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Le juge et la perte de la nationalité française par non usage. Par Charles Soh Mouafo, Chercheur.
Parution : jeudi 2 janvier 2020
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Dans un arrêt du 13 juin 2019, la Cour de cassation a effectué un revirement jurisprudentiel dans l’interprétation des articles 23-6 et 30-3 du Code civil, qui réglemente la perte de la nationalité française par non usage. En effet, elle était amenée à se prononcer sur la nature juridique de l’interdiction faite par l’article 30-3 du Code civil d’apporter la preuve de sa nationalité française.

La perte de la nationalité française est réglementée par le Code civil.
On peut perdre la nationalité par déchéance, encadrée par l’article 25 du Code civil, par déclaration de l’intéressé sur le fondement des articles 23 à 23-5 du Code civil, par décret en Conseil d’Etat pris sur la base de l’article 23-4, 23-7 et 23-8 du Code civil, ou encore par jugement sur le fondement de l’article 23-6. C’est ce dernier cas de perte de la nationalité française qui fera l’objet de notre étude.

En effet, l’article 23-6 du Code civil dispose que “La perte de la nationalité française peut être constatée par jugement lorsque l’intéressé, Français d’origine par filiation, n’en a point la possession d’état et n’a jamais eu sa résidence habituelle en France, si les ascendants, dont il tenait la nationalité française, n’ont eux-mêmes ni possession d’état de Français, ni résidence en France depuis un demi-siècle.
Le jugement détermine la date à laquelle la nationalité française a été perdue. Il peut décider que cette nationalité avait été perdue par les auteurs de l’intéressé et que ce dernier n’a jamais été Français
”.

Cet article dans son application est souvent combiné à l’article 30-3 du Code civil aux termes duquel, “Lorsqu’un individu réside ou a résidé habituellement à l’étranger, où les ascendants dont il tient par filiation la nationalité sont demeurés fixés pendant plus d’un demi-siècle, cet individu ne sera pas admis à faire la preuve qu’il a, par filiation, la nationalité française si lui-même et celui de ses père et mère qui a été susceptible de la lui transmettre n’ont pas eu la possession d’état de Français.
Le tribunal devra dans ce cas constater la perte de la nationalité française, dans les termes de l’article 23-6
”.

Alors que l’article 23-6 édicte une condition de fond de perte de la nationalité française, l’article 30-3 organise une règle d’admission de la preuve de la nationalité française.

C’est sur le fondement de ces deux articles que les juges constatent soit la perte de la nationalité française par non usage, soit la perte de la nationalité française résultant de l’impossibilité d’apporter la preuve de cette dernière en application de l’article 30-3.

Ces deux articles mettent en évidence deux conditions sur lesquelles les juges se fondent pour apprécier la nationalité française ou l’extranéité d’une personne. Il s’agit de la possession d’état de Français d’une part, et la résidence en France ou mieux la résidence à l’étranger pendant un demi siècle d’autre part.

Les juges de fond ont souvent interprété ces deux conditions de façon restrictive avant d’être contredit sur certains points par la Cour de cassation. C’est le cas dans le jugement du Tribunal de Grande Instance de Paris du 22 mai 2015, à l’origine de l’arrêt de la Cour d’appel du 8 novembre 2016, qui à son tour a fait l’objet d’un pourvoi en cassation et de l’arrêt de la Cour de cassation du 28 février 2018.

Dans ces arrêts, les juges étaient amenés à répondre aux questions de savoir à partir de quand commençait le décompte du demi siècle de résidence à l’étranger, quand devrait-on apprécier cette condition de résidence, et à quel moment apprécie t-on la condition de la possession d’état de Français.

Avant de commenter la position des juges de fonds (II), il est nécessaire de présenter de façon explique les deux articles suscités (I), et enfin revenir sur l’interprétation à rebondissement de la Cour de cassation (III).

I- Règle d’admission de la preuve de la nationalité et les conditions de fond de la perte de nationalité française.
II- L’application par les juges des articles 23-6 et 30-3 du Code civil.
III- L’interprétation de l’article 30-3 par la Cour de cassation.

Lisez l’intégralité de l’article dans le document joint ci-après.

Charles Soh Mouafo Chercheur au Centre de recherche Léon Duguit Université d'Evry Val d'Essonne
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