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Affaire des prothèses PIP : l’Etat encore condamné. Par Jacques Gobert et François Morabito, Avocats.
Parution : mercredi 20 novembre 2019
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Par un jugement du Tribunal administratif de Besançon du 12 novembre 2019 (n° 1701712), l’Etat a été à nouveau condamné à indemniser une victime des prothèses mammaires de marque PIP (Poly Implant Prothèse).

Dans le prolongement du jugement du 9 mai 2019 (n° 1703560) par lequel le Tribunal Administratif d’Orléans avait condamné l’Etat à indemniser une victime des prothèses mammaires PIP, le Tribunal administratif de Besançon confirme la jurisprudence du Tribunal administratif de Montreuil du 29 janvier 2019 selon laquelle l’Etat s’est fautivement abstenu d’agir entre avril 2009 et décembre 2009 dans l’exercice de sa mission de contrôle de police sanitaire des activités de la société PIP.

1) L’Etat est condamné pour carence fautive.

Saisi par une victime s’étant faite implanter le 30 novembre 2009 des prothèses de la marque PIP, le Tribunal s’est prononcé sur la responsabilité de l’Etat sur la période précédant la suspension de la mise sur le marché de ces prothèses par une décision du 29 mars 2010 du directeur général de l’AFSSAPS (devenue l’ANSM en 2012).

Le Tribunal administratif de Besançon relève que l’AFSSAPS, bien qu’ayant connaissance d’une forte augmentation du nombre de signalements de matériovigilance concernant les prothèses PIP, n’a entrepris des démarches de vérification auprès de la société PIP qu’à compter du 18 décembre 2009… «  après notamment une intervention directe du directeur général de l’agence à la suite d’informations parvenues à ce dernier de la part d’un chirurgien sénologue de sa connaissance  ».

Pour que l’AFSSAPS réagisse enfin, il a fallu attendre l’intervention directe du directeur général de l’agence, qui avait reçu personnellement des informations de la part d’un chirurgien sénologue de sa connaissance !

2) Sur l’absence de cause exonératoire de la responsabilité de l’Etat.

Le Tribunal administratif de Besançon a rappelé que nonobstant les « déclarations mensongères » de la société PIP quant à la nature du liquide de remplissage des implants qu’elle fabriquait, induisant ainsi en erreur sur la conformité du produit utilisé, tant l’organisme certificateur TUV que les autorités sanitaires :

«  il incombait à l’AFSSAPS , dans le cadre de sa mission de surveillance des dispositifs médicaux que constituent les implants mammaires, de déjouer ce type de tromperie, en mettant en œuvre sans délai les moyens de contrôle à sa disposition en cas notamment de signalement de matériovigilance, afin de préserver la santé publique. »

Le juge en conclut que malgré la fraude orchestrée par la société PIP, l’Etat est entièrement responsable de sa carence fautive :

«  les agissements de la société PIP , que la police sanitaire a justement pour objet d’empêcher, ne sont pas de nature à exonérer, même partiellement, l’Etat de sa responsabilité et donc de l’obligation de réparer les préjudices subis par Mme Bougerol. »

3) Sur les préjudices de la victime.

Le Tribunal a estimé que « l’incertitude » dans laquelle a été placée la victime, en apprenant « l’existence d’éventuelles défectuosités de ses implants », a provoqué chez elle une « angoisse » lui causant un «  préjudice moral en lien direct et certain avec la carence fautive de l’Etat  ».

L’Etat a donc été condamné à réparer le préjudice moral de la victime ainsi qu’à rembourser les frais d’expertise judiciaire, outre les frais irrépétibles.

4) Les autres scandales sanitaires.

Dans l’affaire du Mediator, l’Etat a été condamné par le tribunal administratif de Paris à indemniser une victime atteinte de pathologies cardiaques en raison de l’absorption de Mediator [1] :

« Il a été établi que l’ANSM n’avait pas, à compter des premières alertes de 1995 et jusqu’en 2009, accompli les diligences normales compte tenu de la nature de sa mission, de ses compétences, du pouvoir et des moyens dont elle disposait [2] »

Plus généralement, l’enquête internationale des «  Implant files  » pointe :
- « les incroyables lacunes de la surveillance en France [3] »
- « De graves déficiences empêchent de détecter les effets indésirables des prothèses de hanche, des implants mammaires ou des pacemakers » [4].

Face aux scandales sanitaires découverts ou futurs, les victimes ont intérêt à se regrouper au sein d’une association ou d’un collectif pour exercer une action collective à l’encontre des responsables tel que l’Etat. Les victimes amélioreront alors leur chance d’obtenir réparation de leurs préjudices.

5) En conclusion.

Par un jugement du Tribunal Administratif de Besançon du 12 novembre 2019, l’Etat a été condamné à indemniser une nouvelle victime des prothèses mammaires PIP pour carence fautive dans l’exercice de sa mission de contrôle de police sanitaire des activités de la société PIP.

A la lumière des missions distinctes de l’organisme certificateur TUV et de l’AFSSAPS ainsi que des décisions rendues par les juridictions administratives, les victimes des prothèses mammaires PIP pouvaient, dès le départ, rechercher la responsabilité de l’Etat pour carence fautive devant le Juge administratif.

D’après plusieurs éléments dans ce dossier, il est possible de soutenir que l’AFSSAPS aurait dû agir dès le 18 avril 2001, date de levée de la suspension de mise en circulation des prothèses mammaires PIP (au regard du passif de la société PIP, de la fraude rudimentaire de la société PIP, de la matériovigilance inquiétante, etc.).

Les autres victimes, qui n’ont pas encore engagé de procédure en responsabilité contre l’Etat, pourraient entreprendre aujourd’hui ce type d’action, sous réserve de la prescription quadriennale.

Il leur est conseillé de se regrouper pour exercer une action collective à l’encontre de l’Etat, avec l’expertise d’un cabinet d’avocats spécialisé.

Me Jacques Gobert, avocat associé de la SCP Gobert & Associés
François Morabito, avocat associé de la SCP Gobert & Associés

Me PION - Me JERVOLINO - Me BAYLOT - Me MORABITO Cabinet GOBERT ET ASSOCIES Avocats Associés www.gobert-associes.fr Tel : 04 91 54 73 51

[2Article du journal Le Monde.

[3Article du journal le Monde à lire ici.

[4Article du journal Le Monde à lire ici.