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Le droit des sociétés au service du lobbying. Par Francis Baillet, Avocat.
Parution : vendredi 25 octobre 2019
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Lobbying et société : quelle structure pour quelle mission ?
L’utilisation de la société en participation régie par le code civil est trop méconnue : pourquoi ne pas l’utiliser pour des missions de lobbying ?

Simplicité, discrétion, souplesse sont les maîtres mots de la société en participation.

L’article 1871 du Code civil prévoit que « les associés peuvent convenir que la société ne sera point immatriculée. La société est dite alors « société en participation ». Elle n’est pas une personne morale et n’est pas soumise à publicité. Elle peut être prouvée par tous moyens. Les associés conviennent librement de l’objet, du fonctionnement et des conditions de la société en participation… ».
Il s’agit donc d’un contrat entre au moins deux personnes physiques ou morales, sans qu’elles aient nécessairement de capacité commerciale si l’objet de la société est civil mais avec une capacité commerciale si l’objet est lui-même commercial. Les apports sont faits en nature, en numéraire, voire en industrie ; certains biens peuvent être mis en indivision et à disposition de la société en participation.

La société en participation est donc idéale pour mutualiser les coûts et les objectifs d’une mission de lobbying confiée à un cabinet de lobbying. Dans un marché très concurrentiel, certains acteurs d’un même secteur peuvent trouver opportun d’élaborer une stratégie d’influence commune en vue de les représenter auprès des pouvoirs publics.
Ainsi, la souplesse conférée à la société en participation permet même d’être occulte ou ostensible.
Si les associés de la société en participation (par ex. un regroupement d’acteurs d’un même secteur économique) souhaitent agir et faire du lobbying en toute confidentialité vis-à-vis de leurs concurrents, ils peuvent choisir que la société en participation soit occulte à l’égard des tiers. Mais, dans ce cas, la règle veut que chaque associé contracte en son nom personnel et est seul engagé à l’égard des tiers (article 1872-1 du code civil). Aussi, afin de pallier cette règle, il est possible que les statuts désignent un « gérant » avec une mission plus étendue que celle d’administrer, voire de lui établir un mandat spécial si la mission de lobbying comporte différents volets de représentation en affaires publiques.

Les associés – dans la mission de lobbying – peuvent aussi choisir d’être ostensiblement visibles. C’est le cas, lorsque les associés souhaitent que le lobbying soit aussi l’occasion de réaliser une communication institutionnelle. Par exemple, le projet de loi sur l’économie circulaire (actuellement à l’étude à l’Assemblée Nationale) ou la Directive « SUP » sur les plastiques à usage unique fixant des obligations différentes selon les types de produits, sont idéales pour établir une communication institutionnelle.

Dans un contexte où l’économie circulaire et l’économie verte deviennent de plus en plus « marketing », la communication rejoint l’intérêt général, d’où l’évidence d’une communication dite institutionnelle en harmonie avec la mission de lobbying menée par un cabinet de lobbying.
Le choix du caractère ostensible – donc révélé aux tiers – évite que les démarches de lobbying soient considérées par les pouvoirs publics, les associations de consommateurs ou les associations de lutte contre la corruption (ANTICOR, Transparency International) comme trop individualistes, donc partisanes.

L’utilisation de la société en participation dans le lobbying peut encore être déclinée selon la théorie des « sous-sociétés en participation ». En d’autres termes, il s’agirait d’élaborer un contrat dans le contrat. Il en serait ainsi lorsque que des entreprises d’un secteur économique ont différentes spécialités ; dans ce cas, elles peuvent être représentées pour des missions de lobbying différentes, en fonction de l’avancée de l’état législatif ou réglementaire, donc selon des objectifs propres à leur secteur d’activité ou à leur filière.

A l’heure où dans le microcosme ambiant, le soupçon est érigé en valeur cardinale, mieux vaut ne jamais oublier l’intérêt général dans toute démarche de lobbying. En ce sens, la société en participation telle que régie par le Code napoléonien est un outil moderne et adapté pour un lobbying éthique et responsable.

Francis Baillet - Avocat au barreau de Paris Baillet Dulieu Associés [->http://www.baillet-dulieu-avocats.com]
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