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La plateforme Airbnb n’est pas soumise aux obligations de l’agent immobilier. Par Pauline Darmigny, Avocat.
Parution : vendredi 20 décembre 2019
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Dans le cadre de la suite de la saga judiciaire concernant la plateforme d’hébergement et de mise en relation Airbnb, La Cour de Justice de l’Union européenne a statué hier, le 19 décembre 2019, en suivant les conclusions de l’Avocat général.

La Cour a été saisie, à la suite d’une plainte au pénal initiée en France, par la SAS Hôtelière Turenne et l’Association pour un hébergement et un tourisme professionnels (ATHOP) lesquels demandaient à voir appliquer à la société AIRBNB, les mêmes règles que celles régissant la profession d’agent immobilier en France et provenant de la loi Hoguet n°70-9 du 2 janvier 1970.

Dans un premier temps, la Cour a dû se prononcer sur la question de savoir si le service fourni par la plateforme était un « service de la société de l’information » (1).
Dans un second temps, la Cour a dû statuer sur l’applicabilité des règles et dispositions de la loi Hoguet à la plateforme d’hébergement et de mise en relation (2).

I. Les services rendus par la plateforme AIRBNB s’inscrivent-ils dans la catégorie de « services de la société de l’information » ?

Un service de la société de l’information est défini par la directive 2000/31 de la façon suivante : il s’agit de « tout service presté normalement contre rémunération, à distance par voie électronique, et à la demande individuelle d’un destinataire de services ».

En l’espèce, le juge a considéré que le service proposé par la plateforme est de mettre en relation contre rémunération, des locataires potentiels avec des loueurs professionnels ou non professionnels, en proposant des prestations d’hébergement de courte durée.

La Cour constate que ce service est fourni contre rémunération, sans présence simultanée du prestataire de services (Airbnb) ni des parties. Par conséquent, le service est bien fourni à distance et par voie électronique.

Enfin, il s’agit bien d’un service individualisé puisqu’il est fourni à la demande individuelle des destinataires, dès lors qu’il suppose une demande individuelle émanant d’un locataire intéressé par l’annonce du loueur.

La Cour en conclut sur ce premier point, que le service fourni par la plateforme est bien un service de la société de l’information au sens de la définition de la directive 2000/31.

De l’autre côté de la barre, les plaignants estimaient que Airbnb ne se contentait pas de fournir une prestation de mise en relation, mais qu’elle fournit également d’autres prestations complémentaires de nature à caractériser une activité d’intermédiation, à l’image des agents immobiliers en France.

La Cour de justice en conclut sur ce premier point que certes la plateforme fournit des prestations accessoires (système de notation et de commentaires, assurance pour les loueurs etc…) pour autant, il s’agit de prestations accessoires à ce service d’intermédiation qui doit être qualifié plus largement de service de la société de l’information.

En réalité, de façon sous-jacente à cette première question, les plaignants souhaitaient que la Cour reconnaisse l’opposabilité à la société AIRBNB, des règles du droit français relatives à la profession d’agent immobilier.

La Cour a donc dû répondre à cette seconde question.

2. La réglementation nationale française et précisément en l’espèce, la loi Hoguet, peut-elle être opposée à la société Airbnb ?

La loi Hoguet règlemente l’activité d’agent immobilier en France. Elle s’adresse à toute personne titulaire d’un mandat de gestion, chargée de prêter son concours aux opérations portant sur les biens d’autrui, et notamment l’achat, la vente, la location « classique » et la location de courte durée.

Cependant, pour exercer cette activité, l’article 3 de ladite loi impose un certain nombre de contraintes. En effet, le mandataire doit être titulaire de la carte professionnelle, justifier d’une assurance responsabilité civile, d’une garantie financière, entre autres.

La société AIRBNB a avancé comme argument de défense, le fait que la loi Hoguet est contraire à la directive européenne 2000/31 dans la mesure où ladite loi impose des mesures qui restreignent la libre circulation d’un service de la société de l’information.

En effet, l’obligation de détenir une carte professionnelle, de justifier d’une assurance et d’une garantie financière sont autant d’entraves à la libre circulation d’un service de la société de l’information. Ces obligations rendent en effet plus difficile la libre prestation de services.

Or, un État-membre peut restreindre cette libre prestation de services sous réserve de deux conditions cumulatives :
• 1° à condition que la mesure restrictive soit nécessaire à préserver l’ordre public, la santé et la sécurité publique ;
• 2° à condition que l’État-membre ait notifié, au préalable, à la Commission européenne, son intention d’appliquer les mesures nationales restrictives à une société qui rend un service de la société de l’information.

En l’espèce, la Cour a considéré que, vu que la France n’avait pas notifié à l’Europe, son intention d’opposer à la société AIRBNB, des dispositions contraignantes de notre droit civil français, telles que les dispositions de la loi Hoguet, ces dispositions n’avaient pas à s’appliquer à la société AIRBNB.

En conclusion, AIRBNB ne se verra pas appliqué les mêmes obligations qu’un agent immobilier, à savoir l’obligation de pratiquer son activité d’intermédiation en justifiant d’une assurance et de la détention d’une carte professionnelle.

Les plaignants souhaitaient voir aligner les règles applicables aux acteurs de la location traditionnelle avec ceux de la location de courte durée, c’est un échec pour eux et une victoire pour la plateforme AIRBNB.

Pauline DARMIGNY Avocat à la Cour [->https://darmigny-avocat.fr]