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Le délit de violation du secret professionnel. Par Avi Bitton, Avocat.
Parution : lundi 21 octobre 2019
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Qui est tenu au secret professionnel ? Quelles informations sont couvertes par le secret professionnel ? Dans quel cas le secret professionnel peut-il être levé ?

I. Définition de la violation du secret professionnel.

L’article 226-13 du Code pénal définit la violation du secret professionnel comme étant :

« la révélation d’une information à caractère secret par une personne qui en est dépositaire soit par état ou par profession, soit en raison d’une fonction ou d’une mission temporaire, est punie d’un an d’emprisonnement et de 15.000 € d’amende »

Cet article exige donc qu’une condition préalable soit remplie, que l’auteur de la révélation soit tenu au secret, du fait de sa profession, de sa fonction ou d’une mission temporaire.

Toutes les révélations de confidences ne sont donc pas punissables (Crim. 19 nov. 1985).

Quelles sont les personnes soumises au secret professionnel ?

Les avocats (article 66-5 de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971), le secret couvrant toutes les confidences que ceux-ci peuvent recevoir du fait de leur état ou de leur profession (Civ. 1re, 7 juin 1983), mais également les correspondances échangées entre l’avocat et son client (Civ. 2e, 7 nov. 1994)

Les médecins (article L. 1110-4 du Code de la santé publique), de manière générale et absolue. Selon la jurisprudence, les médecins ne peuvent être affranchis de cette obligation, sauf lorsque la loi en dispose autrement (Crim. 8 mai 1947). Viole le secret professionnel le médecin qui révèle des informations sur l’état de santé d’une personne, sans que ces informations ne permettent de connaitre la nature de la maladie dont le patient est atteint (Crim. 27 juin 1967).

Les ministres des cultes sont tenus de garder le secret sur les révélations qui leur sont faites du fait de leur fonction, notamment dans le cadre de la confession (Crim. 4 déc. 1891).

Les banquiers (article L. 511-33 du Code monétaire et financier), qui ne peuvent communiquer à l’un de leurs clients des informations sur la solvabilité d’un autre client (Com. 18 sept. 2007).

Les notaires (article 55 et 56 combinés de la loi n°71-1130 du 31 décembre 1971) dépositaires par état ou par profession des secrets recueillis dans ce cadre (Crim. 7 avr. 1870).

Les fonctionnaires de police, concernant les informations dont ils ont connaissance dans l’exercice de leur profession, et auxquelles la loi a conféré un caractère confidentiel (Crim. 26 oct. 1995).

Il s’agit des principales professions ou fonctions visées par la jurisprudence, qui ne constitue pas une liste exhaustive.

Selon la jurisprudence, cette obligation de garder le secret professionnel s’explique par la volonté d’assurer « la sécurité des confidences », « qu’un particulier est dans la nécessité de faire à une personne dont l’état ou la profession, dans un intérêt général et d’ordre public, fait d’elle un confident nécessaire ». (Crim. 19 nov. 1985)

II. L’élément matériel de la violation du secret professionnel.

L’élément matériel de la violation du secret professionnel est constitué par la révélation d’une information à caractère secret.

A. La révélation.

La révélation à une seule personne, fut-elle elle-même tenue au secret professionnel, est suffisante pour que l’un des éléments matériels soit constitué. Il n’y a donc pas besoin de rapporter la preuve de la divulgation de l’information à plusieurs personnes (Crim. 21 nov. 1874, Crim. 16 mai 2000).

Par ailleurs, la connaissance des faits couverts par le secret professionnel par d’autres personnes ne leur enlève pas leur caractère secret (Crim. 22 nov. 1994, Crim. 16 mai 2000). Ainsi, quelque soit le nombre de personnes ayant connaissance des faits couverts par le secret, le professionnel qui en est le dépositaire reste tenu par celui-ci.

B. L’information couverte par le secret.

La jurisprudence retient une conception large du secret, qui peut être expressément révélé par le client ou le patient mais également déduit ou constaté par le professionnel soumis au secret (Crim. 17 mai 1973).

III. L’élément moral de la violation du secret professionnel.

L’auteur de la révélation doit être un professionnel tenu au secret, du fait de ses fonctions, de par son état ou ses fonctions et avoir la volonté de révéler le secret.

L’infraction écarte donc la révélation du fait d’une négligence.

La jurisprudence précise également que l’intention de nuire n’est pas requise afin que l’élément moral soit constitué (Crim. 15 déc. 1885). Le mobile de la révélation, dès lors qu’elle est intentionnelle, est indifférent (Crim. 7 mars 1989).

IV. Répression.

Le délit de violation du secret professionnel est un délit instantané, quelque soit la durée de ses effets dans le temps (Crim. 30 avr. 1968).

Le point de départ du délai de prescription de la violation du secret professionnel est la date de consommation de l’infraction et non pas la date à laquelle elle a été constatée (Crim. 8 nov. 2005). L’auteur encourt une peine d’un an d’emprisonnement et de 15.000 € d’amende (article 226-13 du code pénal).

Les articles 226-31 et 131-26 du Code pénal prévoient également à titre de peine complémentaire une interdiction des droits civiques, civils et de famille d’une durée de cinq ans. Peut également être prononcée à titre de peine complémentaire une interdiction définitive ou inférieure à cinq ans d’exercice une activité professionnelle ou sociale en lien avec l’infraction (articles 226-31 et 131-27 du Code pénal).

Les personnes morales peuvent également être poursuivies pour des faits de violation du secret professionnel et encourent alors une peine d’amende de 75.000 euros d’amende (articles 131-38 et 131-41 du Code pénal).

V. Justification.

Le premier alinéa de l’article 226-14 prévoit qu’il n’y a pas de violation du secret professionnel dans les cas où la loi « impose ou autorise la révélation ».

A. L’autorisation de révéler le secret.

1. Durant l’enquête.

Toute personne, y compris celles tenues au secret professionnel, doivent répondre aux réquisitions des OPJ ou du Procureur de la République durant l’enquête, sous peine d’engager leur responsabilité professionnelle. Toutefois, les médecins, journalistes, avocats, notaires ou huissier peuvent refuser de répondre, sans qu’ils ne puissent faire l’objet de poursuites pénales selon l’article 60-1 et 77-1-1 du Code de procédure pénale.

2. En tant que témoin.

L’article 109 du Code de procédure pénale impose à toute personne citée comme témoin de comparaître, prêter serment et déposer, sous réserve du secret professionnel. Les journalistes bénéficient également de la protection de leurs sources, au titre de l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881.

3. Afin d’assurer sa défense.

La jurisprudence consacre également la possibilité de divulguer une information placée sous le sceau du secret professionnel pour assurer les droits de la défense du détenteur du secret (Crim. 29 mai 1989). Un salarié peut ainsi produire dans un litige qui l’oppose à son employeur des documents dont il a eu connaissance à l’occasion de ses fonctions (Soc. 30 juin 2004).

De même, l’article 35 de la loi du 29 juillet 1881 prévoit que dans le cadre de poursuites pour diffamation, le prévenu peut produire des pièces pour sa défense provenant d’une violation du secret professionnel ou de l’enquête, sans qu’il ne puisse être poursuivi, si ces pièces permettent d’établir sa bonne foi ou la vérité des faits diffamatoires.

4. Afin de dénoncer une infraction ou une situation présentant un danger.

L’article 434-11 du Code pénal prévoit une obligation de témoigner en faveur d’un innocent, l’article 434-1 du code pénal impose de dénoncer un crime « dont il est encore possible de prévenir ou limiter les effets ou dont les auteurs sont susceptibles de commettre de nouveaux crimes qui pourraient être empêchés ». Enfin l’article 434-3 du code pénal prévoit une obligation d’informer les autorités judiciaires ou administratives des mauvais traitements ou d’atteinte sexuelles sur un mineur de 15 ans.
Il s’agit toutefois d’une faculté et non pas d’une obligation pour les personnes tenues au secret professionnel.

Celles-ci peuvent décider de rompre le secret dans les conditions prévues à l’article 226-14 du Code pénal, qui dispose :

« L’article 226-13 n’est pas applicable dans les cas où la loi impose ou autorise la révélation du secret. En outre, il n’est pas applicable :

1° A celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de privations ou de sévices, y compris lorsqu’il s’agit d’atteintes ou mutilations sexuelles, dont il a eu connaissance et qui ont été infligées à un mineur ou à une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique ;

2° Au médecin ou à tout autre professionnel de santé qui, avec l’accord de la victime, porte à la connaissance du procureur de la République ou de la cellule de recueil, de traitement et d’évaluation des informations préoccupantes relatives aux mineurs en danger ou qui risquent de l’être, mentionnée au deuxième alinéa de l’article L. 226-3 du code de l’action sociale et des familles, les sévices ou privations qu’il a constatés, sur le plan physique ou psychique, dans l’exercice de sa profession et qui lui permettent de présumer que des violences physiques, sexuelles ou psychiques de toute nature ont été commises. Lorsque la victime est un mineur ou une personne qui n’est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique, son accord n’est pas nécessaire ;

3° Aux professionnels de la santé ou de l’action sociale qui informent le préfet et, à Paris, le préfet de police du caractère dangereux pour elles-mêmes ou pour autrui des personnes qui les consultent et dont ils savent qu’elles détiennent une arme ou qu’elles ont manifesté leur intention d’en acquérir une.

Le signalement aux autorités compétentes effectué dans les conditions prévues au présent article ne peut engager la responsabilité civile, pénale ou disciplinaire de son auteur, sauf s’il est établi qu’il n’a pas agi de bonne foi. »

B. L’obligation de révéler le secret.

L’article 40 du Code de procédure pénale dispose que toute autorité constituée, tout officier de public ou fonctionnaire, qui dans l’exercice de ses fonctions acquiert la connaissance d’un crime ou d’un délit, d’en informer le Procureur de la République.

Une obligation similaire est faites aux personnes qui « réalisent, contrôlent ou conseillent des opérations entraînant des mouvements de capitaux », qui sont « tenues de déclarer au Procureur de la République les opérations portant sur des sommes qu’elles savent provenir du trafic de stupéfiants ou de l’activité d’organisation criminelles » (article L. 561-1 du Code monétaire et financier).

Le secret professionnel et notamment le secret bancaire ne peut être opposé aux OPJ ou au Procureur de la République pendant l’enquête (Crim. 27 avr. 1994). Il peut néanmoins être opposé au juge civil (Com. 13 juin 1995).

Avi Bitton Avocat, Ancien Membre du Conseil de l’Ordre [->avocat@avibitton.com] [->https://www.avibitton.com]