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Groupement forestier et production d’énergie photovoltaïque, quelle imposition pour les revenus ? Par Hadrien Berthier, Etudiant.
Parution : jeudi 25 juillet 2019
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Depuis 1954, les propriétaires de bois ou de terrains à reboiser ont la possibilité de constituer entre eux, pour une durée maximale de 99 ans, des groupements forestiers. Cette possibilité s’ancre dans un objectif de favoriser le reboisement, l’amélioration et la conservation des massifs forestiers français.
En parallèle, le législateur tend à favoriser la production d’énergie photovoltaïque (énergie produite à partir du rayonnement du soleil) par les personnes physiques et morales. Cette activité connaît une forte progression depuis quelques années et peut représenter une activité complémentaire intéressante pour un groupement forestier.
Quid des impacts fiscaux sur de tels revenus ?

I. La possible activité accessoire de production d’énergie photovoltaïque dans un groupement forestier.

Selon l’article L.331-1 du Code forestier : « Un groupement forestier est une société civile créée en vue de la constitution, l’amélioration, l’équipement, la conservation ou la gestion d’un ou plusieurs massifs forestiers ainsi que l’acquisition de bois et forêts  ».
A la lecture de ce texte, on peut de façon opportune s’interroger sur la possible jonction d’une activité de production d’énergie photovoltaïque à un groupement forestier.

Toutefois, dans un souci d’encourager à la production d’énergie propre et renouvelable, le législateur, dans une loi n° 2010-788 du 12 juillet 2010 portant engagement national pour l’environnement, modifiée par une loi du loi n°2015-992 du 17 août 2015, a prévu dans son article 88, II, que : «  Toute personne morale peut, quelle que soit la mission pour laquelle elle a été constituée, exploiter une installation de production d’électricité utilisant l’énergie radiative du soleil dont les générateurs sont fixés ou intégrés aux bâtiments dont elle est propriétaire ».

Dès lors que le groupement forestier conserve une activité civile prépondérante et que l’activité de production d’énergie photovoltaïque accessoire (par nature commerciale) figure dans l’objet statutaire de la société civile, rien ne semble pouvoir s’opposer à une telle adjonction d’activité. Ce qui s’ancre dans l’esprit même du législateur.

Attention toutefois, un groupement forestier qui ne remplirait plus les conditions prévues par les article L.331-1 à L.331-15 du Code forestier se verrait soumis à l’impôt sur les sociétés, ce qui entrainerait une cessation d’entreprise sur le plan fiscal. Il faut donc agir avec prudence lors de l’adjonction de cette activité commerciale accessoire.

II. BIC, BA ou IS, dans quelle catégorie seront imposables les revenus ?

Au titre de l’article 238 ter du Code général des impôts (CGI), les groupements forestiers constitués dans les conditions prévues par les articles L.331-1 et suivants du Code forestier sont des sociétés civiles qui ne sont pas assujetties à l’impôt sur les sociétés et ne sont pas autorisées à opter pour cet impôt. Chaque membre du groupement est personnellement imposé, pour sa part, dans les bénéfices sociaux :
- Soit à l’impôt sur le revenu, en principe dans la catégorie des bénéfices agricoles (BA). A titre d’information, il existe un régime forfaitaire d’imposition pour les revenus provenant de la coupe de bois qu’il n’est pas utile de détailler ici.
- Soit à l’impôt sur les sociétés (IS), si l’associé est une personne morale passible dudit impôt [1].

En parallèle, et par principe, la production d’électricité photovoltaïque, en tout ou partie vendue à des tiers, est une activité commerciale. La doctrine administrative énonçant que dès lors qu’ils ne sont pas vendus par des personnes physiques, «  ces produits relèvent du régime des bénéfices industriels et commerciaux et sont imposables dans les conditions de droit commun  » [2].

Dès lors, il convient de s’interroger sur la catégorie dont relèvent ces produits, s’agissant d’une activité accessoire du groupement forestier (par principe imposable à l’IR dans la catégorie des bénéfices agricoles).
A cet égard, l’article 24 de la loi n° 2017-1837 du 30 décembre 2017 de finances pour 2018 prévoit que les sociétés civiles qui réalisent des opérations de nature commerciale relèvent en principe de l’impôt sur les sociétés pour l’ensemble de leurs bénéfices.
Toutefois, en application du 2 de l’article 206 du CGI, les sociétés civiles qui exercent une activité agricole au sens de l’article 63 du CGI ne sont pas assujetties à l’impôt sur les sociétés lorsque leurs recettes accessoires n’excèdent pas les seuils fixés à l’article 75 du CGI.

En effet, ce dernier prévoit que les produits des activités accessoires relevant de la catégorie des BIC réalisés par un exploitant agricole soumis à un régime réel d’imposition peuvent être pris en compte pour la détermination du bénéfice agricole lorsque, au titre des trois années civiles précédant la date d’ouverture de l’exercice, la moyenne annuelle des recettes accessoires commerciales et non commerciales de ces trois années n’excède :
- ni 50 % des recettes tirées de l’activité agricole au titre desdites années,
- ni 100.000 euros.

Une spécificité agricole bienvenue, qui s’applique aux groupements forestiers. La doctrine administrative précisant que : «  les exploitations qui peuvent prétendre aux dispositions de l’article 75 du CGI doivent être soumises à un régime réel simplifié ou normal d’imposition, de plein droit ou sur option. Il s’agit des exploitations agricoles individuelles et des sociétés civiles agricoles  », ce dernier renvoi incluant directement les groupements forestiers [3].

Enfin, il faut relever que ces limites s’apprécient au seul niveau du groupement. En effet, le BOFIP énonce que : « Les recettes provenant respectivement de l’activité agricole et des opérations accessoires de nature commerciale et non commerciale réalisées par une société ou un groupement relevant de l’impôt sur le revenu sont appréciées au niveau de la société ou du groupement agricole. Sont donc sans influence les recettes personnelles réalisées par les membres, qu’elles soient de nature agricole, commerciale ou non commerciale » [4].

En résumé :

Un groupement forestier qui décide d’exploiter une activité accessoire de production d’électricité d’origine photovoltaïque (BIC par nature) pourra soumettre ces revenus dans la catégorie des bénéfices agricoles, sous respect des seuils prévus par l’article 75 du Code général des impôts. Mais attention, en cas de dépassement, le groupement deviendra assujetti à l’impôt sur les sociétés pour l’ensemble des revenus !

Hadrien BERTHIER Etudiant en Droit des affaires

[1BOI-BA-SECT-30-10-20130211.

[2BOI-BIC-CHAMP-80-30-20130325 §150.

[3BOI-IS-CHAMP-10-30-20180704 §340 et s.

[4BOI-BA-CHAMP-10-40-20190619 §300.