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Les fausses notes de frais : le jeu n’en vaut pas la chandelle. Par Arthur Tourtet, Avocat.
Parution : mercredi 31 juillet 2019
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L’employeur est tenu de rembourser les frais professionnels exposés par ses salariés.

Même lorsque le remboursement implique de produire des justificatifs, le système repose sur un principe de confiance.

Or, certains salariés abusent de la confiance accordée par leur employeur afin de se faire rembourser des frais professionnels inexistants.

Cette pratique, loin d’être anodine, est particulièrement risquée sur le long terme.

Par exemple, un salarié qui se fait inviter au restaurant par un client va garder le justificatif et le transmettre à l’employeur afin que ce dernier s’imagine que son employé a financé un repas d’affaires.

Autre exemple, un salarié en déplacement professionnel va gonfler la distance parcourue afin d’obtenir un remboursement plus important sur la base des indemnités kilométriques.

Plus rare mais plus grave, un salarié peut même produire une fausse facture pour ensuite en obtenir le remboursement.

Si vous êtes adeptes de ces petites tricheries, il est inutile de rétorquer qu’il s’agit de sommes modiques, que vos collègues en font autant ou bien encore qu’il existe des fraudes plus graves que cela.

Il n’existe pas de montant à partir duquel vous sombrez dans la malhonnêteté. Le premier euro suffit.

Dès l’instant où vous obtenez des sommes auxquelles vous n’avez pas droit en usant de manœuvres frauduleuses, vous brisez la confiance de votre employeur.

De plus, vous ne respectez pas votre obligation contractuelle de loyauté ainsi que quelques dispositions du Code pénal.

Si ces manœuvres peuvent ne pas être immédiatement détectées lorsqu’il est impossible pour l’entreprise de vérifier tous les justificatifs de ses employés, vos fausses notes de frais finiront par être découvertes tôt ou tard.

Il suffit d’un audit comptable ou d’un contrôle URSSAF pour que l’employeur se penche plus attentivement sur vos remboursements et qu’il s’aperçoive de quelques incohérences.

Lorsque votre employeur découvrira vos remboursements frauduleux, vous devrez en assumer les conséquences, lesquelles seront particulièrement rudes.

En toute logique, votre employeur vous licenciera pour faute grave.

Dans certains cas, si l’employeur démontre l’existence d’une intention de nuire de votre part, il pourra même vous licencier pour faute lourde, ce qui lui donnera le droit de réclamer des dommages et intérêts au titre du préjudice subi.

Si l’idée vous vient de contester votre licenciement, ne vous faites pas d’illusions : la jurisprudence estime régulièrement que le remboursement de fausses notes de frais est une faute grave (Cass. soc., 24 juin 2009, n° 08-41.063).

Pour illustration, est une faute grave le fait de :
- Faire passer des notes de restaurant pour des repas professionnels en déclarant avoir convié des collaborateurs ou des clients qui n’étaient pas présents (Cour d’appel de Versailles, 10 avril 2019, n° 17/02249).
- Déclarer un faux déplacement professionnel afin de se faire rembourser un trajet n’ayant aucun rapport avec le travail (Cour d’appel de Rennes, 30 novembre 2016, n° 15/05052).
- Obtenir le remboursement d’indemnités kilométriques en majorant la distance parcourue (Cour d’appel de Dijon, 23 mai 2013, n° 12/00858).
- Se faire rembourser deux fois des frais d’essence, notamment en déclarant deux véhicules différents pour la même dépense (Cour d’appel de Montpellier, 10 avril 2019, n° 15/09538).
- Obtenir une indemnité de grand déplacement en produisant une fausse facture (Cour d’appel de Nîmes, 11 juin 2019, n° 17/01907).

Outre le licenciement, rien ne s’oppose à ce que l’employeur demande la restitution des remboursements des frais professionnels fictifs en se fondant sur la répétition de l’indu (Cour d’appel de Rennes, 21 janvier 2015, n° 13/08971).

Pour précision, la répétition de l’indu n’est ni une sanction pécuniaire prohibée, ni une action en dommages et intérêts.

De plus, ce genre de comportement peut vous valoir une condamnation devant le Tribunal correctionnel si l’employeur décide de porter plainte. Utiliser de faux justificatifs afin d’obtenir des remboursements indus peut être constitutif du délit d’escroquerie.

Si vous avez besoin d’une augmentation, il est préférable d’obtenir cette dernière en négociant avec votre employeur, quitte à améliorer vos résultats en travaillant plus dur.

Si votre employeur ne vous rémunère pas à votre juste valeur et qu’il n’est pas possible de lui faire entendre raison, mieux vaut changer d’emploi.

Si la fraude est un raccourci pour gagner un peu plus, n’oubliez pas qu’elle peut vous faire perdre beaucoup en très peu de temps.

Arthur Tourtet Avocat au Barreau du Val d\'Oise