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Grève du 5 décembre : la galère des salariés qui doivent se rendre au travail. Par Françoise De Saint Sernin, Avocate.
Parution : lundi 2 décembre 2019
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Une absence pour cause de grève des transports n’est pas sans conséquences pour le salarié. Sanction, retenue sur salaire ou récupération des heures perdues... Cet article fait le point sur ce qu’il faut savoir.

Un mouvement d’ampleur.
Une journée noire dans les transports, combinée avec une mobilisation dans de nombreuses professions, la grève du 5 décembre promet d’être très suivie. Les indications de la SNCF suggèrent déjà que le mouvement devrait durer. Bref, pour les salariés qui doivent travailler il va falloir être vigilant… Malgré le nombre de grèves dans notre pays, il n’y a pas d’article ou de disposition particulière en droit. En matière de grève, rien n’est prévue dans le code du travail pour protéger les salariés qui doivent se rendre au travail.

Pas de droit de retrait valable.
Le principe général est de venir travailler. En cas de retard, le salarié n’est pas fautif et l’employeur ne devrait pouvoir prendre aucune sanction disciplinaire en cas de retard du salarié en raison d’une grève. Il devra néanmoins être de bonne foi et fournir de véritables efforts. Le salarié doit par exemple être en mesure de présenter un justificatif fourni par la société de transport si l’employeur en fait la demande. Malheureusement le droit de retrait (L4131-1) en l’état actuel de la jurisprudence ne permet au salarié d’éviter le stress d’une journée de galère dans les bouchons. Ce dernier ne peut être utilisé que lorsque les conditions de travail dans l’entreprise présentent une condition de dangerosité et non pas en case de difficultés dans les transports. Le retrait du salarié d’une situation dangereuse n’est permis que si ce n’est celle d’être en cours d’exécution de son contrat de travail. Dans l’hypothèse où plusieurs salariés habiteraient dans la même zone, l’employeur peut ainsi faire des reproches celui ou celle qui, contrairement aux autres, invoque l’excuse des perturbations de transports alors que ses collègues ont réussi à venir (même très en retard).

Sanction en cas d’absence.
En cas d’absence en raison de l’impossibilité même de se rendre au travail, il faut donc être très prudent. Un employeur de mauvaise foi pourrait faire valoir que les critères de la force majeure ne sont pas définis pour sanctionner son salarié (même si le licenciement apparait disproportionné) . En effet, la force majeure est définie par des circonstances extérieures, imprévisibles et irrésistibles. Si le caractère extérieur ne fait pas de difficulté, le caractère imprévisible est plus difficile à prouver par exemple pour le cas où la SNCF aurait par exemple déjà arrêté de vendre des titres de transports sur la période concernée. Quant au caractère « irrésistible », il s’agit de démontrer que l’on n’a pas pu faire autrement, sachant que l’employeur peut considérer qu’informé à l’avance, le salarié aurait pu prendre ses dispositions (en faisant du co-voiturage avec un collègue par exemple).

Retenue sur salaire.
En l’absence d’un accord collectif spécifique, l’employeur n’est pas non plus obligé de payer les heures d’absence involontaire. Il peut donc effectuer une retenue sur salaire pour les heures non-travaillées par le salarié. Cette retenue doit alors être calculée proportionnellement à la durée de l’absence. Pour éviter de réduire la rémunération du salarié, l’employeur peut aussi lui demander de récupérer les heures de travail perdues. Il a également la possibilité d’imputer cette absence sur les congés payés, mais seulement avec l’accord de l’intéressé.

Télétravail pour les plus chanceux.
En cas de difficultés pour se rendre au travail, le salarié et l’employeur ont mutuellement intérêt à recourir au télétravail lorsque cela est possible. Malheureusement tous les postes ne sont pas susceptibles d’être occupés à distance et l’employeur peut à nouveau le refuser au salarié.

A défaut d’un droit du travail adapté aux temps de grève, espérons que les employeurs fassent preuve de plus de mansuétude que le droit du travail pour ne pas infliger une journée de galère dans les transports à leurs collaborateurs, premières victimes des grèves.

Françoise De Saint Sernin - Avocate - Cabinet Saint Sernin [->https://www.cadreaverti-saintsernin.fr/]