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Coproduire avec la Russie et ses pays mitoyens. Par Sébastien Lachaussée, Avocat et Elisa Martin-Winkel, Juriste.
Parution : vendredi 18 octobre 2019
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Les liens cinématographiques entre la France, la Russie et les pays de l’est sont installés et bien que la production ne soit pas massive, elle est reconnue et constante. Ainsi, la France a notamment coproduit 5 films avec la Russie et l’Ukraine sur la période 2017/2018, et deux avec la Géorgie.
Nous allons voir ici que ces coproductions s’appuient tant sur les apports de coproduction bilatéraux que sur les mécanismes de financements dédiés aux coproductions internationales et que des aides nationales se développent.

Accords de coproduction bilatéraux.

Les films réalisés en coproduction et admis au bénéfice d’un accord de coproduction sont considérés comme films nationaux par les autorités des deux pays et bénéficient ainsi des aides nationales réservées aux films nationaux. La France bénéficie en ce sens d’accords de coproduction avec la fédération de Russie, la Géorgie et l’Ukraine. De manière générale, il est entendu que la participation technique et artistique des coproducteurs doit intervenir dans la même proportion que ses apports financiers (sauf dérogation exceptionnelle).

S’agissant de l’accord franco-russe, il prévoit que la proportion des apports respectifs des producteurs des deux pays peut varier par film de 30 à 70 %, avec une dérogation possible dans la limite de 80/20 % pour des films dont le coût de production serait estimé comme étant plus élevé que le coût moyen des productions cinématographiques dans le pays majoritaire. La participation du coproducteur minoritaire ne peut en tout cas être inférieure à 20 % du coût du film.

L’accord Géorgie-France établit des apports compris entre 20 à 80 %, sans possibilité de dérogation.

Enfin, l’accord France-Ukraine signé en 2011 est plus souple en prévoyant que la proportion des apports peut varier entre 20 % à 80 % du coût définitif du film, avec une dérogation possible entre 10 et 90% après accord des autorités nationales.

Aides nationales et fonds privés.

Il ne s’agit pas ici d’être exhaustifs, mais de mettre en avant certaines possibilités de financement.

On peut notamment évoquer que l’agence ukrainienne pour le cinéma propose une aide sélective et remboursable à la production, ouvertes aux films de fiction, d’animation et documentaire. Cette aide est limitée à 50% du budget du projet, sans autre plafond.

Le centre national géorgien pour le cinéma propose à la fois une aide sélective et non remboursable pour les coproductions internationales de films de fiction et documentaires, pouvant atteindre 105 000 € par projet soutenu et un crédit d’impôt à hauteur de 20% des dépenses locales exigibles. De manière générale, les aides nationales s’accompagnent d’obligation de localisation des dépenses.

En Russie, le fond cinéma, vient également apporter son appui à la production cinématographique, en défendant cependant plus des projets commerciaux que des films d’auteur, mais les producteurs peuvent également se tourner vers des fonds privés.

Ainsi lors du Festival de Cannes 2019, l’oligarque russe Roman Abramovich, a annoncé le lancement du fond cinématographique Kinoprime financé à hauteur de 100 millions de dollars sur les trois prochaines années. Ce dernier peut fournir jusqu’à 50% du budget de production d’un film, avec un plafond de 2 millions de dollars par projet.

Soutien international au titre d’Eurimages.

Il est important de signaler ici que l’Arménie, la Fédération de Russie et la Géorgie sont tous, à l’instar de la France, des pays membre de Eurimages. Aussi, une coproduction avec l’un de ces pays permet de solliciter l’aide à la coproduction sélective et remboursable d’Eurimages.

Le budget annuel est de 26 M d’euros et l’apport par film peut atteindre jusqu’à 500 000 € pour les fictions et films d’animation et 25% du coût total de la production du film dans la limité de 500.000 € pour les documentaires.

On peut ainsi évoquer : « Jumpman » de Ivan Tverdovsky (Russie -
fiction – aide accordée : 200.000 € ou "Spitak" d’Alexander Kott (Russie-
fiction – aide accordée : 250.000 €) et "Aurora’s Sunrise" d’ Inna Sahakyan (Arménie – documentaire - aide accordée : 140.000 €.

Les conditions sont assez strictes et notamment : les traités de coproduction doivent être respectés, 50% de l’apport de chaque coproducteur doit être confirmé, la part des coproducteurs non-européens est limitée à 30%. Dans le cas d’une coproduction multilatérale, la participation du coproducteur majoritaire ne doit pas dépasser 70% du budget total de coproduction et la participation de chacun des coproducteurs minoritaires ne doit pas être inférieure à 10%. Dans le cas d’une coproduction bipartite, la participation du coproducteur majoritaire ne doit pas dépasser 80% du budget total de coproduction et la participation du coproducteur minoritaire ne doit pas être inférieure à 20%. Pour les coproductions bilatérales dont le budget excède cinq millions d’euros, la participation du coproducteur majoritaire ne doit pas dépasser 90 % du budget total de la coproduction. On notera ici que de manière générale les coproductions tripartites sont favorisées dans l’accès à cette aide.

Aide au cinéma du monde.

L’Aide aux cinémas du monde est une aide sélective accordée à une société de production établie en France dans le cadre d’une coproduction de films cinématographiques avec une entreprise de production établie à l’étranger. Elle peut intervenir avant réalisation ou au stade de la post-production du film. S’agissant de l’aide avant réalisation, elle est plafonnée à 250 000 € maximum par projet (avec une moyenne de 120 000 euros par films) soutenu) alors que l’aide après réalisation a un plafond de 50 000 € (en général entre 30 et 50 000 €).

On peut ainsi évoquer les projets suivants : "Donbass "de Sergeï Loznistsa (Ukraine – aide à la production de 110. 000 €) Luxembourg de Miroslav Slaboshpytskiy (Ukraine - aide à la production : 140.000 €), "L’été "de Kirill Serebrennikov (Russie - aide à la finition – 50.000 €) et "La tendre indifférence du monde" de Adilkhan Yerzhanov (Kazakhstan – aide à la finition : 45.000 €).

Il doit toutefois être rappelé que le montant total des aides publiques françaises accordées à une même œuvre ne peut excéder 50% des financements de la part française du projet. Ce taux peut néanmoins être porté à 80% pour les premiers ou seconds longs métrages d’un réalisateur, les œuvres dont le budget final est inférieur à 1.250.000 € ou réalisées avec certains pays à faibles ressources parmi lesquels notamment l’Arménie, le Kazakhstan.

Aux vues de ce qui précède, il apparaît bien que les collaborations entre la France, la Russie et ses pays pays mitoyens présentent des possibilités de financement et peuvent être considérées dans le cadre du développement et de la production de films. Dans le cadre de telles collaborations internationales, il est primordial de s’assurer d’encadrer efficacement les relations entre les producteurs et leurs partenaires, tant pour le développement, la production que la distribution des œuvres. Pour ce faire, le recours à un cabinet spécialisé est fortement recommandé afin de répondre aux mieux aux besoins des producteurs.

Sébastien Lachaussée, Avocat Lachaussée Avocat est un cabinet d'avocat dédié au secteur des médias et des nouvelles technologies. _ [->sl@avocatl.com] _ www.avocatl.com