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Rupture conventionnelle collective : l’essentiel en 7 points-clés. Par Xavier Berjot, Avocat.
Parution : mardi 30 juillet 2019
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A mi-chemin entre le licenciement économique et le départ volontaire de salariés de l’entreprise, la rupture conventionnelle collective (ci-après « RCC ») est un dispositif particulier, issu de l’ordonnance 2017-1387 du 22 septembre 2017.

1/ Définition.

La RCC n’est pas précisément définie par le Code du travail, l’article L. 1237-19 disposant « qu’un accord collectif peut déterminer le contenu d’une rupture conventionnelle collective excluant tout licenciement pour atteindre les objectifs qui lui sont assignés en termes de suppression d’emplois. »

Selon l’administration, la RCC « a pour finalité d’encadrer des départs volontaires, exclusifs du licenciement ou de la démission. » Elle ajoute que la RCC est déconnectée du régime du licenciement économique et n’a pas à être justifiée par un motif économique. La Cour administrative d’appel de Versailles a confirmé cette position (CAA Versailles 14-3-2019, n° 18VE04158).

Le ministère du Travail a précisé qu’un engagement de maintien de l’emploi, par l’employeur, doit figurer expressément dans l’accord de mise en place de la RCC (cf. § 2). Il s’agit d’ailleurs d’un point de vérification obligatoire de la DIRECCTE lors de l’examen de la demande de validation (cf. § 6).

Cet engagement implique, en pratique, que les salariés devront pouvoir librement opter, soit pour le départ dans les conditions de l’accord collectif, soit pour le maintien dans leur emploi.

Tant l’employeur que les salariés peuvent trouver leur intérêt dans la mise en place d’une RCC.

Par ce biais, l’employeur peut procéder à la suppression d’emplois de manière assez souple tandis que les salariés – nécessairement volontaires – peuvent quitter l’entreprise en bénéficiant des indemnités de rupture et de l’assurance-chômage.

2/ Conditions de mise en place.

La particularité de la RCC résulte dans le fait qu’elle doit obligatoirement faire l’objet d’un accord collectif déterminant, a minima (C. trav. art. L. 1237-19-1) :
- Les modalités et conditions d’information du comité social et économique (ci-après « CSE »), s’il existe ;
- Le nombre maximal de départs envisagés, de suppressions d’emplois associées, et la durée de mise en œuvre de la RCC ;
- Les conditions que doit remplir le salarié pour en bénéficier ;
- Les modalités de présentation et d’examen des candidatures au départ des salariés, comprenant les conditions de transmission de l’accord écrit du salarié au dispositif prévu par l’accord collectif ;
- Les modalités de conclusion d’une convention individuelle de rupture entre l’employeur et le salarié et d’exercice du droit de rétractation des parties ;
- Les modalités de calcul des indemnités de rupture garanties au salarié, qui ne peuvent être inférieures aux indemnités légales dues en cas de licenciement ;
- Les critères de départage entre les potentiels candidats au départ ;
- Des mesures visant à faciliter le reclassement externe des salariés sur des emplois équivalents (actions de formation, de validation des acquis de l’expérience, etc.) ;
- Les modalités de suivi de la mise en œuvre effective de l’accord portant RCC.

La RCC peut être conclue quel que soit le nombre de départs envisagés et quel que soit l’effectif de l’entreprise. Il est rappelé, à cet égard, que des accords collectifs peuvent être ratifiés dans les entreprises de toutes tailles, selon des modalités propres à chacune (C. trav. art. L. 2232-21 et suivants).

3/ Salariés concernés.

Dans le cadre de la RCC, l’employeur est libre de choisir les catégories de salariés concernés par cette mesure. Ainsi, un accord de RCC peut lister les types d’activités et postes sur lesquels les départs volontaires sont envisagés.

De telles dispositions sont valables à condition qu’elles respectent le principe d’égalité de traitement et que les règles déterminant les salariés éligibles au départ volontaire soient préalablement définies et objectives.

A cet égard, l’administration a posé les garde-fous et exigences suivants :
- Les critères de sélection des candidats aux départs doivent tenir compte, autant que possible, de la viabilité du projet professionnel du salarié ;
- L’accord peut notamment subordonner le départ volontaire d’un salarié à la condition qu’il présente une offre sérieuse de reclassement externe ou un projet sérieux de création ou reprise d’entreprise ;
- Une attention particulière doit être portée aux conditions d’expression du volontariat, afin qu’il reflète le choix non équivoque des salariés concernés ;
- Toute discrimination doit être prohibée, notamment fondée sur l’âge ;
- Les DIRECCTEs ne doivent pas valider pas un accord de RCC comportant seulement le versement d’indemnités de départ pour des salariés sélectionnés sur le seul critère de l’âge ou de l’ancienneté.

4/ Négociation de l’accord.

L’article L. 1237-19-1 7° du Code du travail énumère certaines mesures qui peuvent être mobilisées dans le cadre d’un accord portant RCC : « le congé de mobilité […], des actions de formation, de validation des acquis de l’expérience ou de reconversion ou des actions de soutien à la création d’activités nouvelles ou à la reprise d’activités existantes pour les salariés. »

Cette liste n’est pas limitative et l’accord peut tout à fait comporter d’autres mesures au profit des salariés : indemnités de départ majorées, dispositifs d’accompagnement similaires au congé de reclassement, priorité de réembauche, etc.

L’employeur peut également, de son côté, négocier la RCC. A titre d’exemples, l’employeur peut souhaiter que les départs soient différés dans le temps, que telle ou telle catégorie de salariés ne soit pas concernée par la RCC, etc.

En tout état de cause, la RCC ne peut se contenter de prévoir le départ des salariés moyennant l’indemnité légale de licenciement.

5/ Rôle du CSE.

Il résulte de l’article L. 1237-19-1 1° du Code du travail que l’accord de RCC doit déterminer « les modalités et conditions d’information du comité social et économique. »

Sont ici visées les entreprises de 11 salariés et plus, dès lors que ce seuil impose la mise en place d’un CSE (sauf procès-verbal de carence : C. trav. art. L. 2314-9).

S’agissant des modalités d’information du CSE, l’administration a précisé (source : ministère du Travail)

« La loi n’impose pas une consultation avec remise obligatoire d’un avis, à l’instar du droit commun des accords collectifs qui depuis la loi Macron du 17 août 2015 a fait disparaître l’obligation pour l’employeur de consulter le comité d’entreprise sur les projets d’accords collectifs, leur révision ou leur dénonciation (art. L. 2323-2 alinéa 2). »

Il appartient donc à l’accord de RCC de déterminer les modalités et conditions d’information du CSE : transmission du projet d’accord ou de l’accord signé, demande d’avis sur les mesures envisagées, etc.

6/ Validation de l’accord.

La DIRECCTE dont relève l’entreprise ou l’établissement concernés doit valider l’accord de RCC pour que celui-ci puisse être mis en œuvre (C. trav. art. L. 1237-19-5 et R. 1237-6).

En pratique, l’accord doit être transmis à la DIRECCTE via une procédure de télétransmission (https://www.portail-pse-rcc.emploi.gouv.fr).

Le dossier doit contenir les pièces suivantes (C. trav. art. L. 1237-19-3 et D. 1237-9) :
- L’accord portant RCC ;
- Les informations permettant de vérifier la régularité des conditions dans lesquelles il a été conclu (en fonction des signataires) ;
- Les informations permettant de vérifier la mise en œuvre effective de l’information du CSE ;
- Le procès-verbal de carence (en cas d’absence de CSE par suite d’une carence).

La DIRECCTE dispose d’un délai de 15 jours calendaires pour valider ou non l’accord collectif, à compter de la réception du dossier complet (C. trav. art. L. 1237-19-4).

Sa décision est notifiée à l’employeur, aux autres signataires de l’accord et au CSE, s’il existe.

NB. Le silence gardé par la DIRECCTE à l’issue du délai prévu de 15 jours vaut décision de validation. Dans ce cas, l’employeur transmet une copie de sa demande de validation, accompagnée de son accusé de réception par l’administration, au CSE, s’il existe, et aux signataires de l’accord.

Enfin, les salariés doivent bénéficier des mêmes informations par voie d’affichage sur les lieux de travail ou par tout autre moyen permettant de conférer date certaine à cette information.

7/ Rupture du contrat de travail.

L’acceptation par l’employeur de la candidature du salarié dans le cadre de la RCC emporte rupture du contrat de travail d’un commun accord des parties (C. trav. art. L. 1237-19-2).

En pratique, l’employeur et le salarié doivent conclure une convention individuelle de rupture dont les modalités sont prévues par l’accord de RCC. Cet écrit a notamment pour objet de déterminer le délai de rétractation des parties et la date de la rupture du contrat de travail.

Les parties peuvent y ajouter d’autres dispositions (clause de confidentialité, de non-dénigrement, levée d’une clause de non-concurrence, rappel de la portabilité des garanties complémentaires santé et prévoyance, etc.).

Pour les salariés protégés, la rupture d’un commun accord du contrat de travail doit faire l’objet d’une autorisation de l’inspecteur du travail (C. trav. art. L. 1237-19-2) et ne peut intervenir, au plus tôt, que le lendemain du jour de l’autorisation.

Xavier Berjot Avocat Associé SANCY Avocats [->xberjot@sancy-avocats.com] [->https://bit.ly/sancy-avocats] Twitter : https://twitter.com/XBerjot Facebook : https://www.facebook.com/SancyAvocats LinkedIn : https://fr.linkedin.com/in/xavier-berjot-a254283b
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