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Acquisition et transmission d’un vignoble : quelle procédure bien maitriser pour une bonne rentabilité ? Par Benoit Henry, Avocat.
Parution : mardi 19 novembre 2019
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La vigne française attire de plus en plus d’investisseurs. En tout, le vignoble français représente 700.000 hectares et chaque année environ 2 % à 3 % des surfaces changent de main, soit environ 500 ventes de propriétés.
85 % du vignoble se négocie entre 18.000 et 22.000 euros par hectare avec une valeur moyenne légèrement au-dessus de 20.000 euros. Les ventes de crus et de vignes aux belles étiquettes ne représentent que 15 % du marché en volume. Quant aux quelques transactions à plusieurs dizaines de millions d’euros, elles représentent à peine 1 % des ventes annuelles en volume.
Investir dans un vignoble est donc une façon de diversifier son patrimoine en alliant rentabilité, fiscalité allégée et épicurisme. Un vrai placement plaisir.
Mais attention, le secteur viticole est en pleine mutation avec de nouveaux enjeux liés au développement de la protection de l’environnement et à l’apparition de vins biologiques et biodynamiques. Cette situation soulève pour un acquéreur des enjeux juridiques à considérer avec attention.

L’exploitation d’un vignoble obéit à des règles de production et de commercialisation qu’il faut bien maîtriser pour assurer une bonne rentabilité.

Posséder une vigne, c’est gérer une entreprise.

Il est indispensable d’être bien conseillé et guidé dans ses choix et de connaître les paramètres juridiques et fiscaux de la cession et de la transmission du patrimoine et plus particulièrement de l’exploitation viticole.

I - Une phase préparatoire de vérification.

1° - Un audit réglementaire et de qualité.

En complément des vérifications d’usage applicables à toute acquisition , il est fortement recommandé à un acquéreur de faire réaliser des vérifications spécifiques, intrinsèquement liées aux particularités d’un domaine viticole et notamment un audit réglementaire et de qualité, diligenté par un oenologue afin de certifier les qualités objectives de la propriété par parcelle de vignes (terroirs, plantations), la conformité des règles spécifiques au vignoble (AOC, cépages) et la qualité de la production.

2° - Un audit immobilier et environnemental.

Un audit immobilier et environnemental confirmera le périmètre de l’acquisition et le respect des règles environnementales (effluents vinicoles, stockage des produits phytosanitaires, pollutions atmosphériques…).

3° - Un audit des marques et des signes distinctifs.

Un audit de la marque et des signes distinctifs utilisés par l’exploitation viticole permettra d’inventorier les marques utilisées et/ou déposées par l’exploitant et vérifier le respect des règles applicables en matière d’étiquetage.

II - La structuration de l’acquisition.

Après confirmation de l’intérêt de l’acquéreur, plusieurs options de structuration de l’acquisition seront envisageables en considération des enjeux financiers, fiscaux et patrimoniaux de l’acquéreur.

Certains schémas permettent d’optimiser la rentabilité de l’exploitation, favorisent la recherche de capitaux ou la transmission patrimoniale.

L’acquisition pourra porter sur les actifs immobiliers et mobiliers du domaine viticole.
L’intérêt de ce schéma sera de ne pas reprendre les passifs liés à l’exploitation du précédent propriétaire.

Cette opération sera, sauf exception, soumise à l’obtention d’une autorisation d’exploiter au titre du contrôle des structures agricoles et à l’agrément de la société d’aménagement foncier et d’établissement rural (Safer).

Une autre option consisterait à acquérir les titres de la société exploitant le domaine agricole et/ou détenant l’immobilier.

Très souvent, les domaines viticoles dissocient l’exploitation agricole du patrimoine foncier, avec une société d’exploitation et une société détenant le patrimoine foncier (GFA).

Dans cette hypothèse, l’autorisation du contrôle des structures agricoles et le droit de préemption de la Safer s’appliqueront uniquement au transfert des titres de l’entité juridique dans laquelle est logé le patrimoine foncier (GFA).

En fonction de la structuration choisie, la documentation juridique organisera les conditions et les modalités du transfert de propriété de l’exploitation agricole négociées entre les parties (conditions de financement, complément de prix, garantie actif/passif, etc.).

III- Le plus simple acheter des parts d’un groupement foncier viticole.

1° - Acheter des parts d’un (GFV), c’est devenir associé et, à ce titre, percevoir des dividendes en fonction du nombre de parts détenues.

Le (GFV) est une société civile ayant pour objet d’acquérir puis de louer des vignobles à des viticulteurs professionnels via un bail rural à long terme.

Les vignobles d’un (GFV) sont souvent de haute qualité et sont sélectionnés selon plusieurs critères tels que la situation, la réputation, la notoriété de l’appellation, le classement de la propriété, les projets de développement.

2° - Acheter des parts d’un (GFV) c’est aussi participer à l’essor économique d’une région, d’une terre agricole, d’un vignoble de qualité.

Pour les amateurs de vin, un des petits "plus" du GFV est de pouvoir percevoir également des dividendes "en nature". En clair, en fonction des résultats de l’année, ils peuvent espérer percevoir également des bouteilles de vin du domaine ou en acheter à un "tarif préférentiel".

Mais attention, il faut savoir que le capital investi en parts de (GFV) n’est pas garanti.

3° - Fiscalement, l’administration fiscale privilégie ce type de placement en évitant de le pénaliser.

En effet, les revenus issus du (GFV) sont imposés en tant que revenus fonciers et, à ce titre, sont soumis au régime de droit commun.

Si le total des revenus fonciers bruts du contribuable ne dépassent pas 15 000 euros par an, l’investisseur peut profiter du régime micro-foncier avec l’application d’un abattement forfaitaire de 30 % sur les loyers perçus.

Si l’investisseur est soumis à l’IFI (Impôt sur la fortune immobilière), il peut bénéficier d’une exonération de 75 % sur la valeur des parts de (GFV) dans la limite de 101 897 euros et à hauteur de 50 % au-delà. Le bénéfice de cette exonération est accordé aux parts détenues depuis plus de deux ans.

C’est pourquoi les détenteurs de parts de (GFV) bénéficient d’un régime favorable notamment en cas de transmission. Toute mutation à titre gratuit (succession ou donation) est exonérée de droits à hauteur de 75 % du montant transmis dans la limite de 101 897 euros par bénéficiaire, et de la moitié au-delà de ce seuil.

Cette exonération est soumise à conditions : les parts doivent avoir été détenues depuis plus de 2 ans et le bien doit rester la propriété du bénéficiaire de la transmission à titre gratuit pendant 5 ans à compter de cette transmission.

En cas de vente, les plus-values éventuellement réalisées à la revente seront taxées au titre des plus-values immobilières.

La plus-value de cession fiscalement imposable est réduite d’un abattement sur la base de :
• 2 % par an de la 6e à la 17e année de détention ;
• 4 % par an de la 18e à la 24e année de détention ;
• 8 % par an à partir de la 25e année de détention.

Conclusion.

La connaissance du vin et de la vigne permet d’apporter une analyse de l’existant et de la valeur de la propriété en vue de déterminer l’évaluation financière de l’entreprise ou de la marque ou de la propriété.

Il est donc fortement recommandé à un acquéreur de faire réaliser des vérifications spécifiques, intrinsèquement liées aux particularités d’un domaine viticole, et en complément à un audit de benchmarking et de procéder à l’analyse fonctionnelle qui analyse la gestion et le mode de fonctionnement du domaine afin d’optimiser et mieux maîtriser l’ensemble de l’opération, ainsi qu’à un audit d’exitstrategy dans le cadre de la restructuration de l’entreprise.

Toutes ces vérifications sont indispensables pour confirmer la valorisation retenue par l’acquéreur et lui assurer une exploitation paisible.

Le plus simple est d’investir dans un Groupement foncier viticole et de devenir propriétaire sans se soucier de la gestion.

La passion du vin sans les désagréments.

L’avantage de ce type de placement réside dans le fait que c’est l’exploitant du Groupement Foncier Viticole qui supporte les risques liés à la production et la commercialisation des vins du domaine.

Quelle que soit la météo et même si la maladie attaque les ceps de vigne, l’investisseur perçoit le loyer de la même façon.

Au surplus, en investissant en (GFV), c’est l’investisseur qui choisit le terroir, le cépage et le cru.

Benoit HENRY, Avocat [->http://www.reseau-recamier.fr/] Président du Réseau RECAMIER Membre de GEMME-MEDIATION https://www.facebook.com/ReseauRecamier/
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