaçon importants et qui les faciliteraient. L’un des objectifs de la liste est d’inciter le secteur privé et les gouvernements à prendre les mesures qui s’imposent pour réduire le piratage et la contrefaçon.

[17Troisième plus grande plateforme de commerce électronique en Chine en terme s de nombres d’utilisateurs, créée en 2015 par Colin Huang, dont le siège social est à Shanghai.

[18« Intellectual Property Rights Protection annual Report », publié au mois de mai 2019. Plus d’information ici.

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