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L’importance des conditions générales de vente pour les e-commerçants. Par Rafael Dias Martins de Paiva, Avocat.
Parution : vendredi 25 octobre 2019
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Le commerce électronique est en expansion constante. Pourtant, les e-commerçants négligent parfois leurs conditions générales de vente, ce qui génère des risques juridiques importants. Or, des conditions générales de vente soignées inspirent confiance au client, diminuent les risques de litiges et sont une opportunité de (ré)penser son modèle et le communiquer aux clients et investisseurs potentiels.

Le commerce électronique se porte bien. En 2018, selon la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (Fevad), le chiffre d’affaires du secteur aurait été de 92,6 milliards d’euros, un chiffre en croissance de 13,4% par rapport à 2017. Si autrefois les internautes avaient des craintes concernant la sécurité de leurs achats en ligne, aujourd’hui près de 9 internautes sur 10 achètent sur Internet. Dans ce contexte, la France a une place importante, étant le deuxième marché e-commerce d’Europe après le Royaume-Uni (Les chiffre clés de 2019, Fevad).

Il est facile de comprendre les raisons de cette croissance rapide de l’offre en e-commerce. Les coûts fixes d’une boutique en ligne sont modérés par rapport à ceux des magasins physiques. Les connaissances techniques nécessaires sont rendues toujours plus accessibles. Des solutions d’e-commerce clé-en-main existent, en général sous forme de « logiciel en tant que service », ou SaaS pour le sigle en anglais.

Avec des barrières financières et techniques d’entrée sur le marché aisément franchissables, il est tentant, notamment pour les TPE/PME, de se lancer dans l’e-commerce pour « tester » une idée ou un produit, en ne prenant qu’un risque contrôlé.

Pourtant une pratique répandue dans l’e-commerce génère des risques juridiques inutiles. La question des conditions générales de vente (« CGV ») est souvent sous-estimée par les e-commerçants. Beaucoup d’entrepreneurs les rédigent eux-mêmes, en « s’inspirant » des dispositions des sites concurrents. Au-delà des problèmes de propriété intellectuelle que cela pose, la pratique permet à des CGV abusives, inefficaces, inadaptées et mal rédigées de se reproduire et de se multiplier sur internet.

D’autres entrepreneurs, conscients de leurs limites, ont recours à des modèles achetés sur des plateformes de « services juridiques en ligne ». Taper « conditions générales de vente » sur un moteur de recherche vous donnera des résultats promettant des CGV « gratuit », « 100 % en ligne », « simple », « rapide », « prêt à télécharger en 2 min. », etc. Or, ces plateformes sont souvent accusées d’exercice illégal du métier d’avocat par les organisations professionnelles de ces derniers. En effet, il est rare que des avocats soient à l’origine ou contrôlent ces sites, qui n’offrent que peu de garantie en termes de compétence et de déontologie.

Outre le fait que la « solution » proposée n’est pas adaptée à l’activité spécifique du e-commerçant qui y a recours (du prêt-à-porter plutôt que du sur-mesure), ces modèles abondent souvent de clauses abusives qui seront réputées non-écrites, et omettent, dans le même temps, des mentions obligatoires telles que, pour les consommateurs, la possibilité d’avoir recours à un médiateur, les délais de livraison, ou le droit de rétractation.

Dans un sens, cette démarche est encore plus risquée que la précédente, celle du do it yourself, car l’e-commerçant a l’impression d’avoir été assisté et d’être protégé. Les entrepreneurs sur Internet ont tout intérêt à prendre le sujet sérieusement, car les risques juridiques sont nombreux, et le fait d’être en conformité présente des avantages certains.

Des risques juridiques nombreux.

Lorsque les complexités du cadre légal applicable aux entreprises de l’e-commerce ne sont pas dûment prises en compte, les risques juridiques sont nombreux.

D’abord, l’entreprise de commerce électronique est susceptible d’être contrôlée par plusieurs autorités administratives. Ainsi, pour ne citer que deux, le Centre de surveillance du commerce électronique (CSCE), service de la DGCCRF, pour ce qui est des pratiques commerciales, ou bien encore la CNIL pour le traitement des données.

Ensuite, des pratiques commerciales déloyales à grande échelle peuvent donner lieu à des poursuites pénales, y compris lorsque leur caractère « déloyal » ne saute pas nécessairement aux yeux de l’entrepreneur. Elles peuvent également donner lieu à des demandes en justice de la part des concurrents.

Enfin, en hypothèse de litige avec les clients, des CGV mal rédigées ne protégeront pas l’e-commerçant. Par exemple, entre professionnels, une clause de limitation de responsabilité draconienne pourra être réputée non-écrite, là où une clause plus modérée ne le serait pas, et donc limiterait les dommages-intérêts efficacement.

L’intérêt de mettre ses CGV en conformité.

Les avantages d’être en conformité sont multiples. Bien sûr, cela permet d’exclure ou de réduire les risques juridiques mentionnés ci-dessus. Cependant, ce n’est pas là le seul avantage.

Tout d’abord, des CGV bien rédigées réduisent le risque de litiges avec les clients, leurs droits et obligations étant fixés à l’avance et expliqués clairement. Elles servent même la marque, donnant une image professionnelle et inspirant confiance au client. Les CGV peuvent aussi mettre en avant des arguments de vente, par exemple un délai de rétractation plus important que celui imposé par la loi.

Ensuite, pour les start-ups, la rédaction des CGV/CGS/CGU avec l’assistance d’un professionnel est souvent une opportunité de repenser ou de préciser leur modèle avant de lancer leur produit sur le marché. En effet, c’est à ce moment que certains entrepreneurs se rendent compte de contraintes réglementaires, qui peuvent les amener à changer légèrement de stratégie, ou à « pivoter ».

Enfin, à l’égard de potentiels investisseurs, les CGV permettent de comprendre l’activité, de mesurer les risques et d’apprécier la structure déjà mise en place par l’e-commerçant.

Dès lors, les e-commerçants ont tout intérêt à prendre ce sujet sérieusement et à consulter un avocat pour les y assister.

Rafael Dias Martins de Paiva Avocat au barreau de Paris [->https://www.martinsdepaiva.com]