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Les points clés de la Loi du 19 juillet 2019 « de simplification, de clarification et d’actualisation du droit des sociétés ». Par Kevin Polyn, Avocat.
Parution : vendredi 9 août 2019
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Alors que tous se penchent encore sur les nouvelles dispositions instaurées par la loi du 22 mai 2019 relative à la croissance et à la transformation des entreprises (loi « PACTE »), la loi « de simplification, de clarification et d’actualisation du droit des sociétés » vient d’être adoptée en plein milieu de l’été. Elle est entrée en vigueur le 21 juillet 2019 suite à sa publication au Journal Officiel de la veille.
Cette loi n’est, en fait, que le fruit d’une proposition de loi déposée en 2013 par Monsieur Soilihi, Sénateur de Mayotte. Son contenu a été largement réduit du fait de l’intégration de nombreuses dispositions initiales dans d’autres textes déjà adoptés et notamment dans la loi PACTE.
Il n’en reste pas moins indéniable que cette loi apporte certaines modifications substantielles du droit des sociétés et même au-delà puisqu’elle impacte également le droit applicable aux fonds de commerce et, dans une moindre mesure, le droit commun de la vente.

1. Dispositions communes à toutes les sociétés.

La loi du 19 juillet 2019 vient préciser les modalités de répartition du droit de vote en assemblée générale entre le nu-propriétaire et l’usufruitier en modifiant l’alinéa 3 de l’article 1844 du Code civil.

A titre de rappel, cet aliéna posait la règle selon laquelle : « le droit de vote appartient au nu-propriétaire, sauf pour les décisions concernant l’affectation des bénéfices, où il est réservé à l’usufruitier » avec la possibilité d’y déroger statutairement.

Cette règle est maintenue mais il est ajouté (i) que tant le nu-propriétaire que l’usufruitier « ont le droit de participer aux décisions collectives », sans qu’il soit possible d’y déroger et (ii) que pour les décisions autres que celles concernant l’affectation des bénéfices, « le nu-propriétaire et l’usufruitier peuvent convenir que le droit de vote sera exercé par l’usufruitier ».

La loi nouvelle vient également ajouter un quatrième alinéa à l’article 1844-6 du Code civil permettant la prorogation de la société postérieurement à sa date d’expiration.

Pour mémoire, la société est constituée initialement pour une durée ne pouvant excéder 99 ans. Cette durée pouvant ensuite être prorogée par décision collective des associés antérieurement à la date d’expiration. C’est donc fort logiquement que la Cour de cassation jugeait qu’à défaut de prorogation expresse et antérieure à sa date d’expiration, la société était dissoute de plein droit.

Depuis le 21 juillet 2019, les associés ont la possibilité de saisir le président du tribunal dans un délai d’un an à compter de la date d’expiration de la société afin de « constater l’intention des associés de proroger la société et autoriser la consultation à titre de régularisation dans un délai de trois mois ».
Si les associés décidaient alors de proroger la société, « les actes conformes à la loi et aux statuts antérieurs à la prorogation [seraient] réputés réguliers et avoir été accomplis par la société ainsi prorogée ».

2. Dispositions spécifiques à certaines formes de société.

Société à responsabilité limitée :
La loi vient combler une lacune en introduisant la possibilité pour tout intéressé de demander la nullité des décisions d’assemblée générale (ordinaires et extraordinaire) prises en violation des articles L. 223-29 et L 223-30 (règles de quorum et de majorité).

Sociétés par actions :
La loi modifie les dispositions relatives à l’actionnariat des salariés en abrogeant l’un des deux mécanismes d’incitation. L’article L. 225-129-6 du Code de commerce prévoit l’obligation de proposer aux actionnaires/associés, lorsque la société a des salariés, une augmentation de capital réservée aux salariés adhérant à un plan d’épargne d’entreprise (i) tous les trois ans et (ii) lors de toute augmentation de capital. Dans les faits, ces résolutions sont presque toujours rejetées par les assemblées générales.
Le législateur a donc abrogé la première obligation (triennale) mais a maintenu la seconde (permanente).

Sociétés anonymes :
Deux ajouts de la loi seront relevés ici. Le premier concerne le mode d’adoption des décisions par les administrateurs ou les membres du conseil de surveillance. Il est maintenant possible de prévoir dans les statuts que certaines décisions (notamment les attributions propres de ces conseils et les décisions de transfert de siège social dans le même département) pourront être prises par voie de consultation écrite.

Le deuxième ajout – et non des moindres – concerne le calcul de la majorité en assemblée générale. La loi modifie les articles correspondants du Code de commerce pour prévoir que la majorité sera calculée en fonctions des voix exprimées par les actionnaires présents ou représentés. En outre, il est également prévu que « les voix exprimées ne comprennent pas celles attachés aux actions pour lesquelles l’actionnaire n’a pas pris part au vote, s’est abstenu ou a voté blanc ou nul ». Cette modification, applicable à compter des assemblées réunies pour statuer sur le premier exercice clos après la promulgation de la loi, change substantiellement les règles de calcul de la majorité puisque jusqu’alors les abstentions étaient considérées comme des votes contre.

Sociétés par actions simplifiées :
La loi écarte désormais expressément, dans l’article L 227-1 al. 3 du Code de commerce, l’obligation de recourir à la procédure des avantages particuliers en cas de stipulations d’avantages particuliers dans les statuts de la SAS. Ainsi la création d’actions de préférence statutaires échappera à la procédure des avantages particuliers qui pouvaient s’avérer coûteuse pour les stratups en recherche de financement.

L’article 29 de la loi apporte une modification importante concernant les clauses statutaires d’exclusions. Alors qu’auparavant, celles-ci ne pouvaient être adoptées ou modifiées qu’à l’unanimité des associés, elles peuvent désormais l’être à la simple majorité telle que prévue par les statuts. Cette modification intervient dans la droite lignée de ce qui a été fait pour la clause d’agrément en 2017.

On s’étonnera toutefois que la clause statutaire de changement de contrôle d’un associé personne morale (L. 227-17 du Code de commerce) n’ait pas subi le même sort en ce qu’elle prévoit qu’en cas de changement de contrôle d’une société associée, celle-ci peut être exclue.

3. Dispositions relatives aux opérations sur le fonds de commerce.

La loi du 19 juillet 2019 apporte deux modifications importantes du droit applicable aux fonds de commerce.

D’une part, elle vient supprimer un grand nombre de mentions obligatoires qui devaient figurer dans tout contrat de cession d’un fonds de commerce. En effet, le premier article de la loi abroge l’article L. 141-1 du Code de commerce donnant une réponse aux praticiens qui le trouvaient inadapté. Les parlementaires se reposent donc sur la réforme du droit des contrats et notamment sur l’article 1112-1 du Code civil qui prévoit une obligation d’information du cocontractant relativement à tous les éléments dont l’importance est déterminante du consentement.

D’autre part, elle vient abroger l’exigence d’une exploitation préalable d’un fonds de commerce pendant deux années au moins, sauf dispense particulière, avant de pouvoir concéder un contrat de location-gérance en supprimant les articles L. 114-3 à L. 445-5 du Code de commerce.

Kevin Polyn, Avocat au Barreau de Lille
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