Village de la Justice www.village-justice.com

VRP : zoom sur l’indemnité de clientèle. Par Xavier Berjot, Avocat.
Parution : vendredi 23 août 2019
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/vrp-zoom-sur-indemnite-clientele,32258.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

En cas de rupture du contrat de travail par l’employeur, hors faute grave, le VRP (représentant de commerce) a droit à une indemnité de clientèle. Le régime de cette indemnité est complexe et son montant dépend de nombreux facteurs.

1/ Conditions d’attribution.

Lorsque le CDI est rompu par l’employeur, et en l’absence de faute grave, le VRP a droit à une indemnité pour la part qui lui revient personnellement dans l’importance en nombre et en valeur de la clientèle apportée, créée ou développée par lui (C. trav. art. L. 7313-13).

Le texte prévoit que l’indemnité est également due « en cas de rupture du contrat de travail par suite d’accident ou de maladie entraînant une incapacité permanente totale de travail du salarié. »

Enfin, le VRP peut prétendre à l’indemnité de clientèle en cas de rupture du CDD par l’employeur avant l’échéance du terme ou lorsque le contrat venu à échéance n’est pas renouvelé, toujours en l’absence de faute grave (C. trav. art. L. 7313-14).

NB. Dans tous les cas, le paiement de l’indemnité est subordonné à la qualité de VRP au jour de la rupture du contrat de travail. Ainsi, ne peut la percevoir le salarié qui n’a plus la qualité de VRP au moment de son licenciement (Cass. soc. 13 décembre 1995, n° 92-43.986).

Hormis le cas de la faute grave (à laquelle il faut a fortiori assimiler la faute lourde), tous les licenciements ouvrent droit à l’indemnité, comme l’inaptitude (Cass. soc. 12 octobre 1994, n° 91-40.891) ou le motif économique (Cass. soc. 18 juillet 2000, n° 98-41.455). La mise à la retraite par l’employeur constitue également un motif d’octroi de l’indemnité (Cass. soc. 11 mai 2011, n° 09-41.298).

A l’inverse, l’employeur n’est pas redevable de l’indemnité de clientèle en cas de départ volontaire à la retraite du VRP (CA Paris 25 septembre 1990, n° 90-32158), de rupture du contrat d’un commun accord (Cass. soc. 22 janvier 1981, n° 78-41.839 – et donc de rupture conventionnelle), de force majeure (Cass. soc. 5 mai 1993, n° 90-41.058) et de décès du VRP (Cass. soc. 20 janvier 1960, n° 58-40.767).

2/ Modalités de calcul.

L’indemnité de clientèle ne peut pas être déterminée forfaitairement à l’avance (C. trav. art. L. 7313-16). Elle est fonction de la part qui revient personnellement au VRP dans l’importance en nombre et en valeur de la clientèle apportée, créée ou développée par lui (C. trav. art. L. 7313-13).

Il incombe donc au VRP de rapporter la preuve qu’il a apporté, créé ou développé une clientèle en nombre et en valeur (Cass. soc. 25 novembre 2015, n° 14-17.958).

Quant à l’employeur qui prétend s’exonérer du versement de l’indemnité de clientèle, il lui revient de rapporter la preuve que le VRP a conservé sa clientèle à l’issue du contrat de travail (Cass. soc. 14 mai 1996, n° 93-41.354).

Au-delà de ces règles probatoires, le montant de l’indemnité de clientèle est déterminé d’un commun accord entre les parties ou, à défaut, par le juge du fond en fonction des éléments présentés par chaque partie (Cass. soc. 15 juillet 1998, n° 96-40.866).

Elle est fondée sur les commissions perçues par le VRP, hors frais professionnels lorsque ceux-ci sont compris dans le montant des commissions (Cass. soc. 24 octobre 1978, n° 77-41.106).

Par ailleurs, elle tient compte « des rémunérations spéciales accordées en cours de contrat pour le même objet ainsi que des diminutions constatées dans la clientèle préexistante et imputables au salarié  » (C. trav. art. L. 7313-13).

En d’autres termes, doivent être déduites de l’indemnité de clientèle les primes versées au VRP en cours de contrat, dont l’objet consiste précisément à rémunérer l’apport de la clientèle.

Ex. Cass soc. 25 juin 2003, n° 01-46.479 :

- « Mais attendu que la cour d’appel, qui a constaté que les salariés avaient sollicité le paiement d’une indemnité de clientèle après la rupture de leur contrat de travail, a fait ressortir que, compte tenu des rémunérations spéciales accordées en cours de contrat pour le même objet, les salariés avaient été remplis de leur droit de ce chef.  »

Les rémunérations spéciales ainsi versées par l’employeur constituent un élément de salaire qui reste acquis au représentant et ne peuvent donner lieu à restitution même en cas de faute grave (Cass. soc. 23 novembre 1999, n° 97-43.250).

L’article L. 7313-13 du Code du travail commande également de déduire de l’indemnité de clientèle la perte des clients préexistants imputable au VRP.

Toutefois, les juges « neutralisent » l’effet de la perte de la clientèle lorsqu’elle résulte de la conjoncture économique (Cass. soc. 18 novembre 1964, n° 63-40.533) ou est imputable à des retards de livraison ou à des défauts de qualité des produits (Cass. soc. 3 mai 1989, n° 86-42.115).

Certains éléments permettent de pondérer le montant de l’indemnité de clientèle, comme les importants efforts de publicité ou de promotion développés par l’employeur (Cass. soc. 5 mai 1970 n° 69-40.135) ou la grande notoriété de la marque (Cass. soc. 8 mars 1967, n° 66-40.066).

Enfin, le quantum de l’indemnité n’est pas fixé par la loi mais la jurisprudence à tendance à considérer qu’il s’élève à 2 ans de commissions, souvent sur la moyenne des commissions des 3 années précédant la rupture du contrat de travail (Cass. soc. 5 mars 2014, n° 12-25.035 ; Cass. soc. 15 mai 2013, n° 11-26.784 ; Cass. soc. 28 avril 2011, n° 09-70.660).

3/ Règles de cumul.

En cas de rupture du contrat de travail à durée indéterminée par l’employeur, le VRP est éligible à diverses indemnités de rupture, selon les cas :
- L’indemnité conventionnelle de rupture prévue par l’article 13 de l’accord national interprofessionnel (ANI) du 3 octobre 1975 ;
- L’indemnité spéciale de rupture prévue par l’article 14 du même texte ;
- L’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement ;
- L’indemnité légale ou conventionnelle de mise à la retraite.

Pour la Cour de cassation, l’indemnité de clientèle ne se cumule pas avec :
- L’indemnité légale de licenciement (Cass. soc. 3 juillet 1990, n° 87-45.482) ;
- Les indemnités conventionnelles de rupture prévues par l’ANI du 3 octobre 1975 (art. 13, 14, 15 et 16 de l’ANI) ;
- Les indemnités conventionnelles de rupture (licenciement, départ ou mise à la retraite) prévues par la convention collective applicable (C. trav. art. L. 7313-17).

En revanche, l’indemnité de clientèle se cumule avec :

- L’indemnité compensatrice de préavis (Cass. soc. 9 janvier 1974, n° 72-40.593) ;
- La contrepartie financière de non-concurrence (Cass. soc. 6 juin 1990 n° 87-44.104) ;
- L’indemnité pour rupture abusive du contrat de travail (Cass. soc. 7 mars 1984, n° 82-40.811) ;
- Les commissions de retour sur échantillonnages (Cass. soc. 2 juin 1976, n° 75-40.089) ;
- Les allocations-chômage, dans la limite de l’indemnité légale de licenciement (convention UNEDIC du 14 avril 2017).

4/ Régime social et fiscal.

L’indemnité de clientèle suit le régime d’exonération de cotisations prévu par l’article L. 242-1 du CSS pour les indemnités de rupture (Circ. Acoss 2001-22 du 25 janvier 2001, n° 223).

De manière schématique, elle est exclue de l’assiette des cotisations sociales, dans la limite d’un montant fixé à deux fois la valeur annuelle du plafond de la sécurité sociale (PASS), soit 81.048 € pour 2019.

La partie excédentaire est soumise à cotisations patronales et salariales, comme les salaires.

NB. L’indemnité supérieure à 405.240 euros (10 PASS), est soumise dans son intégralité à cotisations.

Par ailleurs, la partie de l’indemnité qui excède le montant de l’indemnité de licenciement est toujours soumise à CSG/CRDS, soit 9,7 % au total, à la charge du salarié.

Sur le plan fiscal, l’indemnité est exonérée d’impôt sur le revenu dans la limite suivante (la plus haute est retenue) :

Soit, dans la limite de six fois le PASS (243.144 €) :

- deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l’année civile précédant la rupture de son contrat de travail ;
- 50 % du montant de l’indemnité si ce seuil est supérieur ;

Soit, sans limite :
- le montant de l’indemnité de licenciement prévue par la convention collective de branche,
- par l’accord professionnel ou interprofessionnel
- ou, à défaut, par la loi.

Xavier Berjot Avocat Associé SANCY Avocats [->xberjot@sancy-avocats.com] [->https://bit.ly/sancy-avocats] Twitter : https://twitter.com/XBerjot Facebook : https://www.facebook.com/SancyAvocats LinkedIn : https://fr.linkedin.com/in/xavier-berjot-a254283b