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Quelles sont les critères de définition de la protection européenne des œuvres ? Par Benoit Henry, Avocat.
Parution : lundi 25 novembre 2019
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L’attention doit être attirée sur l’arrêt du 12 septembre 2019 rendu par la Cour de Justice de l’Union Européenne.
La Cour s’oppose à ce que la législation nationale confrère une protection, au titre du droit d’auteur, à des créations de modèles vestimentaires innovants, même lorsque au-delà de leur objectif utilitaire, ceux-ci génèrent un effet visuel propre et notable du point de vue esthétique. En tant que création intellectuelle propre à son auteur, les créations de modèles vestimentaires innovants ne sont pas une "œuvre" protégée au titre du droit d’auteur (Arrêt CJCE du 12 septembre 2019 - Affaire C-683/17 - Cofemel - Vestuario SA).

I - La question posée à la Cour de Justice de l’Union Européenne.

1° - Le litige au principal.

Cofemel et G-Star sont deux sociétés actives dans le secteur de la conception, de la production et de la commercialisation de vêtements.

Depuis les années 90, G-Star exploite, en tant que titulaire ou en vertu de contrats de licence exclusive, les marques G-Star, G-Star Raw, G-Star Denim Raw, GS-Raw, G-Raw et Raw. Les vêtements conçus, produits et commercialisés sous ces marques incluent notamment un modèle de jean dénommé ARC ainsi qu’un modèle de sweatshirt et de tee-shirt dénommé Rowdy.

Cofemel conçoit, produit et commercialise également, sous la marque Tiffosi, des jeans, des sweatshirts et des tee-shirts.

Le 30 août 2013, G-Star a saisi une juridiction portugaise de première instance d’un recours tendant à ce qu’il soit ordonné à Cofemel de cesser de violer ses droits d’auteur et de se livrer à des actes de concurrence déloyale à son égard, ainsi qu’à l’indemniser du préjudice subi de ce fait et, en cas de nouvelle infraction, à lui verser une astreinte journalière jusqu’à la cessation de celle-ci.

Dans le cadre de ce recours, G-Star a notamment fait valoir que certains des modèles de jeans, de sweatshirts et de tee-shirts produits par Cofemel étaient analogues à ses modèles Arc et Rowdy. G-Star a aussi soutenu que ces derniers modèles de vêtements constituaient des créations intellectuelles originales et qu’ils devaient, pour cette raison, être qualifiés d’« œuvres » bénéficiant d’une protection au titre du droit d’auteur.

Cofemel s’est défendue en arguant notamment que lesdits modèles de vêtements ne pouvaient pas être qualifiés d’« oeuvres » bénéficiant d’une telle protection.

La juridiction de première instance saisie par G-Star a partiellement fait droit au recours de cette dernière, en condamnant Cofemel, entre autres, à cesser de violer les droits d’auteur de G-Star, à lui verser une somme correspondant aux bénéfices retirés de la vente des vêtements produits en violation de ces droits d’auteur et à lui payer une astreinte journalière en cas de nouvelle infraction.

Cofemel a interjeté appel de ce jugement devant le Tribunal da Relação de Lisboa (Cour d’appel de Lisbonne, Portugal), qui l’a confirmé. À l’appui de sa décision, cette juridiction a estimé, tout d’abord, que l’article 2, paragraphe 1, sous i), du code des droits d’auteur et des droits connexes devait être compris, à la lumière de la directive 2001/29, telle qu’interprétée par la Cour dans les arrêts du 1er et 16 juillet 2009, Infopaq International (C-5/08, EU:C:2009:465), et du décembre 2011, Painer (C-145/10, EU:C:2011:798), en ce sens que la protection du droit d’auteur bénéficie aux œuvres d’art appliqué, aux dessins ou modèles industriels et aux œuvres de design à la condition que ceux-ci présentent un caractère original, c’est-à-dire qu’ils constituent le résultat d’une création intellectuelle propre à leur auteur, sans que soit exigé un degré particulier de valeur esthétique ou artistique.

Ensuite, ladite juridiction a considéré que, en l’occurrence, les modèles de vêtements Arc et Rowdy de G-Star constituaient des œuvres bénéficiant d’une protection au titre du droit d’auteur.

Enfin, elle a retenu que certains des vêtements produits par Cofemel portaient atteinte aux droits d’auteur de G-Star.

Saisie d’un pourvoi par Cofemel, la juridiction de renvoi, le Supremo Tribunal de Justiça (Cour suprême, Portugal), estime, en premier lieu, qu’il est établi :

- Premièrement, que les modèles de vêtements de G-Star qui sont en cause dans le cadre de ce pourvoi ont été conçus, soit par des designers employés par G-Star, soit par des designers agissant pour le compte de celle-ci et lui ayant contractuellement transmis leurs droits d’auteur.

- Deuxièmement, ces modèles de vêtements seraient le fruit de concepts et de processus de fabrication reconnus comme innovants dans le monde de la mode.

- Troisièmement, ils comporteraient plusieurs éléments spécifiques (forme en trois dimensions, schéma d’assemblage des pièces, emplacement de certaines composantes, etc.), qui auraient pour partie été repris par Cofemel en vue de la confection des vêtements de sa marque.

En second lieu, la juridiction de renvoi relève que l’article 2, paragraphe 1, sous i), du code des droits d’auteur et des droits connexes inclut clairement les œuvres d’art appliqué, les dessins ou modèles industriels et les œuvres de design dans la liste des œuvres bénéficiant d’une protection au titre du droit d’auteur, mais ne précise pas quel degré d’originalité est requis pour que des objets donnés soient qualifiés d’œuvres de ce type.

Elle indique également que cette question, qui est au cœur du litige opposant Cofemel à G-Star, ne fait pas consensus dans la jurisprudence et la doctrine portugaises. Pour cette raison, cette juridiction se demande s’il convient de considérer, à la lumière de l’interprétation de la directive 2001/29 retenue par la Cour dans les arrêts du 16 juillet 2009, Infopaq International (C-5/08, EU:C:2009:465), et du 1er décembre 2011, Painer (C-145/10, EU:C:2011:798), que la protection assurée par le droit d’auteur bénéficie à de telles œuvres au même titre qu’à toute œuvre littéraire et artistique, et donc à la condition qu’elles revêtent un caractère original, en ce sens qu’elles sont le résultat d’une création intellectuelle propre à leur auteur, ou s’il est possible de conditionner l’octroi de cette protection à l’existence d’un degré spécifique de valeur esthétique ou artistique.

C’est dans ces circonstances que le Supremo Tribunal de Justiça (Cour suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) L’interprétation donnée par la Cour à l’article 2, sous a), de la directive 2001/29 s’oppose-t-elle à une législation nationale – en l’espèce, la règle contenue à l’article 2, paragraphe 1, sous i), du code des droits d’auteur et des droits connexes – qui confère une protection au titre du droit d’auteur à des oeuvres d’art appliqué, à des dessins ou modèles industriels et à des oeuvres de design qui, au-delà de leur objectif utilitaire, génèrent un effet visuel propre et notable du point de vue esthétique, de telle sorte que leur caractère original constitue le critère central d’attribution de la protection au titre du droit d’auteur ?

2) L’interprétation donnée par la Cour à l’article 2, sous a), de la directive 2001/29 s’oppose-t-elle à une législation nationale – en l’espèce, la règle contenue à l’article 2, paragraphe 1, sous i), du code des droits d’auteur et des droits connexes – qui confère la protection au titre du droit d’auteur à des œuvres d’art appliqué, à des dessins ou modèles industriels et à des œuvres de design si, à la lumière d’une appréciation particulièrement exigeante de leur caractère artistique, et compte tenu des conceptions dominantes dans les milieux culturels et institutionnels, ceux-ci méritent d’être qualifiés de “création artistique” ou d’“œuvre d’art” ? »

2° - Les questions préjudicielles

La juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 2, sous a), de la directive 2001/29 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’une législation nationale confère une protection, au titre du droit d’auteur, à des modèles tels que les modèles de vêtements en cause au principal, au motif que, au-delà de leur objectif utilitaire, ceux-ci génèrent un effet visuel propre et notable du point de vue esthétique.

Aux termes de l’article 2, sous a), de la directive 2001/29, les États membres ont l’obligation de prévoir le droit exclusif, pour les auteurs, d’autoriser ou d’interdire la reproduction de leurs œuvres.
Le terme « œuvre » auquel se réfère cette disposition figure également à l’article 3, paragraphe 1, et à l’article 4, paragraphe 1, de la directive 2001/29, relatifs aux droits exclusifs reconnus à l’auteur d’une œuvre en ce qui concerne sa communication au public et sa distribution, ainsi qu’aux articles 5, 6 et 7 de cette directive, qui portent, le premier, sur les exceptions ou les limitations pouvant être apportées à ces droits exclusifs, et, les deux derniers, sur les mesures techniques et les mesures d’information assurant la protection desdits droits exclusifs.

La notion d’« oeuvre » visée par l’ensemble de ces dispositions constitue, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence constante de la Cour, une notion autonome du droit de l’Union qui doit être interprétée et appliquée de façon uniforme, et qui suppose la réunion de deux éléments cumulatifs.

- D’une part, cette notion implique qu’il existe un objet original, en ce sens que celui-ci est une création intellectuelle propre à son auteur.

- D’autre part, la qualification d’œuvre est réservée aux éléments qui sont l’expression d’une telle création  [1].

S’agissant du premier de ces éléments, il découle de la jurisprudence constante de la Cour que, pour qu’un objet puisse être regardé comme original, il est à la fois nécessaire et suffisant que celui-ci reflète la personnalité de son auteur, en manifestant les choix libres et créatifs de ce dernier [2].

En revanche, lorsque la réalisation d’un objet a été déterminée par des considérations techniques, par des règles ou par d’autres contraintes, qui n’ont pas laissé de place à l’exercice d’une liberté créative, cet objet ne saurait être regardé comme présentant l’originalité nécessaire pour pouvoir constituer une œuvre [3].

Pour ce qui est du second élément, la Cour a précisé que la notion d’« oeuvre », visée par la directive 2001/29, implique nécessairement l’existence d’un objet identifiable avec suffisamment de précision et d’objectivité [4].

En effet, d’une part, les autorités chargées de veiller à la protection des droits exclusifs inhérents au droit d’auteur doivent pouvoir connaître avec clarté et précision l’objet ainsi protégé.Il en va de même des tiers auxquels la protection revendiquée par l’auteur de cet objet est susceptible d’être opposée.

D’autre part, la nécessité d’écarter tout élément de subjectivité, nuisible à la sécurité juridique, dans le processus d’identification dudit objet suppose que ce dernier ait été exprimé d’une manière objective [5].

Ainsi que l’a souligné la Cour, ne répond pas à l’exigence de précision et d’objectivité requise une identification reposant essentiellement sur les sensations, intrinsèquement subjectives, de la personne qui perçoit l’objet en cause [6].

Lorsqu’un objet présente les caractéristiques rappelées aux points 30 et 32 du présent arrêt, et constitue donc une œuvre, il doit, en cette qualité, bénéficier d’une protection au titre du droit d’auteur, conformément à la directive 2001/29, étant observé que l’étendue de cette protection ne dépend pas du degré de liberté créative dont a disposé son auteur et qu’elle n’est dès lors pas inférieure à celle dont bénéficie toute œuvre relevant de ladite directive [7].

Compte tenu de cette jurisprudence, la réponse à la question implique, en premier lieu, de déterminer si des modèles sont, de manière générale, qualifiables d’« oeuvres », au sens de la directive 2001/29.

II - Les réponses apportées par la Cour de Justice de l’Union Européenne sont essentielles.

1° - La notion "d’œuvre" au sens de la directive 2001/29 s’ils satisfont à deux exigences cumulatives.

À cet égard, il convient de relever, d’emblée, que, en vertu de l’article 17, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, la propriété intellectuelle est protégée.

Il découle du libellé de cette disposition que les objets constituant une propriété intellectuelle bénéficient d’une protection au titre du droit de l’Union.

En revanche, il n’en résulte pas que de tels objets ou catégories d’objets doivent tous bénéficier d’une protection identique.

Ainsi, le législateur de l’Union a adopté différents actes de droit dérivé ayant pour but d’assurer la protection de la propriété intellectuelle, et notamment, d’une part, des œuvres protégées au titre du droit d’auteur, visées par la directive 2001/29, ainsi que, d’autre part, des dessins et modèles relevant soit de la directive 98/71, applicable aux dessins et modèles enregistrés dans ou pour un État membre, soit du règlement no 6/2002, applicable aux dessins et modèles protégés au niveau de l’Union.

En procédant de la sorte, le législateur de l’Union a estimé que les objets protégés en vertu d’un dessin ou d’un modèle n’étaient en principe pas assimilables à ceux qui constituent des œuvres protégées par la directive 2001/29.

Ce choix législatif apparaît conforme à la convention de Berne, aux articles 1erà 21 de laquelle l’Union, tout en n’étant certes pas partie à cette convention, doit toutefois se conformer en vertu de l’article 1er, paragraphe 4, du traité de l’OMPI sur le droit d’auteur, auquel elle est partie [8].

En effet, l’article 2, paragraphe 7, de la convention de Berne autorise les parties à celle-ci à accorder aux dessins et modèles industriels une protection spécifique, différente et éventuellement exclusive de celle prévue au bénéfice des oeuvres littéraires et artistiques relevant de cette convention, ainsi qu’à déterminer les conditions d’une telle protection.

Dans le même temps, ladite disposition n’exclut pas non plus que ces deux protections puissent se cumuler.

Dans ce contexte, le législateur de l’Union a opté pour un système selon lequel la protection réservée aux dessins et modèles et celle assurée par le droit d’auteur ne sont pas exclusives l’une de l’autre.

En effet, s’agissant des dessins et modèles, l’article 17 de la directive 98/71 énonce, dans sa première phrase, que les dessins et modèles qui ont été enregistrés dans ou pour un État membre conformément à cette directive bénéficient également de la protection accordée par la législation sur le droit d’auteur de l’État membre dans lequel ou pour lequel ces dessins et modèles ont été enregistrés, à partir de la date à laquelle ils ont été créés ou fixés sous une forme quelconque.

Le même article précise ensuite, dans sa seconde phrase, que la portée et les conditions d’obtention de cette protection par le droit d’auteur, en ce compris le niveau d’originalité requis, sont déterminées par chaque État membre. En ce qui concerne les dessins et modèles protégés au niveau de l’Union, un régime analogue à celui découlant de l’article 17 de la directive 98/71 est prévu à l’article 96, paragraphe 2, du règlement no 6/2002.

Ces deux dispositions doivent elles-mêmes être respectivement appréhendées à la lumière du considérant 8 de la directive 98/71 et du considérant 32 du règlement no 6/2002, qui évoquent expressément le principe d’un « cumul » entre la protection des dessins et modèles, d’une part, et la protection par le droit d’auteur d’autre part.

Pour ce qui est du droit d’auteur, il résulte de l’article 9 de la directive 2001/29, qui est intitulé « Maintien d’autres dispositions » et qui doit être interprété en tenant compte, notamment, de toutes ses versions linguistiques (voir, en ce sens, arrêt du 4 février 2016, C & J Clark International et Puma, C-659/13 et C-34/14, EU:C:2016:74, point 122 et jurisprudence citée), ainsi qu’à la lumière du considérant 60 de cette directive, que ladite directive n’affecte pas les dispositions nationales ou de l’Union existant dans d’autres domaines, et notamment celles concernant les dessins et modèles.
Ainsi, la directive 2001/29 maintient en l’état l’existence et la portée des dispositions en vigueur en matière de dessins et modèles, en ce compris le principe de « cumul ».

2° - La possibilité d’une identification précise et objective fait défaut en ce qui concerne une création vestimentaire.

Compte tenu de l’ensemble de ces dispositions, il doit être considéré que des modèles sont qualifiables d’« oeuvres », au sens de la directive 2001/29, s’ils satisfont aux deux exigences mentionnées au point 29 du présent arrêt.

Dans ces conditions, il convient d’examiner, en second lieu, si sont qualifiables d’« oeuvres », au regard de ces exigences, des modèles tels que les modèles de vêtements en cause au principal, qui, au-delà de leur objectif utilitaire, génèrent, selon la juridiction de renvoi, un effet visuel propre et notable du point de vue esthétique, étant observé que les interrogations de cette juridiction portent sur le point de savoir si un tel élément d’originalité esthétique constitue le critère central d’attribution de la protection prévue par la directive 2001/29.

À ce sujet, il doit être précisé, d’emblée, que la protection des dessins et modèles, d’une part, et la protection assurée par le droit d’auteur, d’autre part, poursuivent des objectifs foncièrement différents et sont soumises à des régimes distincts.

En effet, ainsi que M. l’avocat général l’a, en substance, relevé dans ses conclusions, la protection des dessins et modèles vise à protéger des objets qui, tout en étant nouveaux et individualisés, présentent un caractère utilitaire et ont vocation à être produits massivement.

En outre, cette protection est destinée à s’appliquer pendant une durée limitée mais suffisante pour permettre de rentabiliser les investissements nécessaires à la création et à la production de ces objets, sans pour autant entraver excessivement la concurrence. Pour sa part, la protection associée au droit d’auteur, dont la durée est très significativement supérieure, est réservée aux objets méritant d’être qualifiés d’œuvres.

Pour ces raisons, et comme M. l’avocat général l’a également relevé dans ses conclusions, l’octroi d’une protection, au titre du droit d’auteur, à un objet protégé en tant que dessin ou modèle ne saurait aboutir à ce qu’il soit porté atteinte aux finalités et à l’effectivité respective de ces deux protections.

Il en découle que, bien que la protection des dessins et modèles et la protection associée au droit d’auteur puissent, en vertu du droit de l’Union, être accordées de façon cumulative à un même objet, ce cumul ne saurait être envisagé que dans certaines situations.

À cet égard, il y a lieu de relever, d’une part, que, ainsi qu’il découle du sens usuel du terme « esthétique », l’effet esthétique susceptible d’être produit par un modèle est le résultat de la sensation intrinsèquement subjective de beauté ressentie par chaque personne appelée à regarder celui-ci.

Par conséquent, cet effet de nature subjective ne permet pas, en lui-même, de caractériser l’existence d’un objet identifiable avec suffisamment de précision et d’objectivité, au sens de la jurisprudence.

D’autre part, il est certes vrai que des considérations d’ordre esthétique participent de l’activité créative. Toutefois, il n’en reste pas moins que la circonstance qu’un modèle génère un effet esthétique ne permet pas, en soi, de déterminer si ce modèle constitue une création intellectuelle reflétant la liberté de choix et la personnalité de son auteur, et satisfaisant donc à l’exigence d’originalité.

Il s’ensuit que la circonstance que des modèles tels que les modèles de vêtements en cause au principal génèrent, au-delà de leur objectif utilitaire, un effet visuel propre et notable du point de vue esthétique n’est pas de nature à justifier que de tels modèles soient qualifiés d’« oeuvres », au sens de la directive 2001/29.

Compte tenu de tout ce qui précède, il convient de répondre à la question que l’article 2, sous a), de la directive 2001/29 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’une législation nationale confère une protection, au titre du droit d’auteur, à des modèles tels que les modèles de vêtements en cause au principal, au motif que, au-delà de leur objectif utilitaire, ceux-ci génèrent un effet visuel propre et notable du point de vue esthétique.

Il convient, dès lors, de conclure, sur la base de l’ensemble des considérations qui précèdent, que l’article 2, sous a), de la directive 2001/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2001, sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins dans la société de l’information, doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce qu’une législation nationale confère une protection, au titre du droit d’auteur, à des modèles tels que les modèles de vêtements en cause au principal, au motif que, au-delà de leur objectif utilitaire, ceux-ci génèrent un effet visuel propre et notable du point de vue esthétique.

Textes de lois et jurisprudence.

- Arrêt CJCE DU 12 Septembre 2019 - Affaire C-683/17 - Cofenel - Vestuario SA ;
- Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques (acte de Paris du 24 juillet 1971) dans sa version résultant de la modification du 28 septembre 1979 ;
- Traité de l’Organisation Mondiale de la PI sur le droit d’auteur adopté le 20 décembre 1996 approuvé au nom de la Communauté européenne par la décision 2000/278/CE du Conseil du 16 mars 2000 ;
- Le droit de l’Union Directive 2001/29 CE du Parlement européen et du Conseil du 22 mai 2001 sur l’harmonisation de certains aspects du droit d’auteur et des droits voisins
- Directive 98/71 CE du Parlement européen et du Conseil du 13 octobre 1998 sur la protection juridique des dessins et modèles ;
- Règlement CE n°6/2002 du Conseil du 12 décembre 2001 sur les dessins ou modèles communautaires ;
- Le droit portugais (Code des droits d’auteurs et des droits voisins).

Benoit HENRY, Avocat [->http://www.reseau-recamier.fr/] Président du Réseau RECAMIER Membre de GEMME-MEDIATION https://www.facebook.com/ReseauRecamier/

[1Voir, en ce sens, arrêts du 16 juillet 2009, Infopaq International, C-5/08, EU:C:2009:465, points 37 et 39, ainsi que du 13 novembre 2018, Levola Hengelo, C-310/17, EU:C:2018:899

[2Voir, en ce sens, arrêts du 1er décembre 2011, Painer, C-145/10, EU:C:2011:798,ainsi que du 7 août 2018, Renckhoff, C-161/17, EU:C :

[3Voir, en ce sens, arrêt du 1er mars 2012, Football Dataco e.a., C-604/10, EU:C:2012:115

[4Voir, en ce sens, arrêt du 13 novembre 2018, Levola Hengelo, C-310/17, EU:C:2018:899

[5Voir, en ce sens, arrêt du 13 novembre 2018, Levola Hengelo, C-310/17, EU:C:2018:899.

[6Voir, en ce sens, arrêt du 13 novembre 2018, Levola Hengelo, C-310/17, EU:C:2018:899.

[7Voir, en ce sens, arrêt du 1er décembre 2011, Painer, C-145/10, EU:C:2011:798.

[8Voir, en ce sens, arrêt du 13 novembre 2018, Levola Hengelo, C-310/17, EU:C:2018:899.