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Rupture conventionnelle : précisions sur le formalisme de la signature de la convention. Par Frédéric Chhum, Avocat.
Parution : lundi 14 octobre 2019
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Dans deux arrêts du 3 juillet 2019 (Cass. Soc., 3 juillet 2019 n°17-14232 et n°18-14414), la Cour de cassation impose plus de formalisme quant à la signature de la convention de rupture du contrat de travail dans le cadre d’une rupture conventionnelle.
En effet, la Cour de cassation affirme, d’une part, que l’exemplaire remis au salarié soit signé par l’employeur et, d’autre part, qu’il n’existe pas de présomption de remise de ce document au salarié.

Dans un arrêt du 6 février 2013 (Cass. soc., 6 février 2013, n°11-27000), la Cour de cassation impose la remise au salarié, dès signature, d’un exemplaire de la convention de rupture individuelle. En cas de manquement à cette formalité, la convention de rupture est nulle, et le salarié pourra se voir octroyer une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La Cour de cassation considère que cela permet au salarié de demander l’homologation de la convention de rupture (art L 1237-14 du Code du travail) mais aussi d’exercer son droit de rétractation, lequel doit intervenir dans les quinze jours suivant la signature de la convention « par les deux parties » (art L 1237-13 du Code du travail).

Dans deux arrêts du 3 juillet 2019 (Cass. Soc., 3 juillet 2019 n°17-14232 et n°18-14414), la Cour de cassation renforce le formalisme lors de la signature de la convention de rupture.

1) Un exemplaire de la convention de rupture assorti de la signature de l’employeur doit être remis au salarié (cass. soc. 3 juillet 2019, n°17-14232).

Dans la première affaire jugée par la Cour de cassation, un salarié avait signé une convention de rupture individuelle qui avait été établie en deux exemplaires.

Cependant, l’exemplaire remis au salarié n’avait pas été signé par l’employeur.

La Cour d’appel de Metz avait considéré que la convention de rupture ne devait pas être annulée car, nonobstant l’absence de signature de l’employeur sur l’exemplaire remis au salarié, ce dernier avait tout de même la possibilité d’exercer son droit de rétractation à compter de sa propre signature sur la convention.

La Cour de cassation va casser l’arrêt de la Cour d’appel de Metz.

En effet, la Haute juridiction affirme que « seule la remise au salarié d’un exemplaire de la convention signée par des deux parties lui permet de demander l’homologation de la convention et d’exercer son droit de rétractation en toute connaissance de cause ».

Ce formalisme a deux conséquences :
- d’une part que le consentement est certifié pour les deux parties ; mais aussi
- que le salarié peut exercer son droit de rétractation en toute connaissance de cause étant donné que la date de la signature constitue le point de départ dudit délai.

2) La question de la preuve de la remise de l’exemplaire de la convention de rupture au salarié (n°18-14414).

Dans la deuxième affaire jugée par la Cour de cassation, un salarié avait signé une convention de rupture mais un exemplaire ne lui avait pas été remis.

Il a ensuite demandé l’annulation de la convention de rupture devant le conseil de prud’hommes.

La Cour d’appel d’Angers l’a débouté de sa demande en conjecturant d’une présomption de remise de l’exemplaire au salarié car le formulaire Cerfa indiquait que la convention avait été établie en deux exemplaires.

La Cour de cassation casse l’arrêt de la Cour d’appel d’Angers et précise que cette dernière ne pouvait refuser la demande d’annulation « sans constater qu’un exemplaire de la convention de rupture avait été remis au salarié ».

La Haute juridiction ne reconnaît donc pas de présomption quant à la remise de l’exemplaire de la convention de rupture au salarié puisque la simple indication de la mention « fait en deux exemplaires » est nécessaire mais pas suffisante (CA Colmar 13 octobre 2015 n°14/01550).

Cette absence de présomption de remise d’une convention de rupture fait peser la charge de la preuve sur l’employeur qui devra démontrer qu’un exemplaire de la convention de rupture a bien été remis au salarié en cas de litige.

Sur ce point, la jurisprudence a précisé certaines modalités.

En effet, il est notamment conseillé à l’employeur de faire signer un récépissé de remise d’une convention de rupture signée au salarié ou de mentionner qu’une copie lui a été délivrée.

En effet, la Cour d’appel de Metz a jugé qu’est nulle une convention de rupture qui ne comporte aucune indication sur le nombre d’originaux établis ou la remise d’un exemplaire de celle-ci (CA Metz, 7 avril 2015 n°13/02982).

Sources :

Cass. Soc., 3 juillet 2019 n°17-14232

Cass. Soc., 3 juillet 2019 n°18-14414

Cass. soc., 6 février 2013, n°11-27.000

Article L 1237-14 du Code du travail

Article L 1237-13 du Code du travail

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l\'ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021) CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille) [->chhum@chhum-avocats.com] www.chhum-avocats.fr http://twitter.com/#!/fchhum