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Le dopage et la sanction de l’absence de localisation d’un sportif ! Par Baptiste Genies, Avocat.
Parution : jeudi 18 juillet 2019
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Les sportifs inscrits dans le "groupe cible" par l’Agence française de lutte contre le dopage ont l’obligation de fournir des informations sur leur localisation en dehors des manifestations sportives et des périodes d’entraînement.

Depuis plusieurs années des sportifs après avoir fait l’objet de plusieurs avertissements, ont fait l’objet de sanction en ne fournissant pas les informations nécessaires à l’Agence française de lutte contre le dopage pour effectuer un contrôle.

A la différence de l’ordonnance rendue le 12 avril 2019, le Conseil d’Etat a confirmé par une ordonnance en date du 8 juillet 2019, la suspension de l’athlète et a rappelé que la suspension était une mesure conservatoire (CE, 12 avril 2019, req. n°429645, et CE, 8 juillet 2019, req. n°431500).

I/ L’obligation pour les sportifs d’être localisés dans le cadre de la lutte contre le dopage.

L’Agence française de lutte contre le dopage est une autorité publique indépendante, ce qui signifie que cette autorité :
- dispose d’un certain nombre de pouvoir ;
- agit pour le compte de l’Etat ;
- est indépendante et dispose de la personnalité morale.

Les missions de l’Agence française de lutte contre le dopage sont définies à l’article L.232-5 du Code du sport et ces dispositions précisent notamment qu’elle diligente en outre les contrôles en dehors des manifestations sportives et des périodes d’entraînement.

Une ordonnance n° 2018-1178 du 19 décembre 2018 relative aux mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour parfaire la transposition en droit interne des principes du code mondial antidopage est intervenue et a modifié les pouvoirs de l’Agence française de lutte contre le dopage et les sanctions administratives.

L’article L. 232-15 du Code du sport impose à tous les sportifs dans le cadre de la lutte contre le dopage de fournir des renseignement précis et actualisés sur leur location pour permettre la réalisation des contrôles de lutte contre le dopage en dehors des manifestations sportives et des entraînements pendant une année.

En effet, les sportifs du "groupe cible" sont désignés par l’Agence française de lutte contre le dopage pendant une année et se distinguent parmi les trois catégories suivantes :
- les sportifs de haut niveau ou les espoirs, ou les sportifs inscrits sur cette liste au moins une année durant les trois dernière années ;
- les sportifs professionnels licenciés des fédérations agréés ou les sportifs ayant été professionnels au moins une année durant les trois dernière années ;
- les sportifs sanctionnés disciplinairement.

Si les sportifs commettent trois manquements aux obligations de localisation durant une période de douze mois ils encourent des sanctions administratives.

Désormais, la durée des mesures d’interdiction à raison d’un manquement aux obligations de localisation est de deux ans (L.232-23-3-5 du Code du sport).

Cette durée peut être réduite, au plus de moitié, en fonction du degré de la faute du sportif, sauf lorsque des changements de localisation ou l’identification d’autres conduites laissent sérieusement soupçonner que le sportif tentait de se rendre indisponible pour des contrôles.

Par un arrêt en date du 30 janvier 2019 où le Conseil d’Etat a considéré que le sportif avait l’obligation de fournir des renseignements précis et actualisés sur sa localisation en dehors des événements sportifs pour permettre à l’Agence française de lutte contre le dopage d’effectuer des contrôles (CE, 30 janvier 2019, req. n°422887).

II/ Les sanctions disciplinaires de l’Agence française de lutte contre le dopage.

Depuis une ordonnance n° 2018-1178 du 19 décembre 2018 relative aux mesures relevant du domaine de la loi nécessaires pour parfaire la transposition en droit interne des principes du Code mondial antidopage est intervenu et a modifié les sanctions administratives.

Ces sanctions qui peuvent être prononcées sont les suivantes (L.232-23 et suivants du Code du sport) :
-  Un avertissement ;
- Une interdiction temporaire ou définitive de participer directement ou indirectement à l’organisation et au déroulement de toute manifestation sportive donnant lieu à une remise de prix en argent ou en nature, et des manifestations sportives autorisées par une fédération délégataire ou organisées par une fédération agréée ou par une ligue sportive professionnelle ainsi qu’aux entraînements y préparant organisés par une fédération agréée ou une ligue professionnelle ou l’un des membres de celles-ci ;
- Une interdiction temporaire ou définitive d’exercer les fonctions d’enseigner, animer ou encadrer une activité physique ou sportive ou entraîner ses pratiquants ;
- Une interdiction temporaire ou définitive d’exercer les fonctions de personnel d’encadrement ou toute activité administrative au sein d’une fédération agréée ou d’une ligue professionnelle, ou de l’un de leurs membres ;
- Une interdiction temporaire ou définitive prendre part à toute autre activité organisée par une fédération sportive, une ligue professionnelle ou l’un de leurs membres, ou le comité national olympique et sportif français, ainsi qu’aux activités sportives impliquant des sportifs de niveau national ou international et financées par une personne publique, à moins que ces activités ne s’inscrivent dans des programmes ayant pour objet la prévention du dopage.
- La publication de la décision de la commission des sanctions de l’Agence française de lutte contre le dopage ou de l’accord homologué ;
- La suspension provisoire ;
- L’annulation des résultats du sportif obtenus au cours d’une manifestation sportive.

Il convient de préciser que plusieurs interdictions peuvent être prononcées.

Par ailleurs, la sanction prononcée à l’encontre d’un sportif peut être complétée par une sanction pécuniaire dont le montant ne peut excéder 45.000 € (L.232-23 du Code du sport)

Celle prononcée à l’encontre de toute autre personne qui a enfreint les règles posées à l’article L. 232-10 du Code du sport peut être complétée par une sanction pécuniaire dont le montant ne peut excéder 150.000 € (L.232-23 du Code du sport).

Sur les trois décisions précitées le régime de sanction est différent puisqu’une des sanctions a été prononcée avant l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 19 décembre 2018.

Dans l’arrêt du 30 janvier 2019, l’Agence française de lutte contre le dopage a pris la décision d’interdire au sportif de participer pendant un an à toute manifestation sportive donnant lieu à remise de prix ainsi qu’aux manifestations sportives organisées ou autorisées par la Fédération française de boxe, la Fédération française de savate, boxe française et discipline associée, la Fédération française de kick boxing, muay thaï et disciplines associées, la Fédération française de sports d’entreprise, la Fédération sportive et culturelle de France, la Fédération sportive et gymnique du travail et l’Union française des œuvres laïques d’éducation physique ainsi qu’aux entraînements y préparant. 

Dans les ordonnance du 12 avril 2019 et du 8 juillet 2019 du Conseil d’Etat, l’Agence française de lutte contre le dopage avait prononcé une mesure de suspension provisoire qui interdisait à la requérante :
- de participer directement ou indirectement à l’organisation et au déroulement de toute manifestation sportive donnant lieu à la remise de prix en argent ou en nature, et à des manifestations sportives autorisées par une fédération professionnelle ainsi qu’aux entraînements y préparant organisés par une fédération agréée ou une ligue professionnelle ou l’un des membres de celles-ci,
- d’exercer des fonctions d’enseigner, animer ou encadrer une activité physique ou sportive ou entraîner ses pratiquants,
- à l’exercice des fonctions de personnel d’encadrement ou de toute activité administrative au sein d’une fédération agréée ou d’une ligue professionnelle, ou de l’un des membres de celles-ci,
- à la participation à toute autre activité organisée par une fédération sportive, une ligue professionnelle ou l’un de leur membre, ou le comité olympique et sportif français, ainsi qu’aux activités sportives impliquant des sportifs de niveau national ou international et financées par une personne publique, à moins que ces activités ne s’inscrivent dans des programmes ayant pour objet la prévention du dopage.

Ainsi les sanctions administratives de l’Agence française de lutte contre le dopage peuvent avoir de lourdes conséquences notamment professionnelles pour le sportif où certaines interdictions peuvent être d’une durée de quatre ans voir définitive en fonction de la gravité de l’infraction commise.

III/ Les recours devant les juridictions administratives pour contester les sanctions administratives.

Au vu de l’importance des sanctions possibles et des conséquences sur la vie professionnelle des sportifs, les sportifs ont la possibilité de contester la sanction infligée devant les juridictions administratives.

Classiquement en droit public général, le Code de justice administrative indique que le justiciable dispose d’un délai de deux mois pour contester les actes de la personne publique devant les juridictions administratives (R. 421-1 du Code de justice administrative). Ce recours permettra de contester la sanction administrative pour en obtenir l’annulation.

Il est possible également d’effectuer un référé suspension qui permettra au sportif de solliciter auprès du juge administratif la suspension de l’exécution de la décision contestée jusqu’à ce qu’il soit statué sur le recours demandant l’annulation de la sanction (L. 521-1 du Code de justice administrative).

Le référé suspension permet à l’athlète de continuer les activités sportives et les compétitions.

En effet, par une ordonnance du 12 avril 2019, le juge des référés du Conseil d’Etat a ordonné la suspension de la sanction administrative provisoire à titre conservatoire de l’Agence française de lutte contre le dopage à l’égard de la requérante au motif que l’Agence a pu méconnaître le principe du contradictoire en ne lui permettant pas de présenter des observations, ce qui a caractérisé le doute sérieux quant à la légalité de la décision contestée (CE, 12 avril 2019, req. n°429645).

Cette suspension a permis au sportif de participer au Marathon de Paris.

Néanmoins, l’Agence française de lutte contre le dopage a pris acte de cette ordonnance du Conseil d’Etat en reprenant une décision en date du 25 avril 2019 et a prononcé à l’encontre de l’athlète une mesure de suspension provisoire identique à la première.

Dans son ordonnance du 8 juillet 2018, Le Conseil d’Etat a considéré que le respect du contradictoire avait été respecté dès lors que "Mme A...et son conseil ont été reçus par la présidente de l’AFLD le 23 avril 2019" et la mesure de suspension provisoire ne pouvait pas être regardé comme une sanction.

Le Conseil d’Etat a considéré que la décision de la présidente de l’AFLD du 25 avril 2019 n’était pas disproportionnée et de nature à créer un doute sérieux sur sa légalité (CE, 8 juillet 2019, req. n°431500).

Toutefois, le Conseil d’Etat a pris le soin de préciser pour éviter que la mesure provisoire entraîne de lourdes conséquences pour l’athlète qu’ "en l’absence de durée prédéterminée fixée par le législateur à la suspension provisoire, il revient au président de l’AFLD, sous le contrôle du juge administratif, de mettre un terme à la suspension, hors le cas où la loi rend celle-ci obligatoire, à compter du moment où son maintien n’apparaît plus nécessaire à la préservation des intérêts qui la justifie, le cas échéant au vu d’éléments nouveaux produits par le sportif concerné" (CE, 8 juillet 2019, req. n°431500).

Ainsi, les juridictions administratives n’ont pas encore tranché le fond des deux requêtes présentées par l’athlète à notre connaissance. Les décisions à intervenir permettront d’établir un cadre procédure pour la contestation de ces mesures provisoires.

En effet, si le sportif obtient l’annulation de la sanction, il pourra en fonction des circonstances engager la responsabilité de l’Agence de lutte contre le dopage si le juge administratif considère que la sanction est illégale.

Le sportif devra démontrer le préjudice subi sur sa carrière sportive, les pertes de contrats de sponsoring voir un préjudice moral.

Baptiste GENIES Avocat à la Cour Chargé d'enseignement à l'Université Paris Saclay Email : contact@genies-avocat.fr www.genies-avocat.fr