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Réforme de l’organisation judiciaire : les apports des décrets du 30 août 2019. Par Samantha Gallay, Avocat.
Parution : mardi 10 septembre 2019
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La loi n°2019-222 du 23 mars 2019 prévoyait un ensemble de dispositions visant à réformer la justice, dans une optique toujours annoncée de simplification. L’article 95 de cette loi visait ainsi à « améliorer l’efficacité en première instance » en mettant en place une refonte des juridictions par l’institution du nouveau tribunal judiciaire. L’article 103 de cette même loi le complétait en ciblant les situations de crise, en permettant principalement une possibilité de transfert de juridiction ou d’audience.

Plusieurs décrets et arrêtés d’application devaient logiquement suivre, afin de permettre aux différents intervenants du droit de mettre en œuvre ces nouvelles dispositions. Ces textes se sont fait longuement attendre, créant des difficultés pratiques importantes : incertitudes rédactionnelles, impossibilité pour les greffes de fixer des dates pour les contentieux relevant ordinairement des tribunaux d’instance, etc.

Trois décrets ont enfin été publiés le 2 septembre dernier (décrets n°2019-912 à 2019-914 du 30 août 2019), répondant partiellement aux interrogations des professionnels.

Si la plupart de leurs dispositions entre en vigueur au 1er janvier 2020, il est cependant indispensable d’en prendre connaissance dès à présent, certaines règles étant d’application immédiate. Cet article vise à mettre en valeur leurs principaux apports.

I - Sur la mise en place du tribunal judiciaire.

Le décret n°2019-912 du 30 août 2019 concerne principalement le nouveau « tribunal judiciaire », remplaçant les anciens tribunaux de grande instance et tribunaux d’instance.

Il dispose :
A charge d’appel :
- d’une compétence générale d’attribution (matières n’étant pas expressément attribuées à une autre juridiction) ;
- ainsi que d’une compétence spéciale dans les domaines listés dans les articles R211-3-2 et suivants du COJ (bornage, funérailles, transporteurs…)

En dernier ressort : d’une compétence spéciale dans les domaines listés aux articles R211-3-13 du COJ (litiges relatifs aux diverses formes d’électorat principalement).

A charge d’appel ou en dernier ressort au regard du montant de la demande, la limite étant désormais fixée à 5.000 euros :
- d’une compétence pour les actions civiles personnelles ou mobilières ;
- et d’une compétence exclusive dans les matières fixées dans les articles R 211-3-26 et R 211-3-27 du COJ (état des personnes, actes d’état civil, successions, amendes civiles des officiers d’état civil, actions immobilières pétitoires, récompenses industrielles, dissolution des associations, sauvegarde, redressement et liquidation judiciaires hors commerçants et artisans, assurance professionnelles des non-salariés agricoles, droits d’enregistrement, taxes et contributions listés, baux commerciaux, inscriptions de faux, actions civiles en diffamations ou injures, contestations liées aux créances douanières, oppositions à contrainte du code du travail).

De plus, certains tribunaux judiciaires se voient confier au niveau d’un ou deux départements de compétences spécifiques. La liste est longue et on citera pour illustration la responsabilité médicale ou le droit de la construction en matière civile, et différents délits et contraventions sanctionnés en dehors du code pénal (code de l’action sociale et des familles, code de la consommation, code du travail…).

Par ailleurs, le décret apporte principalement divers éclaircissements quant à l’organisation des greffes et du SAUJ, ou aux pouvoirs de certains juges (notamment le juge des contentieux de la protection).

Enfin, les praticiens se pencheront sur l’article 40 du décret, relatif à l’entrée en vigueur de ces dispositions (au 1er janvier 2020 sauf exceptions). Il répond en effet aux questions posées par les dossiers actuellement en cours devant les tribunaux d’instance et par les actes en cours d’élaboration.

Il est prévu que les instances en cours au 1er janvier 2020 seront transférées au tribunal judiciaire ou à la chambre de proximité désormais compétents. Quant aux convocations ou assignations, deux précisions sont apportées : les actes déjà valablement signifiés aux parties devant un tribunal d’instance en vue d’une date postérieure au 1er janvier 2020 sont réputés valablement faits devant le tribunal judiciaire et n’ont donc pas à être régularisés. Cela implique que les mêmes actes qui visaient une date antérieure devront faire quant à eux l’objet d’une telle régularisation. Il est également possible dès maintenant de rédiger de tels actes en vue d’une comparution devant le tribunal judiciaire (ou une chambre de proximité), dès lors qu’ils visent une date postérieure au 1er janvier 2020.

II- Sur le devenir des juridictions spéciales.

Le décret n°2019-913 du 30 août 2019 vise plus particulièrement le tribunal paritaire des baux ruraux et la fusion des greffes des Conseils de prud’hommes et des tribunaux judiciaires.

Il comporte une annexe indispensable qui liste les sièges et ressorts des Conseils de prud’hommes.

III- Sur les spécificités des chambres de proximité.

Le décret n°2019-914 du 30 août 2019 cible enfin essentiellement les compétences des chambres de proximité, tout en traitant des greffes détachés et du bureau foncier qui leur sont rattachés.

Il comporte une annexe permettant de déterminer le ressort et le siège des tribunaux judiciaires et chambres de proximité dans le cadre de chaque cour d’appel.
Deux autres annexes énumèrent la liste des matières entrant dans la compétence matérielle de chaque chambre de proximité et il conviendra d’être particulièrement attentif sur ce point, du fait des attributions spécifiques de certaines de ces chambres.
Les annexes suivantes déterminent les chambres compétentes en matière de déclarations de nationalité française et de certificats de nationalité française, puis celles qui se voient attribuer les questions de surendettement des particuliers et de rétablissement personnel.

L’annexe suivante est relative aux greffes détachés de la cour d’appel de Saint-Denis et la dernière liste les sièges et ressorts des tribunaux paritaires des baux ruraux.

En conclusion, ces décrets viennent éclairer utilement les avocats, magistrats, greffiers et huissiers en vue du 1er janvier 2020. Leur parution tardive ne permettra malheureusement pas d’anticiper tous les changements organisationnels indispensables à leur mise en œuvre et il est à espérer que chacun fera donc preuve de la souplesse nécessaire à l’application de cette nouvelle réforme.

Samantha Gallay Avocat