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Barème Macron : la Cour d’appel de Paris permet de s’en écarter. Par Xavier Berjot, Avocat.
Parution : mercredi 2 octobre 2019
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La saga se poursuit. Après la Cour d’appel de Reims (CA Reims 25-09-2019, n°19/00003), la Cour d’appel de Paris vient de juger implicitement, dans un arrêt du 18 septembre 2019, que les juges peuvent ne pas appliquer le barème Macron dans certaines circonstances.

En l’espèce, la Cour devait se prononcer sur le licenciement d’un salarié qui ne disposait que d’un an d’ancienneté.

Pour une telle ancienneté, l’article L. 1235-3 du Code du travail prévoit que, si le licenciement survient sans cause réelle et sérieuse, le salarié peut obtenir une indemnité comprise entre :
- 15 jours de salaire bruts et 2 mois de salaire bruts si l’entreprise emploie moins de 11 salariés ;
- 1 mois de salaire brut et 2 mois de salaire bruts si l’entreprise emploie 11 salariés ou plus.

NB. Pour une vue pratique du barème, un simulateur a été mis en place par le Gouvernement.

Pour la Cour d’appel de Paris, « la réparation prévue à hauteur de deux mois par le barème constitue une réparation du préjudice adéquate et appropriée à la situation d’espèce. »

La Cour précise - et c’est important - que les articles 10 de la Convention n° 158 de l’OIT et 24 de la Charte sociale européenne révisée s’imposent aux juridictions françaises.

En d’autres termes, ces textes bénéficient d’un effet direct en droit interne.

Or, dans son avis n°15013 du 17 juillet 2019, la Cour de cassation avait dénié, à l’article 24 de la Charte, tout effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.

Quant à l’article 10 de la Convention OIT, la Cour de cassation avait soutenu que le barème respectait cette disposition internationale.

Rappels :

- L’article 10 de la Convention OIT prévoit que l’indemnité pour licenciement abusif doit être « adéquate » ;
- L’article 24 de la Charte reconnaît le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée.

La Cour d’appel de Paris, tout en jugeant ces textes internationaux d’effet direct, estime « qu’en l’espèce il n’y a pas lieu de déroger au barème réglementaire et de considérer ledit barème contraire aux conventions précitées. »

La brèche est cependant ouverte car, si la situation du salarié avait été différente, le barème Macron aurait pu être écarté sur le fondement du droit international…

La Cour d’appel de Reims avait d’ailleurs été explicite sur le sujet dans les motifs de son arrêt :
- L’article L. 1235-3 du Code du travail prévoit des plafonds d’indemnisation faibles pour les salariés de peu d’ancienneté. En outre, la progression des plafonds n’est pas linéaire. Il en résulte une potentielle inadéquation de l’indemnité plafonnée, voire une possible forme de différence de traitement en raison de l’ancienneté ;
- Enserré entre un plancher et un plafond, le juge prud’homal ne dispose pas de toute la latitude pour individualiser le préjudice de perte d’emploi et sanctionner l’employeur ;
- Il s’en déduit que le dispositif est de nature à affecter les conditions d’exercice des droits concernés par ces textes.

En conclusion, les Cours d’appel de Reims et de Paris invitent à une appréciation au cas par cas (in concreto) et non sans tenir compte de la réalité (in abstracto).

Xavier Berjot Avocat Associé SANCY Avocats [->xberjot@sancy-avocats.com] [->https://bit.ly/sancy-avocats] Twitter : https://twitter.com/XBerjot Facebook : https://www.facebook.com/SancyAvocats LinkedIn : https://fr.linkedin.com/in/xavier-berjot-a254283b