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Année Lombarde, coup de tonnerre pour les banques ! Par Hervé Brosseau, Avocat.
Parution : mercredi 13 novembre 2019
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En jugeant que la convention de calcul 30/360 (convention dite d’année lombarde) n’est pas nulle (Cour d’appel de Besançon, 1ère chambre, 5 novembre 2019, n° 18/01455) mais une clause abusive entraînant la déchéance des intérêts, la cour d’appel de Besançon (Cour d’appel de Besançon, 1ère chambre, 8 octobre 2019, n° 18/01156), la même formation de Jugement, saisie de l’appel d’une même banque, montre la direction à suivre.

En moins d’un mois, la même Cour d’Appel (même formation de Jugement, même clause), aura repeint et donné de belles couleurs à la question qui taraude tout emprunteur flanqué d’une disposition sur la méthode utilisé pour calculer les intérêts de son crédit : ai-je mes chances ?

L’arrêt rendu le 5 novembre 2019, est dans "l’épure" : Pas de nullité, ni de report en avant du point de départ de la prescription, puisque c’est écrit noir sur blanc vos intérêts seront calculés au moyen d’années comptés pour 360 jours, et de mois comptés pour 30 jours seulement.

L’arrêt rendu par la Cour d’Appel de Besançon le 8 octobre 2019, est en revanche particulièrement remarquable, et ses conséquences sont singulièrement importantes pour les emprunteurs.

En période de taux de refinancement négatifs, il "tombe" bien mal pour les banques.

Après des années d’engagement judiciaire du cabinet pour la reconnaissance du caractère abusif de cette clause, une décision parfaitement motivée, fait résonner un coup de tonnerre dans le ciel bancaire.

Comme le souligne l’un de nos confrères dans le billet qu’il consacre à cette décision, nous avions déjà obtenu que la recommandation (Recomm. n°2005-02, 14 avr. 2005) ; TGI Metz, 21 févr. 2019, n° 2017/471) de la Commission des clauses abusives, émise en matière de compte de dépôt à vue, soit déclarée pleinement applicable aux crédits immobiliers (Le Tribunal avait néanmoins annulé la stipulation d’intérêts sur un autre fondement dans cette affaire).

La Cour reprend l’un de nos principaux arguments : "si cette recommandation vise les contrats d’ouverture de comptes de dépôt, elle est nécessairement transposable aux calculs d’intérêts faisant intervenir un taux quotidien, tels les intérêts intercalaires des prêts immobiliers". (Voir la formule - ardue - de calcul des taux quotidiens sur le site du cabinet [1]).

L’arrêt estime, et c’est courageux, que "la référence à l’année lombarde prive l’emprunteur de calculer le "surcoût clandestin", qui s’en infère, ce qui pour être parfaitement exact, n’en demeure pas moins une formulation, disons ... ambitieuse.

L’intérêt majeur de cette décision est ailleurs, néanmoins.

Il siège dans l’affirmation que la stipulation de calcul des intérêts sur des années comptées pour 360 jours seulement, forme "un tout indivisible" avec le reste de la stipulation d’intérêts, et notamment la stipulation de taux. En conséquence, la Cour ordonne le retour à l’intérêt légal pour tout le crédit, depuis le départ.

Notre cabinet plaide depuis de nombreuses années pour que cette sanction soit prononcée, puisqu’en effet, si les intérêts facturés et prélevés par la banque sont majorés lorsque qu’ils sont calculés sur la base d’un taux quotidien (et ce n’est pas théorique, les hypothèses sont multiples dans la vie du prêt d’argent), les autres taux, le TEG ou le TAEG sont également inexacts.

Tout d’abord parce que, si comme le plaident les banques concernées, le reste des échéances (celles qui ne font pas appel à un taux quotidien) est calculé sur une base de 365 jours, le TEG est alors obtenu à partir d’une période qui n’est pas "unitaire". Ce qui viole frontalement la méthode imposée par la loi.

Ensuite, par ce que le résultat obtenu pour calculer le TEG en "base 360" est minoré - ce qui n’impacte cependant pas toujours la décimale - de (12,6667-12)/12.

Pour que la stipulation d’année lombarde n’ai aucun incidence sur le TEG, un Magistrat (Gérard BIARDEAUD - "les calculs financiers du juriste" - Berger Levrault - "Le décalage de la première mensualité", p.41) explique que le prêteur devrait actualiser le calculs des intérêts des périodes incomplètes selon l’une des deux méthodes données par l’exemple 5bis de l’annexe à l’article R.314-3.

Ce qu’aucune banque ne fait.

Clause ou pas, il y a bien un abus, qui reste parfaitement invisible pour l’emprunteur tant que le contrat ne le lui indique pas. La nullité peut être tentée dans les délais de prescription. En présence d’une clause explicite, ce sont les dispositions de l’article L 212-1 qu’il faut sortir de sa manche, la jurisprudence européenne et celle de la Cour de Cassation sur l’imprescriptibilité de cette demande.

Finalement, rien ne sert de courir, il faut partir à point.

Hervé Brosseau, Avocat. [->https://www.avocat-taeg.com]