Village de la Justice www.village-justice.com

Auto-entrepreneurs : Attention au risque de redressement URSSAF. Par Annabelle Sevenet, Avocat.
Parution : mercredi 18 décembre 2019
Adresse de l'article original :
https://www.village-justice.com/articles/auto-entrepreneurs-attention-risque-redressement-urssaf,33265.html
Reproduction interdite sans autorisation de l'auteur.

Lorsqu’un auto-entrepreneur immatriculé au registre du commerce démontre qu’il est placé sous la subordination d’un donneur d’ordre, la présomption légale de non-salariat dont il relève est renversée et le donneur d’ordre peut faire l’objet d’un redressement de cotisations sociales.

Cass. 2e civ. 28-11-2019 n° 18-15.333 FP-PBI, Sté transport Wendling c/ Urssaf d’Alsace.

Nombreux sont les travailleurs qui optent pour le régime d’auto-entreprenariat dans le cadre de leurs prestations de travail, souvent à la grande satisfaction des sociétés qui s’épargnent ainsi les contraintes administratives et financières du salariat.

Pour autant, chaque partie doit faire preuve de la plus grande vigilance pour éviter une requalification de la relation de travail en contrat de travail, requalification qui peut entrainer un redressement URSSAF lourd de conséquence.

La Cour de Cassation s’est penchée sur le sujet dans un arrêt du 28 novembre 2019 opposant une société de transport à l’URSSAF d’Alsace.

Ainsi, dans le cadre d’un contrôle, une société de transport qui a eu recours à un auto-entrepreneur, immatriculé au registre du commerce, pour conduire des camions afin d’effectuer des livraisons sur des chantiers, fait l’objet d’un redressement de cotisations sociales et entend contester ledit redressement.

Dans un premier temps, la Cour d’appel déboute la société en considérant que l’auto-entrepreneur était assujetti au pouvoir de subordination de la société, que ce soit concernant les tâches à effectuer, les moyens mis à sa disposition et les dates de ses interventions puisque les véhicules qu’il utilisait afin d’effectuer les livraisons étaient mis à sa disposition par la société qui en assurait l’approvisionnement en carburant et l’entretien, qu’il utilisait la licence communautaire de celle-ci et se présentait sur les chantiers comme faisant partie de la société de transport. En outre, les disques d’enregistrement étaient remis à cette dernière et qu’il n’avait donc aucune indépendance dans l’organisation et l’exécution de son travail.

Selon la Cour d’Appel il en découlait que les sommes versées à l’auto-entrepreneur devaient être réintégrées dans l’assiette des cotisations sociales, à la charge de la Société.

La Cour de cassation a rejeté le pourvoi de la Société, approuvant la décision des premiers juges au visa de l’article L 8221-6, I du Code du travail qui rappelle que sont présumés ne pas être liés avec le donneur d’ordre par un contrat de travail dans l’exécution de l’activité donnant lieu à immatriculation ou inscription :
- les personnes physiques immatriculées au registre du commerce et des sociétés, au répertoire des métiers, au registre des agents commerciaux ou auprès des Urssaf pour le recouvrement des cotisations d’allocations familiales ;
- les personnes physiques inscrites au registre des entreprises de transport routier de personnes, qui exercent une activité de transport scolaire ou de transport à la demande ;
- les dirigeants des personnes morales immatriculées au registre du commerce et des sociétés et leurs salariés.

Dans cet arrêt, la Cour de Cassation a affirmé que la présomption légale de non-salariat, qui bénéficie aux personnes sous le statut d’auto-entrepreneur, peut être détruite s’il est établi qu’elles fournissent directement ou par une personne interposée des prestations au donneur d’ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l’égard de celui-ci.

Que faut-il retenir de cet arrêt ? La Cour semble rappeler ici le principe selon lequel le lien de subordination est l’apanage du contrat de travail, dont les règles directrices ne découlent pas du droit commun des contrats mais obéissent, du fait même de ce lien de subordination et donc, du déséquilibre entre les parties, à un régime propre.

L’auto-entrepreneur doit donc conserver une liberté d’agir dans l’exécution de sa prestation pour échapper à l’application des principes du droit du travail.

De surcroit, au redressement exigé par l’URSSAF, le donneur d’ordre s’expose à une action prud’homale du salarié, lequel pourrait solliciter la requalification de sa relation de travail en contrat de travail et réclamer, à ce titre, le paiement des sommes liées à l’exécution et la rupture de son contrat de travail, outre le paiement de dommages et intérêts en réparation des préjudices au cours de sa prestation de travail.

Annabelle SEVENET- Avocate Associée - Droit Social www.jane-avocats.com
Comentaires: