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Le décret du 30 octobre 2019 : la procédure de recueil des données des propriétaires précisée. Par Sarah Bouët, Avocat.
Parution : lundi 23 décembre 2019
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Le 30 octobre dernier, un décret a été adopté, précisant les modalités de recueil des données locatives des propriétaires par les communes ayant adopté des règlements relatifs à la lutte contre la location meublée courts séjours.

Cette procédure, très contraignante, aura aussi bien des répercussions sur les propriétaires loueurs, que sur les sociétés d’entremise, et notamment les sociétés de conciergeries.

Pour rappel, de nombreuses communes françaises ont adopté des règlements municipaux instaurant des régimes restrictifs en matière de location meublées courts séjours, type « locations airbnb ».

Ces communes imposent alors des restrictions, pouvant aller de la simple déclaration préalable à la demande d’autorisation conditionnée.

A Bordeaux notamment, le régime est très restrictif et impose un changement d’usage soumis à compensation pour effectuer de la location meublée courts séjour s’agissant de la résidence secondaire.

Un tel régime ne peut fonctionner que s’il est soumis à sanctions.

La sanction prévue n’est autre qu’une amende pouvant aller jusqu’à 50.000€.

Plusieurs agents municipaux assermentés ont alors été désignés, à Bordeaux et à Paris notamment, pour partir à la chasse aux propriétaires qui ne respecteraient pas cette réglementation.

Jusqu’au printemps dernier ces agents municipaux s’étaient octroyés le droit d’effectuer des visites inopinées des logements suspectés.

Le Conseil Constitutionnel a été saisi de cette procédure qui a alors été invalidée en ce qu’elle a été jugée contraire au respect à la vie privée et familiale des propriétaires.

C’est la raison pour laquelle le décret du 30 octobre 2019 a été adopté, il fallait prévoir une procédure permettant de récolter les données locatives.

Ce décret a été pris en modification des articles L.324-1-1 et L.324-2-1 du code du tourisme.

Ces textes imposent une procédure stricte et contraignante de recueil des données.

La première contraint les sociétés d’entremise, type sociétés de conciergeries, à obtenir de la part de leurs clients, avant même toute location de leurs biens, une déclaration sur l’honneur attestant du respect des obligations de déclaration et d’autorisation préalable, indiquant si le logement constitue ou non la résidence secondaire et, le cas échéant, le numéro d’enregistrement obtenu préalablement.

En cas de non-respect de cette obligation d’information préalable, le professionnel risque de se voir infliger une amende pouvant aller jusqu’à 12.500€ par logement loué.

Pour ce faire, la Commune doit saisir le juge des référés du Tribunal de Grande Instance de Bordeaux, aucune amende ne pouvant être infligée sans que cette décision ait été prise par un juge.

La seconde obligation est relative à la transmission des données des propriétaires à la Commune.

Aux termes de l’article L.324-2-1 II. du code du tourisme, la Commune est en mesure de demander aux sociétés d’entremise la communication de certains éléments relatifs à leurs clients, tels que :
- l’adresse du logement,
- le bâtiment,
- l’étage,
- le numéro d’appartement,
- le numéro de déclaration
- le nombre de jours au cours desquels ce logement a fait l’objet d’une location meublée courts séjours.

Ces sociétés disposent alors d’un délai d’un mois pour transmettre ces informations, sous peine de vous voir infliger une amende pouvant aller jusqu’à 50.000€ par logement loué.

De même que pour la première obligation, la Commune doit saisir le juge des référés du Tribunal de Grande Instance de Bordeaux, aucune amende ne pouvant être infligée sans que cette décision ait été prise par un juge.

Ces dispositions sont en vigueur à ce jour.

Il s’agit d’une procédure très restrictive de la liberté du commerce et de l’industrie et de la liberté d’entreprendre en ce qu’elle contraint ces sociétés à ternir les relations commerciales qu’elles entretiennent avec leurs clients.

C’est en ce sens que cette procédure paraît être en désaccord avec la directive européenne dite « directive services » de 2006, qui préconise d’imposer le moins de contraintes possibles, ou du moins que celles-ci soient proportionnées à un objectif d’intérêt général, permettant alors une liberté de circulation des services au sein de l’Union Européenne.

Plus encore, il s’agit d’une réglementation dont pourrait être soulevée la méconnaissance du droit au respect de la vie privée, en ce qu’elle impose de divulguer des informations personnelles des propriétaires.

Encore un coup dur pour les sociétés de conciergeries et les propriétaires dans les grandes villes…

Sarah BOUËT Avocat [->sbouet.avocat@gmail.com]