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Transmettre son entreprise avec un "Family Buy Out". Par Romain Daubié, Avocat.
Parution : vendredi 11 octobre 2019
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En tant que chef d’entreprise se pose la question de l’avenir de la société. Il est légitime de vouloir la transmettre à ses enfants tout en souhaitant la vendre à un bon prix.
Il est possible alors d’anticiper sa transmission au profit de vos enfants au travers du Family Buy Out qui permettra d’avoir un coût fiscal de l’opération qui sera maîtrisé. Il s’agit d’un outil adéquat lorsque l’entreprise a une valeur et que l’ensemble des héritiers ne souhaitent pas en être repreneur.

Le Family Buy Out (FBO) est une technique de transmission d’entreprise à titre gratuit entre membres d’une même famille qui combine plusieurs mécanismes :
• La donation-partage de titres effectuée par le chef d’entreprise au profit de ses enfants ;
• La combinaison de la donation-partage avec le dispositif du Pacte Dutreil, utilisable dans le cadre des opérations de transmission d’entreprises à titre gratuit ;
• La reprise de l’entreprise par certains ou un des héritiers qui reçoivent ou reçoit tous les titres en lot unique et verse(nt) en contrepartie une soulte aux autres héritiers ;
• La constitution d’une holding de reprise par le ou les héritier(s) repreneur(s), qui prendra ou prendront en charge les soultes à reverser au moyen d’un éventuel emprunt.

Ce régime est particulièrement avantageux car il permet au chef d’entreprise de bénéficier personnellement d’un régime fiscal avantageux avec l’obtention d’un abattement de 500.000 euros pour départ à la retraite majoré d’un abattement de 85% sur le montant de la plus-value.

Si on adjoint un pacte Dutreil à ce mécanisme, l’exonération totale de droit de succession pourra atteindre 75%.

En pratique, quelles sont les étapes d’un Family Buy Out ?

1/ La donation-partage.

La donation-partage permettra une évaluation des biens au jour du partage et non au jour du décès pour l’imputation et le calcul de la réserve des héritiers.

L’héritier repreneur subira alors la dévaluation ou bénéficiera de la prise de valeur.

L’héritier bénéficiaire du lot devra alors reverser à ses cohéritiers une soulte si la valeur de l’entreprise dépasse la quote-part de chacun des héritiers.

Le dirigeant qui souhaitera transmettre son entreprise par anticipation, ne souhaitera pas automatiquement transmettre tous les pouvoirs qui y sont attachés.

Il faudra alors examiner et réajuster le cas échéant la documentation sociale pour s’assurer soit que le contrôle soit conservé par le donateur ou transmis aux héritiers selon la volonté du dirigeant.

Par ailleurs, il arrive fréquemment que l’entreprise soit transmise à l’enfant qui s’est investi dans l’entreprise et a contribué ce faisant à son développement. Dans ce cas, il conviendra de sous-évaluer les titres, ce qui permettra corrélativement au repreneur de verser une soulte moindre à ses cohéritiers afin de rétablir l’équilibre successoral.

En outre, il sera nécessaire de prévoir des garanties pour le remboursement de la soulte aux cohéritiers.

Enfin, l’héritier repreneur pourra envisager de modifier son régime matrimonial préalablement à la transmission de l’entreprise afin notamment de protéger le patrimoine de son conjoint du recours éventuel de ses créanciers.

2/ La holding.

La holding de reprise va être constituée par l’héritier repreneur afin qu’elle supporte le remboursement de la soulte. Cette holding va recourir à l’endettement pour prendre en charge les soultes. Cela permettra alors d’optimiser les coûts et l’incidence fiscale de la transmission.

L’intérêt est que le remboursement s’effectuant avant toute imposition, l’économie d’impôt générée permettra d’augmenter la capacité de remboursement de la soulte.

Il faut prendre garde à ce que la société transmise soit suffisamment rentable sur le long terme pour faire remonter le niveau de dividendes nécessaire à la holding pour apurer le passif à moindre coût.

Dans certains cas, il sera possible de bénéficier du régime de l’intégration fiscale.

Ainsi, le résultat fiscal de chaque société sera consolidé dans un résultat global au sein de la société mère qui sera alors seule redevable de l’impôt sur les sociétés dû sur l’ensemble des résultats du groupe. Il sera possible d’opter pour ce régime sous certaines conditions (notamment être soumis à l’impôt sur les sociétés et détenir directement ou indirectement au moins 95% du capital de ses filiales). Dans ce cas-là, la remontée de dividendes bénéficiera d’une imposition très limitée.

Si l’option pour l’intégration fiscale ne peut être effectuée, le dirigeant pourra certainement bénéficier du régime mère-fille. Cela permettra à la société mère de bénéficier d’une exonération d’impôt sur les sociétés sur la remontée des dividendes reçu par ses filiales.

La transformation de la société transmise pourra être une opération préalable envisageable, dès lors que le droit d’enregistrement est moins onéreux en matière d’actions (0,1%) qu’en matière de parts sociales (3%). La transformation de la société pourra également être rendue nécessaire par d’autres facteurs résultant de la transmission (ex : la SARL ne peut avoir qu’un seul gérant personne physique).

La holding devra être une société soumise à l’impôt sur les sociétés afin de pouvoir opter pour un régime fiscal favorable à la remontée de dividendes. La forme sociale devra correspondre aux attentes et aux objectifs de toute la famille. En pratique il est recouru majoritairement à la Société par actions simplifiée pour sa maniabilité statutaire.

Une fois le choix de la forme sociale effectué, l’apport se fera sous la forme d’un apport mixte. L’apport sera à titre gratuit à hauteur des droits reçus par le donataire, et à titre onéreux pour le montant de la soulte. Seule la fraction correspondant à un apport à titre onéreux rendra exigible le droit d’enregistrement.

3/ Le pacte Dutreil.

L’article 787 B du Code Général des Impôts permet d’appliquer une réduction d’assiette à hauteur de 75% de la valeur des titres transmis à titre gratuit sous trois conditions cumulatives :
- Un engagement collectif de conservation de deux ans doit être pris par le donateur avec un ou plusieurs associés, cet engagement devra porter sur au moins 34% des titres (ou 20% dans certains cas) ;
- Un engagement individuel de conservation de quatre ans à compter de l’expiration de l’engagement collectif doit être pris par chacun des donataires concernant les titres qui leur auront été attribués. Cet engagement devra être pris dans l’acte de donation ;
- Un des donataires, ou l’un des donateurs devra exercer de façon effective dans la société transmise, pendant toute la durée de l’engagement collectif de conservation, et pendant les trois années qui suivent la transmission.

En définitive, un FBO est la solution idéale pour transmettre une entreprise avec une fiscalité modérée : le tout nécessitant de l’anticipation et un accompagnement avec un conseil juridique ayant une expertise dans ce domaine.

Romain Daubié [->romain.daubie@avocat-conseil.fr] [->https://avocat-lyon-daubie.com/]