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Ordonnance n°2019-1067 : la réforme du régime des offres au public de titres financiers (1/2). Par Franck Rozié, Juriste.
Parution : mardi 26 novembre 2019
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Prise en application de la loi Pacte (art. 75-II), l’ordonnance n° 2019-1067 du 21 octobre 2019 modifiant les dispositions relatives aux offres au public de titres adapte le droit français au règlement (UE) n° 2017/1129 (dit Prospectus III) et procède aux extensions outre-mer de ces dispositions.

Si l’ordonnance a modernisé la réglementation relative aux offres au public de titres en refondant la définition et le champ d’application de ces dernières dans le Code monétaire et financier (I), elle a par ailleurs élargi le rôle de l’AMF (II).

I. Refonte de la définition et du champ d’application de l’offre au public de titres.

Le nouvel article L.411-1 du Code monétaire et financier a désormais écarté la définition de l’offre au public de titres pour la remplacer par des interdictions et sanctions destinées aux personnes et entités qui n’ont pas été autorisées par la loi à procéder à une offre au public de titres financiers ou de parts sociales. L’ancien article L.411-1 reprenait mot pour mot la définition donnée par le Règlement (UE) 2017/1129 du 14 juin 2017 concernant le prospectus à publier en cas d’offre au public de valeurs mobilières ou en vue de l’admission de valeurs mobilières à la négociation sur un marché réglementé, et abrogeant la directive 2003/71/CE. La refonte de cet article fait suite à l’abrogation de l’article 1841 du Code civil par la même ordonnance qui interdisait aux sociétés n’y ayant pas été autorisées par la loi de procéder à une offre au public de titres financiers, d’émettre des titres négociables ou de procéder à une offre au public de parts sociales, à peine de nullité des contrats conclus ou des titres ou parts sociales émis. Dorénavant, l’article L.411-1 procède à un renvoie de la définition au Règlement et se concentre directement sur le champ d’application de l’offre au public de titres en prévoyant explicitement la nullité à défaut d’autorisation. Ainsi, le nouvel article L. 411-1 étend la nullité à toute « personne ou entité » et non plus uniquement aux sociétés.

L’article L.411-2 a lui aussi été remplacé dans sa totalité et vient établir une liste d’offres au public autorisées par dérogation selon leur destinataire (1° et 3°) ou selon l’offre en elle-même plus généralement (2°). En effet, le 1° de l’article vise « l’offre de titres financiers ou de parts sociales qui s’adresse exclusivement à un cercle restreint d’investisseurs agissant pour compte propre ou à des investisseurs qualifiés ». Le 3° vise « l’offre de titres de capital ou de parts sociales qui s’adresse exclusivement à des personnes ou entités qui ont déjà la qualité d’associés de la société émettrice des titres de capital ou des parts sociales offerts ». Il s’agit notamment des placements privés et des offres de financement participatif.
Le 2° de l’article précité liste trois offres au public dorénavant autorisées par dérogation : « Celle qui porte sur des titres financiers mentionnés au 1 ou au 2 du II de l’article L. 211-1 qui ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé ou un système multilatéral de négociation ; Celle qui est proposée par l’intermédiaire d’un prestataire de services d’investissement ou d’un conseiller en investissements participatifs au moyen d’un site internet remplissant les caractéristiques fixées par le règlement général de l’Autorité des marchés financiers ; Celle qui dont le montant total est inférieur à un montant fixé par décret ».

Pour compléter la refonte du chapitre 1er, l’ordonnance vient insérer un nouvel article L.411-2-1 dans lequel des conditions particulières peuvent être attachées aux offres au public de titres financiers ou de parts sociales. Parmi elles, « l’offre au public inférieure à un certain montant (1°) ; L’offre au public dont les bénéficiaires acquièrent les titres financiers ou les parts sociales pour un montant total par investisseur et par offre distincte supérieur à un certain montant (2°) ; L’offre au public dont la valeur nominale de chacun des titres financiers ou parts sociales est supérieure à un certain montant (3°) ». En revanche, aucune précision n’est apportée sur ce que sont ces conditions particulières. Il conviendra à l’AMF d’établir dans son règlement général les seuils de catégories d’offre au public pouvant faire l’objet de conditions particulières.

II. Élargissement du rôle de l’AMF.

Le nouvel article L. 451-3 renforce les pouvoirs de l’AMF en introduisant une obligation de déclaration. Le premier alinéa de l’article prévoit ainsi que « Toute société dont des actions sont admises aux négociations sur un marché réglementé ou un système multilatéral de négociation soumis aux dispositions du II de l’article L. 433-3 qui souhaite procéder au rachat de ses propres titres de capital déclare à l’Autorité des marchés financiers les opérations qu’elle envisage d’effectuer ».

L’ordonnance a apporté des modifications à l’article en réorganisant l’écriture de l’article L. 621-8-1 relatif aux pouvoirs de l’AMF. En effet, le I) vient disposer clairement les conditions de délivrance du document, ce dernier devant être « complet », « compréhensible » et les informations qu’il contient doivent être « cohérentes ». Outre ce contrôle, l’ordonnance est venue renforcer les compétences et pouvoirs de l’AMF dans le II) en permettant d’indiquer à l’organisme « les énonciations à modifier ou les informations complémentaires à insérer ».

Une simple réécriture de l’article L.621-8-2 clarifiant les opérations dont le règlement général de l’Autorité des marchés financiers définit les conditions et les modalités de communication à caractère promotionnel. Ainsi, le 1° vient reprendre l’ancienne disposition concernant les offres au public de titres financiers en faisant exception à celles « mentionnées au 1° de l’article L. 411-2 ou au 2° ou 3° de l’article L. 411-2-1 ». Le pouvoir d’interdiction et de suspension pendant dix jours de bourse de l’AMF est maintenu.

L’ordonnance vient apporter des clarifications quant à l’application de son devoir de surveillance concernant les « offres au public de parts sociales mentionnées au quatrième alinéa de l’article L. 512-1 du présent code ou à l’article 11 de la loi n° 47-1775 du 10 septembre 1947 portant statut de la coopération et les offres au public de certificats mutualistes mentionnées au premier alinéa du II de l’article L. 322-26-8 du code des assurances ». En effet, le nouvel article L.621-9, (I), 2° précise que l’AMF veille à la régularité des offres et opérations « dès lors que ces offres au public ne sont pas des offres mentionnées au 1° de l’article L. 411-2 ou au 2° ou au 3° de l’article L. 411-2-1 ainsi que les offres de minibons mentionnés à l’article L. 223-6 et les offres de jetons mentionnées à l’article L. 552-3 ».

Franck Rozié, Juriste.