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Le certificat d’urbanisme a-t-il encore un intérêt ? Par Hubert Veauvy, Avocat et Elorri Dallemane, Juriste.
Parution : mercredi 2 octobre 2019
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Le certificat d’urbanisme est un document délivré par la mairie qui a pour objectif d’indiquer les règles d’urbanisme applicables à votre terrain.
Outre cet aspect pratique, son intérêt était surtout de permettre de geler les règles d’urbanisme applicables.

Il existe deux sortes de certificat d’urbanisme [1] :
- le certificat informatif qui se contente de donner des informations sur la situation de votre parcelle telles que son zonage au plan local d’urbanisme, l’existence de servitude ou encore les taxes et participations applicables [2].
- le certificat opérationnel qui, quant à lui, délivre des informations précises sur la faisabilité d’un projet décrit dans la demande de certificat.

Ainsi, le certificat dit opérationnel renseigne sur la faisabilité d’un projet mais ne constitue en aucun cas une autorisation d’urbanisme : s’il est positif, vous devez déposer une demande de permis de construire ou de déclaration préalable et obtenir un arrêté acceptant votre demande avant de commencer les travaux.

Néanmoins, en donnant des informations sur la faisabilité d’un projet, le certificat d’urbanisme permet d’éviter d’avoir à constituer un dossier de permis de construire pour un projet qui serait irréalisable.

I. Avant octobre 2017 : le certificat d’urbanisme permettait de se prévaloir des règles d’urbanisme en vigueur pour obtenir une autorisation d’urbanisme, sauf dans le cas où un sursis à statuer, étroitement encadré, pouvait être opposé.

A) Le certificat d’urbanisme garantissait toujours le maintien des règles d’urbanisme en vigueur.

A l’origine, le certificat d’urbanisme présentait l’avantage de maintenir les règles d’urbanisme applicables pendant 18 mois à compter de sa date d’émission [3] à l’exception notable, toutefois, des dispositions qui avaient pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publique.

Ainsi, lorsqu’une demande d’autorisation d’urbanisme était déposée dans le délai de dix-huit mois à compter de la délivrance d’un certificat d’urbanisme, les dispositions d’urbanisme telles qu’elles existaient à la date du certificat ne pouvaient jamais être remises en cause.

Le certificat d’urbanisme permettait donc de se prémunir contre les changements, fréquents en droit de l’urbanisme, de législations et de PLU et, ainsi, de pouvoir élaborer un projet conforme aux règles applicables.

En outre, les droits du certificat d’urbanisme sont attachés au terrain concerné et non à la personne qui en a fait la demande.

Ainsi, toute personne ayant un projet sur le terrain pouvait se prévaloir des avantages nés du certificat d’urbanisme pourtant demandé par une autre personne, telle un Notaire, un promoteur immobilier, un précédent propriétaire [4].

Dès lors, le certificat d’urbanisme était l’instrument précieux d’une certaine sécurité juridique.

B) Le sursis à statuer était étroitement encadré

Dans ce contexte, le législateur avait cependant institué un sursis à statuer pour « bloquer » les demandes d’autorisation d’urbanisme survenues pendant la période d’élaboration d’un nouveau PLU.
Ce sursis à statuer permettait à l’administration de ne pas statuer sur les demandes d’autorisation de travaux ou d’installation lorsqu’un nouveau PLU était en cours d’élaboration.

A l’expiration de la durée du sursis à statuer, l’administration pouvait éventuellement se prévaloir de l’expiration de la durée de validité du certificat d’urbanisme pour obliger le requérant à se soumette à l’application des nouvelles règles d’urbanisme.

Néanmoins, cette possibilité était étroitement encadrée par le code de l’urbanisme et par la jurisprudence :
- Tout d’abord, le sursis à statuer devait être motivé et ne pouvait excéder deux ans. Par ailleurs, pour reprendre les termes du Conseil d’Etat [5], la décision de sursis à statuer devait cesser de produire ses effets, quelle que soit la durée du sursis qu’elle indique, à la date à laquelle le plan local d’urbanisme dont l’élaboration ou la révision qui l’avait justifié était adopté.
- Ensuite, la décision de l’administration de surseoir à statuer sur une demande d’autorisation d’urbanisme ne pouvait intervenir qu’à compter, non seulement, de la publication de la délibération prescrivant l’élaboration d’un plan local d’urbanisme [6], mais également, de la tenue du débat sur les orientations générales du projet d’aménagement et de développement durable. Avant cette étape, l’administration ne pouvait opposer un sursis à statuer.
- Le projet, objet de la demande d’autorisation d’urbanisme, devait être de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution du futur plan. Pour que la décision de sursis à statuer soit légale, le contenu des objectifs du PADD devait, par conséquent, être suffisamment précis pour qu’il soit permis d’en déduire que l’exécution du futur document serait compromise.
- Enfin et surtout, le juge avait imposé la mention par l’administration de la possibilité future d’opposer un sursis à statuer sur le certificat d’urbanisme [7] sans quoi l’opposition ultérieure d’un sursis à statuer devenait illégale [8].

Aujourd’hui, il n’en est plus exactement ainsi.

Si les trois premières conditions ont été maintenues, la dernière condition de mise en œuvre du sursis à statuer a été supprimée par la jurisprudence (II A) ;

surtout, un certificat d’urbanisme ne maintient plus toujours les règles d’urbanisme en vigueur à la date de sa délivrance (II B).

II. Depuis octobre et décembre 2017 : une des conditions de mise en œuvre du sursis à statuer a été supprimée et le certificat d’urbanisme ne gèle pas toujours les règles d’urbanisme applicables.

A) Une des conditions de mise en œuvre du sursis à statuer a été supprimée.

Dans un arrêt du Conseil d’Etat du 11 octobre 2017, n°401878, la Haute Juridiction considère désormais que l’omission de la mention de l’éventualité d’un sursis à statuer dans le certificat d’urbanisme « est de nature à constituer un motif d’illégalité de ce certificat » mais qu’elle « ne fait pas obstacle à ce que l’autorité compétente oppose un sursis à statuer à une déclaration préalable ou à une demande de permis ultérieure concernant le terrain objet du certificat... ».

Par conséquent, l’absence de mention sur un certificat d’urbanisme de la possibilité pour l’administration d’opposer un sursis à statuer n’empêche plus l’autorité administrative de s’en prévaloir et ne rend plus illégale la décision de surseoir à statuer.

B) Un certificat d’urbanisme ne maintient pas toujours les règles d’urbanisme en vigueur à la date de sa délivrance.

Surtout, même si l’effet cristallisateur des certificats d’urbanisme négatifs a été reconnu [9], deux importants coups de canifs ont été portés à cette cristallisation, dans le cas où un sursis à statuer a été opposé à une demande d’autorisation d’urbanisme (1) ou même s’il ne l’a pas été (2).

1) Dans le cas de l’opposition d’un sursis à statuer.

Dans l’arrêt précité du 11 octobre 2017, le Conseil d’Etat a considéré :

« que, lorsqu’un certificat d’urbanisme a été délivré sur le fondement du a) de l’article L. 410-1 du code de l’urbanisme et que, dans les conditions prévues aux articles L. 111-7 et L. 111-8 du même code, un sursis à statuer est opposé à la demande de permis de construire présentée par le bénéficiaire de ce certificat au motif que cette demande serait de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution du plan local d’urbanisme dont l’élaboration est en cours, l’autorité compétente pour statuer sur la demande est fondée à faire application du nouveau plan local d’urbanisme si, à l’expiration du délai de sursis à statuer, ce nouveau plan est entré en vigueur ».

Par conséquent, dès qu’un sursis a été opposé à une demande de permis de construire, l’effet cristallisateur du certificat d’urbanisme ne joue plus.

En effet, dans ce cas, à partir de la date à laquelle le nouveau PLU est rentrée en vigueur (et que, par conséquent, le sursis à statuer cesse de produire ses effets), l’administration est désormais fondée à appliquer, à la demande de permis de construire, les règles du nouveau PLU.

2) En l’absence d’opposition du sursis à statuer.

Un second arrêt du Conseil d’Etat a porté un second coup de canif.

En effet, dans un arrêt du 18 décembre 2017 n°380438, le Conseil d’Etat a estimé que :

« lorsque le plan en cours d’élaboration et qui aurait justifié, à la date de délivrance du certificat d’urbanisme, que soit opposé un sursis à une demande de permis ou à une déclaration préalable, entre en vigueur dans le délai du certificat, les dispositions issues du nouveau plan sont applicables à la demande de permis de construire ou à la déclaration préalable »

Ainsi, lorsqu’une demande d’autorisation d’urbanisme est effectuée postérieurement à l’entrée en vigueur du nouveau PLU, elle ne peut plus se prévaloir du certificat d’urbanisme qu’elle a obtenu si, à la date de la délivrance du certificat d’urbanisme, les conditions requises pour qu’un sursis à statuer soit opposé étaient réunies.

Un exemple pourra mieux illustrer cette jurisprudence.

Admettons que vous avez obtenu un certificat d’urbanisme le 2 novembre 2018 censé vous ouvrir le droit de bénéficier des règles en vigueur à cette date pendant 18 mois.

Le 2 février 2019, votre commune a approuvé un nouveau PLU.

Le 6 juillet 2019, postérieurement à l’entrée en vigueur du nouveau PLU mais pendant la durée de validité de votre certificat, vous avez adressé une demande de permis de construire à votre Maire.

Le Maire ne peut vous opposer un sursis à statuer puisque les nouvelles règles ne sont plus en cours d’adoption mais sont entrées en vigueur.

Logiquement, vous pourriez vous prévaloir de l’application des anciennes règles d’urbanisme applicables.

Or, ce n’est plus le cas depuis l’arrêt du Conseil d’Etat précité si, à la date du certificat d’urbanisme, la commune avait eu la possibilité d’opposer un sursis à statuer à votre demande d’autorisation d’urbanisme.

III. Conclusion.

Au final, il ressort des dernières évolutions jurisprudentielles que l’intérêt d’un certificat d’urbanisme s’est amoindri.

Toutefois, le certificat d’urbanisme conserve un intérêt dès lors que :
- la demande de certificat d’urbanisme est effectuée lors de la première phase d’élaboration du PLU, c’est-à-dire avant le débat sur le PADD : on ne saurait donc trop conseiller, par précaution, de déposer une demande de certificat d’urbanisme dès lors qu’un projet de PLU est annoncé et cela, avant que les orientations du PADD ne soient connues et précisées. Cela d’autant plus que même lorsqu’un certificat d’urbanisme vous a été accordé, il vous serait toujours possible de vous prévaloir des nouvelles règles fixées par le nouveau PLU si elles vous sont effectivement plus favorables [10] ;
- le projet n’est pas de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l’exécution du futur plan. De fait, l’effet cristallisateur du certificat d’urbanisme continue, a contrario, de produire ses effets, dans le cas où un projet ne méconnaît, que de manière limité le futur PLU et qu’ainsi, les conditions relatives à la mise en œuvre du sursis à statuer ne sont pas réunies [11].

Ainsi, un certificat d’urbanisme déposé alors même que le PADD a déjà été élaboré peut demeurer utile et opportun puisque :
- Il est possible, dans cette circonstance, que l’administration n’oppose pas de sursis à statuer à la demande d’autorisation d’urbanisme ultérieurement déposée ;
- Il est possible, également, que, les conditions relatives à la mise en œuvre du sursis à statuer n’étant pas réunies, l’autorité compétente ne puisse appliquer le nouveau PLU à une demande de permis de construire déposée après son entrée en vigueur.

La complexité générée par cette jurisprudence nécessite d’être bien accompagnés, tant au stade du dépôt du certificat d’urbanisme qu’à celui de la demande de permis de construire.

Bernard RINEAU Avocat Associé Hubert VEAUVY Avocat Elorri DALLEMANE Juriste Avocat Associé chez RINEAU & Associés http://www.rineauassocies.com

[1Article L. 410-1 du Code de l’urbanisme.

[2Article A410-3 du Code de l’urbanisme.

[3Article L. 410-1 du Code de l’urbanisme.

[4Conseil d’Etat, 15 décembre 2015, n°374026. Il n’est donc pas inutile de vous demander si le terrain que vous envisagez d’acheter pour y réaliser un projet, n’a pas déjà fait l’objet d’une demande de certificat d’urbanisme dont vous pourriez bénéficier.

[5CE, 11 février 2015, n° 361433.

[6L. 153-11 du code de l’urbanisme.

[7CE, 21 mai 2012, n°323882.

[8CE, 6 juillet 1994, n°122470.

[9CE, 18 décembre 2017, n°380438.

[10CAA de Nantes, 29 décembre 2017, req n°16NT01961.

[11Il ne suffit pas que soit établie une simple absence de conformité d’un projet à la future règle d’urbanisme pour justifier un sursis à statuer (CE du 25 avril 2003, n°208398). Il est possible de n’opposer aucun sursis à statuer lorsque le projet ne méconnaît que de façon limitée le futur document d’urbanisme (CE du 27 juillet 2015, n°381248 et CAA Lyon du 2 Août 2016, n°15LY00981).

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