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La prescription et la médiation en entreprise. Par Lionel Gonzales, Juriste.
Parution : jeudi 8 août 2019
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La médiation est de plus en plus utilisée en entreprise.
Elle est un formidable outil, sous réserve de tenir compte des contraintes spécifiques du droit du travail qui viennent parfois perturber son bon déroulement !
Quelles sont les incidences en cas de procédure disciplinaire concomitante ? Peut-elle suspendre le délai de prescription des faits fautifs de 2 mois ?

En médiation, la question de la prescription extinctive ou acquisitive, est souvent secondaire.

Tout d’abord, parce que cette question très juridique, relève principalement des avocats et des juristes accompagnant les médiés. Cet aspect a donc souvent déjà été vérifié en amont de la médiation.
Pour les médiations en cours de procédure judiciaire, la question se pose moins, car le juge est déjà saisi du litige, ce qui suspend le cours de la prescription.

Enfin, dans le cas des médiations conventionnelles, la médiation est relativement rapide et cela n’a pas d’impact sur la prescription. La médiation met souvent un terme au conflit et au litige, ce qui neutralise la question de la prescription devenue sans objet.
Pour autant, lorsque la médiation est mise en œuvre quelques mois, voire quelques jours avant la fin du délai de prescription, les conseils et le médiateur doivent pouvoir faire face à cette question importante pour l’intérêt des parties et la loyauté du processus.

Selon l’article 2238 du Code civil, modifié par l’Ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 - art. 5,

« La prescription est suspendue à compter du jour où, après la survenance d’un litige, les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation ou, à défaut d’accord écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation ou de conciliation. »

« Le délai de prescription recommence à courir, pour une durée qui ne peut être inférieure à six mois, à compter de la date à laquelle soit l’une des parties ou les deux, soit le médiateur ou le conciliateur déclarent que la médiation ou la conciliation est terminée. »

Cet article s’applique également aux « procédures participatives » mises en œuvres par les avocats.

La suspension de la prescription permet de protéger l’espace de médiation. Les parties ne sont pas tentées par une démarche dilatoire dans le seul but d’obtenir la prescription. En quelque sorte, le temps de médiation est neutralisé.
Neutralisé… pas toujours ! Car le texte prévoit une suspension minimale de 6 mois. Cette durée minimale est perturbante lorsque la prescription restante à courir était inférieure. Cela conduit en effet, à augmenter le temps de la prescription légale initiale…

La suspension s’applique en présence d’une « médiation formelle ».

La suspension ne joue que si les parties conviennent formellement d’une médiation, ou « à défaut d’accord écrit, à compter du jour de la première réunion de médiation ou de conciliation ».
Il n’y a pas de suspension par la seule présence d’une clause de médiation. La prescription est suspendue par la mise en œuvre de la clause de médiation (Arrêt Cour de Cass. du 14 février 2003).
Il n’y a pas de suspension de la prescription non plus, en présence d’une négociation, d’une discussion, etc…. même assistée par le juriste-médiateur.

Spécificité en droit du travail :

Le délai de 2 mois, de l’article L.1332-4 du Code du travail, pour engager des poursuites disciplinaires, n’est pas toujours suspendu !
Les tribunaux font une application aléatoire de la suspension en cas de médiation ou de conciliation pendant une procédure disciplinaire.

Une tentative de conciliation recherchée par la direction n’est pas de nature à interrompre le délai de prescription de 2 mois (Cass. Soc. 8 novembre 2006 n°05-42.879.).

La conciliation et la médiation étant deux processus similaires visés par le même article 2238 du Code civil, il semble prudent et logique d’assimiler le cas de la médiation à cette jurisprudence. Ainsi, le délai de prescription ne serait pas interrompu par la tentative de médiation.
Le médiateur doit alors redoubler de vigilance lorsqu’il intervient en entreprise. La procédure disciplinaire devra parfois précéder ou être mener en même temps que la médiation.

Chaque partie a aussi légitimement le droit d’obtenir au plus vite la prescription.

L’employeur ou le salarié, auront parfois intérêt à ne pas formaliser la médiation pour ne pas suspendre son cours, tout en poursuivant les échanges ou la négociation.

L’absence de médiation « formelle », ne veut pas dire, absence de discussion. Le rôle du juriste-médiateur est de maintenir le lien entre les personnes en adaptant le format des échanges à leurs attentes. Le processus et les techniques de médiation restent identiques. Cette souplesse, pour maintenir un lien constructif autour d’un objectif commun, est toujours la clé du conflit.

Reprise de la prescription :
Le délai de prescription peut recommencer à courir, dès que « l’une des parties ou les deux », ou « le médiateur » lui-même, déclarent que la médiation est terminée. Or, la fin d’une médiation, n’est pas toujours datée. Le médiateur pourra accompagner cette formalisation. Pour lever toute incertitude, il pourra, lui-même, déclarer la fin de la médiation.

Lionel Gonzales Juriste en droit du travail; Médiateur en entreprise, référencé près la Cour d\'appel de Paris; Conseiller prud\'hommes Conseil en négociations et médiations stratégiques