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Certains salariés démissionnaires vont pouvoir bénéficier d’indemnités Pôle emploi. Par Gabrielle Fingerhut, Avocat.
Parution : mercredi 28 août 2019
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La loi Avenir professionnel prévoit l’ouverture du droit à chômage pour les salariés qui démissionnent. Cependant, ces salariés doivent démissionner dans le cadre d’un projet de reconversion professionnelle et doivent également justifier d’une durée d’activité spécifique.
Ce dispositif, dont l’entrée en vigueur initiale était prévue au 1er janvier 2019, s’appliquera à partir du 1er novembre 2019. 

Décrets 2019-796 et 2019-797 du 26-7-2019 : JO 28

A compter du 1er novembre 2019, un salarié justifiant de 5 années d’activité continue, ayant mobilisé un conseil en évolution professionnelle et justifiant d’un projet de reconversion professionnelle réel et sérieux pourra percevoir des allocations de chômage après une démission.

Deux décrets du 26 juillet 2019 déterminent les conditions spécifiques d’affiliation préalable pour ouvrir droit aux allocations d’assurance chômage après une démission, ainsi que les modalités d’examen de la demande par la commission paritaire interprofessionnelle régionale (CPIR), chargée d’apprécier le caractère réel et sérieux du projet de reconversion professionnelle.

A. La première condition du droit aux indemnités Pole emploi : avoir cinq années d’activité ininterrompues.

L’ouverture du droit à chômage après une démission est subordonnée en premier lieu à une durée d’affiliation supérieure à celle requise en cas de privation involontaire d’emploi.

Le Règlement d’assurance chômage art. 4, g prévoit que le salarié démissionnaire justifie d’au moins 1.300 jours travaillés au cours des 60 mois précédant la fin du contrat de travail (Règlement d’assurance chômage art. 4, g).

Dès lors, le calcul est simple : rapportés à 5 jours de travail par semaine, 1.300 jours travaillés correspondent à 5 années de travail à temps plein.
Quant aux 60 mois travaillés, ils correspondent à une durée de 5 ans travaillés.

On peut en déduire que la condition de 5 années d’affiliation imposée par le texte implique une activité continue et à temps plein durant 5 années.

Or, cette notion de durée de cotisation maximale de 60 mois est extrêmement restrictive.

De fait, en cas de changement d’employeur dans les 60 mois précédents la démission, la moindre durée de carence entre la fin du précédent contrat et le début du suivant empêche de remplir cette condition et exclut le salarié démissionnaire du droit aux indemnités Pole emploi.

Quant au calcul des périodes d’activité, celles-ci sont décomptées dans les conditions habituelles exposées à l’article 3 du règlement général.

Dans ces conditions, les périodes d’inactivité habituellement non prises en compte en cas de privation involontaire d’emploi ne le sont pas non plus en cas de démission.

Ne sont pas prises en compte :
- les périodes ayant donné lieu à l’exercice d’une activité professionnelle non salariée (sauf congé pour création d’entreprise) ;
- les périodes de suspension du contrat d’un salarié en congé sabbatique (et autres congés sans solde) ;
- les périodes de mobilité volontaire sécurisée du salarié ayant donné lieu à indemnisation (Règlement art. 3 § 3).

Concernant les périodes de suspension du contrat de travail (maladie, congé parental d’éducation…), celles-ci sont retenues à raison d’une journée par jour de suspension ou de 7 heures quand l’affiliation est calculée en heures.

Les modalités de fin de contrat prises en considération pour l’ouverture des droits aux indemnités Pôle emploi sont en principe la dernière démission du salarié.

Si toutefois le salarié ne pouvait pas justifier de la condition d’activité antérieure spécifique des 5 années d’affiliation pour activité continue et à temps plein, il peut bénéficier d’une ouverture de droits à condition d’être en mesure de justifier que la condition d’affiliation requise se trouvait satisfaite au titre d’une démission antérieure.

Attention toutefois à cette subtilité : le salarié démissionnaire aurait dejà démissionné antérieurement mais, postérieurement à la demande de conseil en évolution professionnelle (Règlement art. 8, al. 1 et 3).

En pratique, cet assouplissement devrait concerner des salariés ayant demandé un conseil en évolution professionnelle, démissionné puis repris un autre emploi avant de démissionner à nouveau et de demander des allocations chômage. Cette condition devrait être difficile à remplir en cas d’interruption de carrière.

B. La seconde condition du droit aux indemnités Pole emploi : justifier d’un projet de reconversion professionnelle réel et sérieux.

Pour ouvrir droit aux allocations d’assurance chômage, comme cela a déjà été développé plus haut, la démission doit être postérieure à la mise en œuvre d’un conseil en évolution professionnelle visant à mettre en place un projet de reconversion professionnelle dont le caractère réel et sérieux doit être attesté par la CPIR, Commission paritaire interprofessionnelle régionale.

La CPIR appréciera alors si le projet de reconversion professionnelle du salarié satisfait au critères légaux dans le cadre de la procédure détaillée ci-après.

1/ Le salarié doit adresser une demande d’attestation à la CPIR.

Le salarié doit adresser une demande d’attestation du caractère réel et sérieux de son projet professionnel, par tout moyen donnant date certaine à sa réception à la CPIR agréée dans la région de son lieu de résidence principale ou de son lieu de travail (C. trav. art. R 5422-2-1, I-al. 1 nouveau).

Pour que cette demande soit recevable, le salarié ne doit pas avoir démissionné de son emploi avant la demande de conseil en évolution professionnelle (C. trav. art. R 5422-2-1, I al. 2 nouveau).

Le contenu de la demande d’attestation et la liste des pièces justificatives devant être transmises par le salarié seront fixées par arrêté à paraître (C. trav. art. R 5422-2-1, I al. 3 nouveau).

2/ Le dossier est examiné par la CPIR.

La CPIR procède à l’examen du dossier du salarié et se prononce sur le caractère réel et sérieux de son projet professionnel en appréciant la cohérence et la pertinence de certaines informations ainsi que leur connaissance par le salarié (C. trav. art. R 5422-2-1, II nouveau).

Pour les projets de reconversion professionnelle nécessitant le suivi d’une formation, il s’agit des informations suivantes (C. trav. art. R 5422-2-1, I-1o nouveau) :
- le projet de reconversion ;
- les caractéristiques du métier souhaité ;
- la formation prévue et les modalités de financement envisagées ;
- les perspectives d’emploi à l’issue de la formation.

Pour les projets de création ou de reprise d’entreprise, les informations prises en compte sont les suivantes (C. trav. art. R 5422-2-1, II-2o nouveau) :
- les caractéristiques et les perspectives d’activité du marché de l’entreprise à créer ou à reprendre ;
- les besoins de financement et les ressources financières de l’entreprise à créer ou à reprendre ;
- les moyens techniques et humains de l’entreprise à créer ou à reprendre.

3/ La CPIR notifie sa décision.

La CPIR notifie sa décision au salarié par tout moyen donnant date certaine à la réception de cette notification, tout comme le salarié avait transmis sa demande (C. trav. art. R 5422-2-2 al. 1 nouveau).

Si la CPIR refuse d’attester le caractère réel et sérieux du projet professionnel, la décision notifiée au salarié doit l’informer des raisons motivant le refus (C. trav. art. R 5422-2-2, al. 1er nouveau).

Elle l’informe également de la possibilité d’exercer un recours gracieux contre cette décision, dans un délai de 2 mois à compter de sa notification.
Ce recours est examiné dans les conditions fixées à l’article R 6323-16, alinéa 2 du Code du travail, c’est-à-dire dans les mêmes conditions qu’en cas de refus de prise en charge d’un projet de transition professionnelle (C. trav. art. R 5422-2-2 al. 2 nouveau).

Quant à la décision prise sur le recours gracieux est notifiée au salarié par tout moyen donnant date certaine à la réception. En cas de confirmation du refus, elle doit être motivée (C. trav. art. R 5422-2-2, al. 3 nouveau).

Si la CPIR atteste du caractère réel et sérieux du projet professionnel présenté par le salarié, celui-ci dispose d’un délai de 6 mois à compter de la notification de la décision pour déposer une demande d’allocations d’assurance chômage auprès de Pôle emploi (C. trav. art. R 5422-2-3 nouveau).

Une fois encore, il est primordial que la démission du salarié intervienne après la demande de conseil en évolution professionnelle et dans l’idéal par sécurité qu’elle soit également postérieure à la décision de la CPIR. Il s’ensuit que cette démission doit impérativement prendre en compte le délai de préavis et qu’elle soit adressé à l’employeur dans le temps aux fins de respecter ce délai de 6 mois.

4/ Le contrôle de Pôle emploi.

Pôle emploi a pour rôle notamment de contrôler la mise en œuvre réelle du projet de reconversion du salarié.

Le législateur organise à cet effet un contrôle au plus tard au bout de 6 mois de perception des allocations de chômage de la réalité de la mise en œuvre du projet professionnel (C. trav. art. L 5426-1-2, II). L’allocataire en est informé dans la notification d’admission à l’assurance chômage qui lui est notifiée par Pôle emploi (Règlement art. 43 § 1, al. 5).

Une sanction a été prévue si toutefois l’intéressé ne peut pas justifier, sans motif légitime, de cette mise en œuvre, il est radié de la liste des demandeurs d’emploi, avec interdiction de se réinscrire dans les 4 mois qui suivent (C. trav. art. R 5412-5, 2o bis modifié). En parallèle, le revenu de remplacement est supprimé pendant 4 mois consécutifs (C. trav. art. R 5426-3, 2o bis modifié).

A l’issue de cette suppression, la reprise de l’indemnisation ne peut intervenir qu’à certaines conditions détaillées à l’article 26 § 1 bis du règlement d’assurance chômage.

En premier lieu, le temps écoulé depuis la date d’admission à la période d’indemnisation considérée ne doit pas être supérieur à la durée de cette période augmentée de 3 ans de date à date.

Ensuite, le salarié démissionnaire doit :
- soit justifier d’une durée d’affiliation d’au moins 65 jours travaillés ou 455 heures travaillées depuis sa démission ;
- soit apporter auprès de l’instance paritaire régionale de Pôle emploi des éléments attestant ses recherches actives d’emploi, ainsi que ses éventuelles reprises d’emploi de courte durée et ses démarches pour entreprendre des actions de formation. L’examen de cette situation, à la demande de l’intéressé, ne peut intervenir qu’à l’issue d’un délai de 121 jours après la date de radiation de la liste des demandeurs d’emploi. Dans ce cas, le point de départ de la reprise des droits est fixé au 122e jour à compter de la radiation.

Gabrielle FINGERHUT Avocat à la Cour Ancien secrétaire de la Conférence [->http://www.cabinetfingerhut-avocat.com/] [->gf@cabinetfingerhut-avocat.com]
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