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La résidence fiscale selon la convention internationale franco-russe : Décision du Conseil d’Etat du 17 mars 2016. Par Nathalie Aflalo, Avocat.
Parution : vendredi 6 décembre 2019
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Déterminer la résidence d’une personne physique permet d’appréhender l’étendue de ses obligations fiscales.

Déterminer la résidence d’une personne physique permet d’appréhender l’étendue de ses obligations fiscales.

Selon qu’elle sera considérée comme résidente d’un Etat ou non, son imposition portera sur son revenu mondial ou exclusivement limité à ses revenus provenant de cet Etat.

Le Code Général des Impôts, au visa de son article 4 B énonce les critères qui permettent de déterminer si un contribuable est domicilié en France.

Et d’ajouter que ces critères sont alternatifs, il suffit que l’un soit rempli, pour que le domicile fiscal soit établi en France :

Aux termes de l’article 4B du CGI :
« 1. Sont considérées comme ayant leur domicile fiscal en France au sens de l’article 4 A :
a. Les personnes qui ont en France leur foyer ou le lieu de leur séjour principal ;
b. Celles qui exercent en France une activité professionnelle, salariée ou non, à moins qu’elles ne justifient que cette activité y est exercée à titre accessoire ;
c. Celles qui ont en France le centre de leurs intérêts économiques.
 »

Et aux termes de l’article 4 A du CGI :

« Les personnes qui ont en France leur domicile fiscal sont passibles de l’impôt sur le revenu en raison de l’ensemble de leurs revenus. Celles dont le domicile fiscal est situé hors de France sont passibles de cet impôt en raison de leurs seuls revenus de source française. »

Il faut ajouter que les critères ci-dessus énoncés s’appliquent indépendamment de la domiciliation fiscale dans un autre pays.

Lorsqu’un contribuable est susceptible d’être considéré comme domicilié dans deux pays, la situation devient complexe. Ce dernier est alors soumis au crible de sa vie privée et professionnelle afin de déterminer la résidence de ce dernier.

Le cas d’espèce de l’arrêt précité du Conseil d’Etat l’illustre à merveille.

Monsieur et Madame X, de nationalité russe, sont locataires d’un appartement à Neuilly-sur –Seine, occupé régulièrement eu égard aux consommations de gaz, d’électricité et de téléphone. Leur fils mineur réside avec eux et est scolarisé en France. Ils sont également titulaires d’une carte de résident. Leur domicile fiscal était donc situé en France.

L’administration fiscale de même que la Cour d’Appel non censurée par le Conseil d’Etat, a estimé que le centre des intérêts familiaux se trouvait en France.

Or, en l’espèce, Monsieur et Madame X sont aussi considérés comme domiciliés en Russie au regard des dispositions fiscales russes.

Dès, et dans la mesure où ils ne peuvent être considérés comme résidents fiscaux de deux Etats, il convient de se référer à la convention fiscale internationale signée entre la France et la Russie.

Aux termes de l’article 1er de la convention signée le 26 novembre 1996 entre la France et la Fédération de Russie en vue d’éviter les doubles impositions et de prévenir l’évasion et la fraude fiscales en matière d’impôt sur le revenu et d’impôt sur la fortune :

Lorsque, selon les dispositions du paragraphe 1, une personne physique est un résident des deux Etats contractants, sa situation est réglée de la manière suivante :
« a) Cette personne est considérée comme un résident de l’Etat où elle dispose d’un foyer d’habitation permanent ; si elle dispose d’un foyer d’habitation permanent dans les deux Etats, elle est considérée comme un résident de l’Etat avec lequel ses liens personnels et économiques sont les plus étroits (centre des intérêts vitaux) ;
b) Si l’Etat où cette personne a le centre de ses intérêts vitaux ne peut pas être déterminé, ou si elle ne dispose d’un foyer d’habitation permanent dans aucun des Etats, elle est considérée comme un résident de l’Etat où elle séjourne de façon habituelle ;
c) Si cette personne séjourne de façon habituelle dans les deux Etats ou si elle ne séjourne de façon habituelle dans aucun d’eux, elle est considérée comme un résident de l’Etat contractant dont elle possède la nationalité (…).
 »

Contrairement, aux critères du droit interne français, les critères cités dans les conventions fiscales internationales sont successifs.

Les critères sont examinés les uns après les autres, en commençant par le premier.
Comme l’indique la décision, après avoir relevé que M. et Mme x. disposaient d’un foyer d’habitation permanent dans les deux Etats, premier critère, la cour a recherché, conformément aux stipulations du a) du 2 de l’article 4 de la convention fiscale franco-russe, avec lequel de ces Etats les contribuables avaient les liens personnels et économiques les plus étroits.

Elle a relevé les indices suivants :

-  l’enfant mineur de M. et Mme X demeurait en France au cours des années d’imposition en litige, dans l’appartement loué par la famille à Neuilly-sur-Seine, où il était scolarisé,
-  Monsieur et Madame X détenaient tous deux des cartes de résident les autorisant à demeurer en France au cours de cette même période,
-  ils avaient reçu chacun, et de manière répétée, d’importantes sommes d’argent sur leur comptes bancaires français, en provenance d’un compte monégasque détenu par une société constituée au Costa Rica, dont M. X était le président,
-  Monsieur et Madame X n’apportait pas la preuve que les activités économiques, militaires, politiques, sportives ou associatives que les contribuables déclaraient avoir en Russie, leur auraient procuré des revenus.

En conséquence, Monsieur et Madame X devaient être regardés comme ayant eu, au titre des années litigieuses, le centre de leurs intérêts vitaux en France, au sens du a) du 2 de l’article 4 de la convention franco-russe du 26 novembre 1966. Dès lors, résidents fiscaux français pour la période ne cause, ils devaient déposer en France des déclarations d’impôt sur le revenu pour les années en cause.

Nathalie Aflalo, Avocat, Barreau de Paris 126, Boulevard Haussmann, 75008 Paris, www.aflalo-avocat.fr [->avocat.aflalo@yahoo.fr]