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[Chronique] Avocates, inspirez-nous ! Entretien avec Anne Toupenay-Schueller (2).
Parution : vendredi 27 septembre 2019
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"Avocates, inspirez-nous !" est une initiative de Christine Mejean et d’Isabelle-Eva Ternik qui a pour objectif le partage d’expériences professionnelles à travers des entretiens menés avec des avocates aux profils et parcours diversifiés, que le Village de la Justice a eu envie de relayer.

Pour cette nouvelle chronique [1] , c’est au tour de Anne Toupenay-Schueller, avocate associée au sein d’un grand cabinet parisien, de partager en toute simplicité, ses seize années d’exercice.

"Avocates, inspirez-nous" : les origines du projet.

La loi du 1er décembre 1900 a permis aux femmes d’exercer la profession d’avocat. Olga Balachowsky-Petit a été la première femme à prêter serment le 6 décembre 1900 et Jeanne Chauvin a été la première femme à plaider dans une affaire de contrefaçon de corsets en 1907.
118 ans plus tard, en 2018, les avocates sont plus de 36.000 en France et représentent plus de 55% de la profession d’avocat [2]. Cependant, seules 24,5% d’entre elles sont associées dans les 100 plus grands cabinets d’affaires et leurs revenus moyens sur l’ensemble de leur carrière sont inférieurs de plus de 50% à ceux des hommes [3].
Apprenons à les connaître ! Comment les avocates appréhendent-elles leur métier ? Quelles sont leurs clefs de succès ? Quelle(s) transformation(s) apportent-elles au sein de la profession ?


Anne Toupenay-Schueller, Avocate en corporate et fusions acquisitions.

(Crédit photo. : Isabelle-Eva Ternik)

Ses attentes du métier d’avocat :

« Je souhaitais allier l’exercice libéral pour l’indépendance, le conseil pour la fibre entrepreneuriale et le travail en équipe pour l’humain. »

"Je prends toujours le temps de l’analyse du secteur, des objectifs, des contraintes et des défis de la société de mon client."

Le sens qu’elle donne à son métier aujourd’hui :

« Pour bien négocier une opération d’acquisition, il est important de s’imprégner de l’activité économique de son client et de la société cible, tant dans leurs enjeux que dans leurs risques. L’entreprise est au cœur de mes préoccupations. Au début d’un dossier, je prends toujours le temps de l’analyse du secteur, des objectifs, des contraintes et des défis de la société de mon client. Je tiens à ce que mon accompagnement juridique lui apporte une plus-value. »

Sa philosophie professionnelle :

« J’apprécie de travailler sur des projets de fusion, acquisition ou restructuration, qui nécessitent de réunir des compétences transversales et complémentaires. En qualité d’associée, la constitution de mon équipe est un acte fondamental en début de dossier.

"En qualité d’associée, la constitution de mon équipe est un acte fondamental."

Chaque personne apporte sa pierre à l’édifice et sa valeur ajoutée à son échelle. Mon objectif est également que tous participent au développement du cabinet quel que soit leur âge, leur profil et leur expérience. »

Ses caractéristiques d’exercice :

« J’ai développé au fil des dossiers une règle des 3 « i » pour immersion, interprétation et intervention. L’immersion permet d’apprendre à connaître l’entreprise et son domaine d’activité. L’interprétation consiste à procéder à l’analyse et à la structuration juridique du projet. L’intervention vise à choisir le positionnement de l’avocat entre proactivité et soutien, qui soit le mieux adapté à l’interlocuteur qui s’avère être tantôt le chef d’entreprise tantôt le directeur juridique. »

Ses trucs et astuces pour réalimenter le moteur au quotidien :

« L’esprit collectif ! Je peux compter sur les membres de mon équipe pour avancer ensemble. »

Son équilibre vie pro – vie perso :

« Je n’ai jamais rien lâché et ai toujours mené en parallèle vie professionnelle et vie familiale. Le mot clé est flexibilité. C’est avant tout une question d’organisation et de recherche permanente d’équilibre dont la définition est propre à chacun. Mon activité suit le rythme des opérations qui, comme lors de mes courses à pied, requièrent de l’endurance jusqu’à leur « closing » ! »

Son avis sur : être une femme est-il un atout dans l’avocature ?

"Je crois surtout en la mixité comme levier de performance des cabinets."

« Je crois surtout en la mixité comme levier de performance des cabinets. Des études témoignent en effet de l’efficacité des équipes qui comptent femmes et hommes. Une femme appréhende les situations de manière différente d’un homme ; sans tomber dans les clichés des comportements de genre, les femmes ont généralement un talent d’organisation et d’anticipation tandis que les hommes ont une capacité à être plus directs dans leurs modes d’intervention. Je mesure quotidiennement au sein de mon équipe les effets bénéfiques de la mixité. » 

Son temoignage sur des attitudes sexistes :

« Le domaine des fusions-acquisitions est un univers très majoritairement masculin, mais je n’ai pas subi d’attitudes sexistes. Quand il y a un sous-entendu, je réponds avec sourire mais fermeté ; cela s’arrête là. » 

Ses conseils aux étudiants :

« Un étudiant qui envisage de devenir avocat doit se demander : « Suis-je fait pour un métier multi-fronts, flexible et continu ? ». Un avocat doit être capable de gérer plusieurs dossiers en parallèle, réorganiser quotidiennement son agenda en fonction des urgences, être disponible et connecté en permanence. »

Ses conseils aux jeunes avocats :

« Il faut ne pas s’enfermer entre les murs du cabinet d’avocat. Un jeune avocat doit penser à s’ouvrir sur le monde de l’entreprise et à développer rapidement son réseau avec tous les acteurs de la vie économique. »

Sa vision de l’avenir du metier :

"L’avenir pourrait consister à créer des structures agiles, pluridisciplinaires et transverses."

« Le monde des avocats est ultra-concurrentiel : chaque année, il y a plus de 3% de nouveaux avocats qui arrivent sur le marché.
Avec l’essor de l’intelligence artificielle, le métier sera rapidement en pleine mutation. Demain, le robot fera une grande partie du travail de recherche et de rédaction mais il ne remplacera jamais l’avocat dans la dimension du conseil et de la négociation. L’humain reste clé dans la relation client-avocat. L’avenir pourrait également consister à créer des structures agiles, pluridisciplinaires et transverses avec financiers/experts-comptables/notaires pour répondre de manière réactive et globale à tous les besoins du client. »


Pour plus d’échanges et de rencontres, vous pouvez vous joindre aux « Rendez-vous des avocates » : des petits-déjeuners bimestriels entre professionnels libéraux du droit et du chiffre, dans une ambiance conviviale, bienveillante et solidaire, pour aborder des thématiques telles que le développement commercial, la communication, le mieux-être au cabinet, les techniques d’argumentation, de management, de travail collectif, de négociation...

Propos recueillis par: Christine Méjean et Isabelle-Eva Ternik, Avocates.

[1La précédente chronique : entretient avec Nolwenn Leroux à lire ici.

[2Source : www.justice.gouv.fr

[3Source : Rapport Haeri 2017.