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Intermittents : licenciement sans cause d’un choriste de l’Opéra de Saint-Etienne employé pendant 9 ans en CDD. Par Frédéric Chhum, Avocat, et Morgane Bocquet, Juriste.
Parution : vendredi 18 octobre 2019
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Dans un arrêt de la Cour d’appel de Lyon du 10 octobre 2019, Monsieur X, artiste de chœur et intermittent du spectacle de l’Opéra de Saint-Etienne, a obtenu la requalification de ses contrats de travail à durée déterminée d’usage (CDDU) en contrat à durée indéterminée (CDI) à temps plein ainsi que la reprise de son ancienneté à la date du début de sa collaboration.

La rupture de sa collaboration est jugée, par ailleurs, sans cause réelle et sérieuse.

I) Rappel des faits.

Monsieur X a été engagé, par la Ville de Saint-Etienne qui exploite l’Opéra, en qualité d’artiste de chœur dans le cadre de contrats à durée déterminée (CDD) de droit public successifs à compter du 27 mai 2008.

A compter du 22 octobre 2009, Monsieur X intègre le « noyau » du chœur et change à ce titre tous les ouvrages des saisons suivantes, la Ville de Saint-Etienne devenant son unique employeur.

A compter du 2 novembre 2016, les choristes et les musiciens de l’Opéra de Saint-Etienne ont été soumis à des contrats à durée déterminée d’usage de droit privé.

Sur la période du 27 mai 2008 au 24 juin 2017, Monsieur X a travaillé en moyenne 731 heures par an pour la Ville de Saint-Etienne.

Monsieur X, ainsi que les autres choristes et musiciens de l’Opéra travaillaient dans des conditions de précarité, et ce même après l’intervention de Monsieur T, délégué syndical Force Ouvrière. Ce dernier souhaitait mettre fin à la précarité des artistes de l’Opéra en les intégrant sous contrat à durée indéterminée.

C’est dans ces circonstances que Monsieur X, soutenant que son emploi répondait à l’activité normale et permanente de l’Opéra de Saint-Etienne, a saisi le Conseil de prud’hommes de Saint-Etienne pour voir requalifier ses CDD en CDI à temps complet et subsidiairement à temps partiel, et obtenir diverses condamnations notamment à titre de rappels de salaire et congés, payés afférents, indemnité compensatrice de préavis, indemnités de licenciement et travail dissimulé.

Par un jugement du 16 avril 2018, le Conseil de prud’hommes de Saint-Etienne a débouté Monsieur X de l’ensemble de ses demandes et l’a condamné aux dépens.

En conséquence, Monsieur X a interjeté appel du jugement le 14 mai 2018.

II) L’arrêt de la Cour d’appel de Lyon du 10 octobre 2019.

La Cour d’appel de Lyon :

Au total, l’intermittent du spectacle obtient 54.486 euros.

1) Compétence juge judiciaire ou administrative ?

La Ville de Saint-Etienne exposait aux termes de ses dernières écritures que : « elle n’a jamais soulevé, dans ses conclusions, l’incompétence du juge judiciaire au profit du juge administratif mais elle a simplement indiqué que si le juge judiciaire examine la situation de Monsieur X c’est qu’il considère, presque mécaniquement, que Monsieur X occupe un emploi répondant à un besoin temporaire et ponctuel », et ce, sur le fondement des dispositions de l’article 47 de la loi du n°2016-925 du 7 juillet 2016.

Pour autant, la Cour relevait qu’elle sollicite la confirmation du jugement alors qu’au terme de celui-ci, le conseil de prud’hommes s’est déclaré incompétent pour statuer sur les demandes faites sur les contrats de droit public du 28 octobre 2008 au 17 juin 2016 au profit du tribunal administratif.

La Cour relève que les explications de la Ville de Saint-Etienne viennent donc en contradiction avec l’objet de ses demandes.

Il y a donc lieu d’examiner la question de la compétence de la juridiction prud’homale que Monsieur X, à l’origine de la saisine du conseil de prud’hommes, revendique en se fondant sur la jurisprudence du Tribunal des conflits dans sa décision du 17 juin 2013 (n°C3910) opposant la ville de Saint-Etienne à une violoniste de l’orchestre symphonique de Saint-Etienne.

Aux termes de l’article 13 de la loi des 16 et 24 août 1790, « les fonctions judiciaires sont distinctes et demeureront toujours séparées des fonctions administratives. Les juges ne pourront, à peine de forfaiture, troubler, de quelque manière que ce soit, les opérations des corps administratifs, ni citer devant eux les administrateurs pour raison de leurs fonctions. »

Il est constant que les personnels non statutaires travaillant pour le compte d’un service public à caractère administratif sont des agents contractuels de droit public quel que soit leur emploi.

Si des stipulations particulières ne peuvent déroger à une disposition d’ordre public régissant la répartition des compétences entre les juridictions administratives et judiciaires, il n’en va pas de même de dispositions législatives.

Or, en application de l’article L.762-1 du Code du travail devenu les articles L.7121-2 et L.7121-3 du Code du travail, tout contrat par lequel une personne s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un artiste de spectacle en vue de sa production, est présumé être un contrat de travail dès lors que cet artiste n’exerce pas l’activité qui fait l’objet de ce contrat dans des conditions impliquant son inscription au registre du commerce.

Ce texte constitue la dérogation législative au principe de compétence des juridictions administratives.

En l’espèce, Monsieur X a été embauché en qualité d’artiste de chœur en vue d’assurer des représentations à l’opéra théâtre de Saint-Etienne et il n’est pas contesté que ses fonctions étaient celles d’un artiste du spectacle. Les dispositions susvisées du code du travail qui présument l’existence d’un contrat de travail lui sont applicables et ont pour effet de soumettre la relation de travail au droit privé.

La Ville de Saint-Etienne fonde son argumentation sur l’article 47 de la loi du 7 juillet 2016 relative à la liberté de la création, à l’architecture et au patrimoine, pour conclure à la compétence des juridictions de l’ordre administratif.

Toutefois, l’article 2 du code civil s’oppose, par principe, à ce que la loi rétroagisse de sorte que l’article 47 de la loi du 7 juillet 2016 est inapplicable à la situation de Monsieur X s’agissant des contrats conclus avant son entrée en vigueur qui demeurent régis par les dispositions du code du travail. La présomption édictée par le Code du travail n’est aucunement combattue, de sorte que l’existence d’un contrat de travail emporte la compétence de la juridiction judiciaire.

S’agissant des contrats conclus ultérieurs à cette loi, à compter du 2 novembre 2016, force est de constater qu’ils sont expressément régis par les dispositions du code du travail et sont soumis à la compétence du conseil de prud’hommes de Saint-Etienne (article 10).

En conséquence, la situation juridique découlant des contrats de travail litigieux relève bien de la compétence de la juridiction judiciaire.

Le jugement doit par conséquent être infirmé en ce qu’il a déclaré la juridiction prud’homale incompétente au titre d’une partie des demandes concernant les contrats de droit public du 28 octobre 2008 au 17 juin 2016.

2) Requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.

L’article L.1242-1 du Code du travail énonce que :« Un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise ».

L’article L.1242-2 du Code du travail prévoit que : « Sous réserve des dispositions de l’article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants : (...)

3° Emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois » ;

Par ailleurs, le contrat de travail à durée déterminée doit comporter la définition précise de son motif, et à défaut, il est réputé être conclu pour une durée indéterminée suivant l’article L.1242-12 du Code du travail.

Suivant l’article D.1242-1 6° du même code, les spectacles et l’action culturelle figurent parmi les secteurs d’activités dans lesquels il est possible de conclure des contrats à durée déterminée d’usage en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.

Monsieur X fait valoir que les contrats de travail dans leur grande majorité (46 sur 52) ne comportaient pas de motifs de recours précis, en violation de l’article L.1242-12 du Code du travail et ne visaient aucune disposition de ce code.

Il ajoute qu’aucun usage ne permettait de recourir au contrat à durée déterminée pour pourvoir l’emploi d’artiste des chœurs de Monsieur X et que d’ailleurs de nombreux opéras et théâtres en France (Dijon, Angers-Nantes, Metz, Toulouse...) recrutent leurs artistes en contrat à durée indéterminée afin de composer leur chœur permanent. Il soutient que pendant plus de neuf années ses fonctions pourvoyaient un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’opéra de Saint-Etienne puisqu’il était engagé par quasiment autant de contrats que d’œuvres montées et présentées, tous signés chaque année durant les mois de juillet-août, pour la saison à venir.

Monsieur X prétend par ailleurs qu’il importe peu que la programmation d’opéras n’occupe qu’une part des représentations de l’opéra-théâtre, cette circonstance ayant seulement pour effet de limiter son emploi à un temps partiel qui n’est aucunement exclusif de sa permanence.

La Ville de Saint-Etienne réplique que la cour d’appel de Lyon a d’ores et déjà retenu que la commune de Saint-Etienne était fondée à recruter par voie de contrat à durée déterminée d’usage un salarié placé dans une situation quasi identique à celle de Monsieur X dans la mesure où les trois conditions de l’article L.1242-2 du Code du travail étaient remplies.

Le recours aux contrats successifs est justifié selon elle par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi dès lors en particulier que la programmation de l’opéra est multiple et que les choristes n’interviennent principalement que pour les œuvres lyriques mais pas toutes, en fonction du nombre, du genre ou encore de la langue qui sont requis.

Elle prétend que les contrats de droit public conclus avant la jurisprudence du tribunal des conflits, ne relèvent pas du droit privé et des dispositions de l’article L.1242-12 du Code du travail prévoyant la mention d’un motif de recours mais qu’en tout état de cause, tous les contrats litigieux précisaient le motif précis du recrutement et notamment la mention du spectacle et des conditions de son déroulement.

Il n’est pas discuté en l’espèce que l’activité d’opéra théâtre de la Ville de Saint Etienne se trouve dans le secteur d’activité dans lequel il est possible de conclure des contrats à durée déterminée d’usage en vertu des dispositions de l’article D.1242-1 6° du Code du travail.

Il y a lieu de rechercher néanmoins si un usage constant autorise l’employeur à ne pas recourir à un contrat de travail à durée indéterminée pour l’emploi concerné d’artiste de chœur dans son secteur d’activité.

La Ville de Saint-Etienne se prévaut d’une jurisprudence de la cour d’appel de Lyon ayant reconnu l’existence d’un tel usage concernant un musicien de l’opéra de Saint Etienne et le fait que Monsieur X a été embauché pour de courtes durées en vue de participer à certains des spectacles réalisés par l’opéra-théâtre de Saint-Etienne.

Toutefois, l’emploi de musicien visé par l’arrêt de la cour de ce siège du 25 mars 2016 ne vise pas l’emploi de Monsieur X lequel doit seul donner lieu à une appréciation en l’espèce.

Par ailleurs, le seul fait que les emplois occupés en contrat à durée déterminée par Monsieur X aient été de courte durée ne suffit pas à établir leur caractère par nature temporaire.

Monsieur X verse aux débats quant à lui diverses annonces d’emplois d’artistes de chœur, émises par des opéras français qui ne sont pas -contrairement à ce qu’indique la Ville de Saint-Etienne- des opéras nationaux (Dijon, Avignon, Metz...), tout comme l’opéra de Saint-Etienne, en contrat à durée indéterminée, et ce en vue de constituer des chœurs permanents.

Il ne ressort pas de ces éléments l’existence d’un usage constant autorisant l’employeur à ne pas recourir à un contrat de travail à durée indéterminée pour l’emploi concerné d’artiste de chœur occupé par Monsieur X.

Par ailleurs, il est établi qu’à compter du 27 mai 2008, Monsieur X a été embauché suivant 52 contrats à durée déterminée en vue de participer à la production d’œuvres d’opéras précisément dénommées en qualité d’artiste de chœur.

La mention du cas légal n’a pas été précisé pour les contrats antérieurs au 2 novembre 2016.

Monsieur X soutient sans être démenti qu’il avait été intégré au « noyau » du cœur et qu’à ce titre il a participé à la quasi-totalité des spectacles lyriques et même d’autres (spectacles jeune public, fête de la musique), requérant un chœur entre 2010 et 2017 (soit 54 sur 57).

Dès lors, il est vain pour l’employeur de prétendre que Monsieur X n’a pas participé à l’ensemble des œuvres programmées au sein de l’opéra théâtre, puisque toutes ne nécessitent pas la présence d’un chœur (par exemple, les ballets, concerts de variétés, récital de piano, etc...).

En outre, il ressort d’une interview donnée par le directeur de l’opéra-théâtre Monsieur B. à « La lettre du musicien » en 2012 que l’orchestre symphonique Saint-Etienne- Loire et le chœur constituent des « formations musicales permanentes qui fonctionnent avec des intermittents titulaires de leur poste ».

Monsieur G., lui-même baryton au sein du chœur de l’opéra de Saint Etienne depuis 2007 évoque dans son attestation, sans être démenti, de “l’obligation de fidélité du chanteur à son employeur, année après année, sous peine de ne plus recevoir de travail par la suite” ce que confirme Monsieur B. ancien directeur de l’opéra de 2009 à 2011.

Le caractère permanent de l’emploi de Monsieur X et non temporaire est donc justifié au vu de ces éléments.

Il est manifeste dans ces conditions que les contrats à durée déterminée conclus entre les parties ne répondent pas aux critères légaux autorisant d’y recourir et avaient pour objet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’opéra-théâtre.

Selon l’article L.1245-1 du Code du travail, est réputé à durée indéterminée tout contrat conclu en méconnaissance des dispositions des articles L.1242-1 à L.1242-4, L.1242-6 à L.1242-8, L.1242-12 alinéa 1, L.1243-11 alinéa 1, L.1243-13, L.1244-3 et L.1244-4 du même code.

Au vu de l’ensemble des éléments qui précèdent, il y a lieu d’infirmer le jugement et de dire y avoir lieu à requalifier les contrats.

3) Sur la requalification de la relation contractuelle de Monsieur X à temps partiel en temps plein

Monsieur X argue qu’il a travaillé à plusieurs reprises au-delà de la durée légale, ce qui constitue une présomption de contrat à durée indéterminée à temps plein dès lors que le recours par l’employeur à des heures complémentaires portant la durée du travail du salarié au-delà de la durée légale entraîne la requalification du contrat à temps partiel en un contrat à temps plein selon lui.

Il soutient qu’il existe également une telle présomption du fait de l’absence d’écrit mentionnant la durée hebdomadaire, ou le cas échéant mensuelle prévue et la répartition de la durée de travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois.

Il incombe selon lui à la Ville de Saint-Etienne de rapporter la preuve de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue d’une part et de ce que Monsieur X n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’Opéra, ce qu’elle ne fait pas. Il précise que son emploi exigeait une très grande flexibilité et rendait impossible d’avoir d’autres employeurs puisque tributaire du planning édité par l’Opéra, communiqué tardivement et susceptible de connaître des modifications dans la limite de 24 heures à l’avance.

Il sollicite la condamnation de la Ville de Saint-Etienne à lui verser la somme de 21 268,71 euros outre les congés payés afférents sur la période du 25 juin 2014 au 24 juin 2017.

La Cour d’appel relève que la Ville de Saint-Etienne ne formule aucune observation sur ce point.

Les contrats de travail conclus par les parties prévoyaient des engagements pour des périodes (par exemple du « 10 avril 14h30 au 29 avril 2012 inclus », « du mercredi 14 juin 2017 à 17 h et jusqu’au samedi 24 juin 2017 ») sans jamais préciser la durée exacte du travail, ce qui est de nature à faire présumer une durée de travail à temps plein.

Par ailleurs et en outre, les heures complémentaires accomplies par un salarié à temps partiel ne peuvent avoir pour effet de porter la durée du travail accomplie par un salarié au niveau de la durée légale du travail ou à la durée fixée conventionnellement, tel qu’il ressort des dispositions de l’article L3123-17 du Code du travail dans sa rédaction applicable au litige.

La requalification du contrat de travail en contrat de travail à temps plein doit donc, au vu de cette circonstance, être retenue et l’employeur condamné au paiement d’un rappel de salaires sur la base d’un temps plein et ainsi d’une rémunération mensuelle brute de 1.463 euros bruts, outre les congés payés, et ce compter de la date de la première irrégularité.

Monsieur X est donc fondé en sa demande de condamnation au rappel des salaires dus outre les congés payés afférents, déduction faite des salaires perçus, suivant son décompte, non critiqué au demeurant, ne serait-ce qu’à titre subsidiaire.

Le jugement qui a rejeté la demande sera infirmé sur ce point.

4) Sur la demande d’indemnité de requalification.

Monsieur X sollicite l’octroi, sur le fondement de l’article L.1245-2 du Code du travail, d’une indemnité correspondant à deux mois de salaire au motif que le contrat à durée déterminée a été érigé en système au sein de l’institution et que sa collaboration a duré plus de neuf années dans ces conditions.

La Ville de Saint-Etienne ne fait état d’aucune remarque à ce titre.

Aux termes de l’article L.1245-2 alinéa 2 du Code du travail, si le juge fait droit à la demande du salarié tendant à la requalification de son contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, il doit lui accorder une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.

En l’espèce, il y a lieu de faire droit à la demande de Monsieur X égard aux circonstances de la cause et de condamner par conséquent la Ville de Saint Etienne à lui verser la somme de 1 463 euros à titre d’indemnité de requalification.

5) Sur la demande d’indemnité pour dissimulation d’emploi salarié.

Monsieur X prétend que la Ville de Saint-Etienne exigeait de ses artistes un travail préparatoire de leurs œuvres avant les répétitions et les représentations, au titre de l’article 6 de leur code du travail et que le fait de ne pas maîtriser parfaitement leur partition en amont était un motif d’exclusion.

Ce travail n’était pas rémunéré, la ville comptant d’après lui sur le “relais” des allocations chômage.

La Ville de Saint-Etienne n’apporte aucun élément de contradiction sur ce point.

Aux termes de l’article L.8221-5 du Code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur, notamment de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie.

Il ressort en l’espèce de la lecture de l’article 6 des contrats de travail conclus entre les parties que : « L’artiste doit se présenter à la première répétition en sachant parfaitement son rôle, l’inaptitude pouvant être un motif de rupture du contrat ».

Or, les contrats stipulent que l’artiste est engagé et rémunéré par un cachet journalier forfaitaire (de l’ordre de 75 euros) à compter du premier jour de la répétition.

Il est donc manifeste que le salarié a dû, systématiquement, avant même le début des répétitions, fournir une prestation de travail pour maîtriser les œuvres et ce sans être rémunéré.

Cette circonstance établit sans conteste le fait que l’employeur a mentionné intentionnellement un nombre d’heures travaillées inférieur à celui effectivement accompli.

Il y a lieu par conséquent de faire droit à la demande de condamnation formée par Monsieur X à l’encontre de la Ville de Saint-Etienne à hauteur de la somme de 8 778 euros.

Le jugement sera infirmé à ce titre.

6) La rupture est considérée comme un licenciement sans cause.

Monsieur X soutient que le terme de son contrat à durée déterminée du 24 juin 2017 requalifié en contrat à durée indéterminée doit s’analyser en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et qu’eu égard à son ancienneté de 9 années il est en droit de solliciter la condamnation de son employeur à lui verser les sommes suivantes :
- 2.926 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre celle de 292,60 Euros les congés payés afférents ;
- 2.633,40 euros au titre d’indemnité légale de licenciement ;
- 15.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La Ville de Saint-Etienne ne formule aucune observation ne serait-ce qu’à titre subsidiaire.

L’employeur a cessé de fournir du travail et de verser un salaire à Monsieur X à l’expiration du contrat à durée déterminée qui a été requalifié. Il a ainsi mis fin aux relations de travail au seul motif de l’arrivée du terme d’un contrat improprement qualifié par lui de contrat de travail à durée déterminée.

Cette rupture est donc à son initiative et s’analyse en licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ouvre droit au profit de Monsieur X au paiement des indemnités de rupture et de dommages-intérêts.

Monsieur X est fondé à solliciter l’octroi d’une indemnité compensatrice de préavis égale à deux mois de salaire sur le fondement de l’article L.1234-1 du Code du travail, soit 2 926 euros outre les congés payés afférents, et d’une indemnité légale de licenciement d’un montant de 2 633,40 euros en application des dispositions de l’article R.1234-2 du même code dans sa rédaction applicable au litige.

En outre, en application de l’article L 1235-3 du Code du travail dans sa rédaction applicable au litige, Monsieur X ayant eu une ancienneté supérieure à deux ans dans une entreprise occupant habituellement 11 salariés au moins, peut prétendre, en l’absence de réintégration dans l’entreprise, à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

Monsieur X indique qu’il a vécu avec un statut professionnel précaire pendant 9 années, ce qui l’a placé dans une situation financière, morale et personnelle extrêmement difficile, qu’il a dû se reconvertir, qu’il est en formation et n’a aucun autre revenu que ceux servis par le Pôle Emploi

Compte tenu de l’effectif de l’entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à Monsieur X âgé de 37 ans lors de la rupture, de son ancienneté de plus de 9 années, de l’absence de tout document concernant la situation professionnelle et financière actuelle de Monsieur X la cour estime que le préjudice résultant pour ce dernier de la rupture doit être indemnisé par la somme de 12 000 euros.

Frédéric Chhum avocat et ancien membre du Conseil de l\'ordre des avocats de Paris (mandat 2019 -2021) CHHUM AVOCATS (Paris, Nantes, Lille) [->chhum@chhum-avocats.com] www.chhum-avocats.fr http://twitter.com/#!/fchhum