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Le cadre juridique des violences sexistes et sexuelles dans le milieu professionnel. Par Sonia Cherifi, Juriste.
Parution : mardi 10 septembre 2019
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Le sexisme au travail consiste à considérer les personnes comme inférieures en raison de leur sexe, ce qui implique également de les réduire essentiellement à leur dimension sexuelle. Il se matérialise par des gestes, des propos, des comportements ou pratiques fondées sur une distinction injustifiée entre les hommes et les femmes qui entraînent des conséquences préjudiciables en termes d’emploi, de condition de travail ou de bien être.

1) Données chiffrées.

Les Hommes comme les Femmes peuvent être victimes de violences sexistes et sexuelles toutefois les données et les études nationales, internationales montrent que les victimes sont majoritairement des Femmes.

80 % des Femmes en effet, sont confrontées au sexismes au travail. Dans 98 % des cas les auteurs de violences sexistes et sexuelles sont des Hommes. 1 femme sur 5 a dû faire face à une situation de harcèlement au travail alors qu’une femme sur 7 a déjà subi des attouchements ou tentatives d’attouchements au travail. 3 cas de harcèlement sexuel au travail sur 10 sont rapportés à la hiérarchie. [1]

Les auteurs de ces actes sont le plus souvent des collègues, puis l’employeur ou le supérieur hiérarchique 5 % des cas de harcèlement au travail sont portés devant la justice et dans 40 % des cas rapportés la résolution s’est effectuée au détriment de la plaignante avec des conséquences sur son emploi. [2]

2) Définition juridique du sexisme en France.

En France la définition juridique du sexisme est issue de la loi Rebsamen du 17 août 2015 relative au dialogue social et à l’emploi, la loi du 08/08/16 relative à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels et par la loi du 03/08/18 venant renforcer la lutte contre les violences sexistes et sexuelles.

C’est au sein de l’article L 1142-2-1 du Code du travail que sa définition trouve consécration : « Nul ne doit subir d’agissement sexiste, définit comme tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant ».

L’agissement sexiste se caractérise ainsi par 3 éléments constitutifs :
- l’existence d’un ou de plusieurs éléments de faits subis par une personne et pouvant prendre différentes formes (comportements, propos, actes, écrits…) ;
- l’agissement doit avoir pour effet de porter atteinte à la dignité du ou de la salarié (e), ou créer un environnement de travail hostile, humiliant, offensant ;
- l’existence d’un lien entre les agissements subis et le sexe de la personne (subir ces agissements répétés parce qu’elle est une femme ou qu’il est un homme).

Dans le champ des violences sexistes on trouve également d’autres infractions liées notamment aux discriminations fondées sur le sexe, à l’outrage sexiste, à la diffusion de message contraire à la décence, aux délits de harcèlement moraux et sexuels, à l’agression sexuelle et lorsque la violence est plus importante au viol.

3) Agir pour sa défense : le choix des procédures de sanction.

a) La procédure extra-judiciaire : le cas de la procédure disciplinaire.

L’employeur doit veiller à la santé et à la sécurité de ses salariés.

En effet selon l’article L4121-1 du code du travail :

« L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l’article L. 4161-1 ;
2° Des actions d’information et de formation ;
3° La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.
 »

L’employeur doit tout mettre en œuvre pour éviter toute forme d’agissement sexiste et de harcèlement dans son entreprise selon l’article L 1153-5 du code du travail :

« L’employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les faits de harcèlement sexuel, d’y mettre un terme et de les sanctionner.
Dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux ou à la porte des locaux où se fait l’embauche, les personnes mentionnées à l’article L. 1153-2 sont informées par tout moyen du texte de l’article 222-33 du code pénal ainsi que des actions contentieuses civiles et pénales ouvertes en matière de harcèlement sexuel et des coordonnées des autorités et services compétents. La liste de ces services est définie par décret.
 »

A ce titre nous pouvons constater que l’employeur a une obligation de résultat. Informé d’une situation de violence sexiste ou sexuelle, il doit intervenir immédiatement et mener une enquête sérieuse et impartiale pour la faire cesser et sanctionner le cas échéant son ou ses auteurs. On parle ainsi de procédure disciplinaire
Si l’employeur faillit à son obligation de sécurité sa responsabilité pourra être engagée, il appartiendra alors à l’employeur de prouver qu’il a pris les mesures nécessaires pour prévenir et faire cesser les actes litigieux.

b) Les procédures judiciaires.

Selon le cas d’espèce et le but recherché, il est possible en cas de violences sexistes et sexuelles d’engager une procédure devant le conseil des prud’hommes ou le tribunal correctionnel.

1) la procédure prud’homale.

Pour engager une procédure prud’homale, il convient de saisir le conseil des prud’hommes.

Dans ce type de contentieux, la preuve doit répondre à une exigence de loyauté.
La charge de la preuve est partagée et pour cause si un salarié établit des faits permettant de laisser présumer une situation de violence sexiste et/ou sexuelle, il incombera à la partie défenderesse de prouver que les dits faits ne sont pas constitutifs d’une telle situation de violence.

La procédure prud’homale peut tenter nombre de victime depuis la mise en place d’une nouvelle procédure d’urgence avec le « Décret n° 2019-15 du 8 janvier 2019 portant application des dispositions visant à supprimer les écarts de rémunération entre les femmes et les hommes dans l’entreprise et relatives à la lutte contre les violences sexuelles et les agissements sexistes au travail ».

Cette nouveauté permet à la victime en cas d’inaction de l’employeur de saisir directement le bureau de jugement du conseil des prud’hommes. (article L2313-2 du code du travail). L’avantage de cette procédure est d’obtenir une décision en référée et de faire cesser au plus vite le trouble.

En la matière la prescription des faits fautifs est de 5 ans.

La mise en place d’une procédure prud’homale est nécessaire si le but recherché est de faire cesser les comportements mis en cause, faire annuler une décision ou réparer un préjudice.

2) La procédure pénale.

La mise en place d’une procédure pénale s’effectue au moyen d’une plainte ou d’une citation directe.

Déposer plainte est le moyen le plus simple pour une victime de dénoncer une situation de violences mais aussi le moyen le moins fiable.

On ne sait pas quand sera traitée cette plainte. Aucun suivi n’est mis en place ce qui laisse en pratique une liberté au parquet pour traiter et prioriser certaines affaires à d’autres.

L’inconvénient majeur à cette démarche reste néanmoins le refus quasi-systématique des agents de police de prendre un dépôt de plainte, ou d’inciter les victimes à déposer une main courante.

Que la plainte soit déposée directement en gendarmerie ou commissariat ou près le procureur de la république du tribunal de grande instance territorialement compétent.

La citation directe est préférée par certaines victimes car elle permet de saisir directement le tribunal correctionnel. Le présumé coupable sera convoqué à l’audience ou l’affaire sera examinée comme si le parquet avait décidé de poursuivre.
La victime devra non seulement démontrer que l’infraction est caractérisée et que le préjudice est bel est bien réel.

Cette procédure a un coût pour la victime car la citation directe doit être délivrée par huissier de justice et pour obtenir une date d’audience elle devra payer une consignation.

Le risque pour la victime en cas de relaxe est de faire l’objet d’une action récursoire et d’être condamnée au paiement de dommages et intérêts pour dénonciation calomnieuse.
La citation directe est nécessaire lorsqu’on souhaite bousculer le présumé coupable et apporter au surplus un coup de pression médiatique notamment si le présumé coupable est l’employeur dans la mesure où l’audience est publique.

Le but de cette démarche est d’aboutir à la condamnation des auteurs mais plus largement obtenir le statut de victime.

Sonia Cherifi Juriste

[1Rapport sur « le sexisme dans le monde du travail entre déni et réalité » réalisé par le conseil supérieur de l’égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.

[2Enquête IFOP réalisée en mars 2014 pour le compte du défenseur des droits sur le harcèlement sexuel au travail.