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Prêts libellés en Francs suisse et à taux variable : nullité de la clause d’intérêts en raison de son imprécision. Par Florian Desbos, Avocat.
Parution : mardi 15 octobre 2019
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De nombreux prêts en devise sont à taux variable. Or cela peut entraîner des taux très importants, notamment pour les prêts indexés sur la valeur du franc suisse. De nombreux emprunteurs se trouvent ainsi démunis.

Il existe néanmoins des solutions. L’une de celle-ci peut se trouver dans la définition de l’indice objectif de référence figurant au contrat de prêt.

Arrêt de la Cour de cassation, 13 mars 2019, n°17-23.169.

Dans les contrats de prêts à taux variable les banques utilisent un indice de référence, auquel elles ajoutent leur marge. Or souvent cet indice de référence est peu ou mal décrit.

Dans l’espèce objet de ce commentaire, le Crédit Agricole avait accordé un prêt à taux variable, et prétendait avoir retenu un indice de référence dénommé « Eurodevise CHF à 3 mois ».

L’emprunteur faisait, à juste titre, valoir que ce taux ne pouvait être vérifié avec certitude à défaut de publication et que les contrats ne mentionnaient ni l’heure, ni même la date de cours retenu. Or ; il résultait des explications du Crédit Agricole que le taux Eurodevise CHF à 3 mois évolue chaque jour, ainsi qu’à l’intérieur d’une même journée. Il n’était pas possible de retrouver avec certitude le taux utilisé.

Dans ces conditions, la Cour d’appel de Metz a annulé la stipulation contractuelle d’intérêts.

Cette position a été confirmée par la Cour de cassation, qui, dans un arrêt en date du 13 mars 2019, n°17-23.169, a, notamment, énoncé :

« Mais attendu qu’ayant relevé que les contrats de prêt litigieux ne déterminaient pas clairement le caractère variable ou fixe du taux, ni non plus n’indiquaient un indice objectif de référence, la Cour d’appel a fait ressortir l’imprécision du taux conventionnel, laquelle équivaut à une absence de mention ; qu’elle en a exactement déduit que faute d’être conforme à l’article 1907 alinéa 2 du Code civil elle doit être annulée ».

Cet attendu est en pratique très intéressant.

De façon assez logique la Cour fait application pour ces prêts de l’article 1907 du Code civil, disposant que « L’intérêt est légal ou conventionnel. L’intérêt légal est fixé par la loi. L’intérêt conventionnel peut excéder celui de la loi, toutes les fois que la loi ne le prohibe pas.
Le taux de l’intérêt conventionnel doit être fixé par écrit
 ».

A partir du moment où l’indice objectif de référence n’est pas décrit avec précision il n’est pas possible de savoir quel taux s’applique.

L’article 1907 vise à informer l’emprunteur. Si cette obligation, d’ordre public, n’est pas respectée, cela doit entraîner l’annulation de la clause. Ce raisonnement est dans la logique de la jurisprudence concernant l’utilisation d’une base 360 pour le calcul des intérêts conventionnels.

En pratique de nombreux prêts sont concernés, l’indice de référence étant souvent pas, ou mal décrit. L’enjeu est important, la sanction de la nullité étant la substitution du taux d’intérêt conventionnel par le taux légal.

Il y a donc un réel intérêt à procéder à une analyse approfondie de ce type de contrat de prêt, étant précisé que cela peut également aboutir à soulever d’autres arguments : clauses abusives, manquement à l’obligation de mise en garde…

Florian DESBOS Avocat au Barreau de LYON www.avocats-desbosbarou.fr