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La responsabilité personnelle du dirigeant en cas de « faute séparable ». Par François-Luc Simon, Avocat.
Parution : mercredi 18 décembre 2019
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Classiquement, commet une « faute séparable » propre à engager sa responsabilité personnelle, le dirigeant qui commet intentionnellement une faute d’une particulière gravité, incompatible avec l’exercice normal des fonctions sociales.
Cette jurisprudence connait des fortunes diverses, parfois inattendues, dans le contentieux du droit de la distribution.

Conformément à la jurisprudence Sati, établie depuis plus de 15 ans (Cass. com., 20 mai 2003, Bull. IV, n° 84), la Cour de cassation subordonne la mise en œuvre de la responsabilité personnelle du dirigeant à l’égard des tiers à l’existence d’une « faute séparable » [1] :
« la responsabilité personnelle d’un dirigeant à l’égard des tiers ne peut être retenue que s’il a commis une faute séparable de ses fonctions » et « il en est ainsi lorsque le dirigeant commet intentionnellement une faute d’une particulière gravité, incompatible avec l’exercice normal des fonctions sociales ».

Mais, se dessine depuis peu une jurisprudence plus spécifique aux réseaux de distribution, permettant de mettre en cause le dirigeant d’un distributeur (ou d’une tête de réseau) sur son patrimoine personnel en cas de faute séparable.
Encore faut-il alors s’accorder sur une définition précise et fiable de la « faute séparable », que seul l’examen attentif de la jurisprudence permet d’envisager.

Ainsi, commet une faute séparable le dirigeant de la société franchisée ayant créé une société concurrente (CA Paris, Pôle 5 - chambre 4, 13 novembre 2019, n° 19/00499 : « en créant une société concurrente de la société franchisée (…) qu’il dirigeait, en utilisant le concept (…) pour mieux le concurrencer, alors qu’il était tenu de protéger le réseau des concurrents, M X a commis une faute intentionnelle d’une particulière gravité, incompatible avec l’exercice normal de ses fonctions sociales. Cette faute, séparable des fonctions de M X, a causé un préjudice (…) »).
L’apport de cet arrêt tient essentiellement à la considération de portée générale selon laquelle la violation de l’obligation de non-concurrence qualifie la faute « d’une particulière gravité » ou « d’une extrême gravité » au sens de la jurisprudence ; la solution n’allait pas de soi, tant il est vrai que la jurisprudence avait précédemment retenu que la violation d’une obligation de non-concurrence ne pouvait caractériser en soi une faute séparable (CA Limoges, 5 novembre 2015, n°13/01241).

Cette jurisprudence nouvelle s’ajoute aux cas déjà identifiés par le passé, selon lesquels commet une faute séparable :
- le dirigeant ayant trompé un fournisseur sur la solvabilité de son entreprise, à dessein de pouvoir s’approvisionner auprès de ce dernier (Cass. com., 20 mai 2003, Bull. IV, n° 84),
- le dirigeant ayant accepté une commande qu’il savait ne pas être en mesure de pouvoir être exécutée (CA Colmar, 3ème ch., 22 janvier 2018 , JurisData n° 2018-000725),
- le gérant ayant vendu un matériel en violation des droits d’un crédit bailleur, le prix étant encaissé par une société tierce (CA Rennes, 3ème ch., 26 novembre 2019, n°16/09417).

François-Luc SIMON Avocat, Associé-Gérant SIMON Associés Docteur en droit Membre du Collège des experts de la Fédération Française de la Franchise

[1Définition à lire ici.