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De la « guerre des sexes » dans les régimes spéciaux de retraite à la « guerre des juges », ou l’impartialité du Conseil d’Etat en question. Par Bertrand Madignier, Magistrat et Aurelia Keravec, Avocat.
Parution : mardi 7 juillet 2020
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Par un arrêt C-173/13 du 17 juillet 2014 « Epoux Leone », la Cour de Justice de l’Union Européenne a reconnu que les avantages familiaux des régimes spéciaux de retraite modifiés par les textes postérieurs aux arrêts Griesmar et Mouflin de 2001 entraînaient une discrimination indirecte sur le sexe.
Obtenu sur le fondement de la responsabilité à raison du contenu de la jurisprudence du Conseil d’Etat, cet arrêt a donné lieu à des solutions opposées entre la discrimination indirecte retenue par les juridictions civiles mais écartée par l’arrêt d’assemblée du 27 mars 2015 Quintanel du Conseil d’Etat.
Mais cet arrêt a été rendu dans une formation irrégulière où les membres qui avaient participé aux avis consultatifs donnés au gouvernement ne se sont pas déportés, et le Conseil d’Etat a filtré la question prioritaire de constitutionnalité portant sur sa propre impartialité.
L’égalité femmes-hommes dans les régimes de retraite pose de vraies questions en termes de discrimination positive, mais les réponses apportées par les pouvoirs législatifs et juridictionnels ne sont conformes ni aux exigences européennes ni aux principes fondamentaux de l’Etat de Droit [1].

1. L’égalité des sexes est un principe réaffirmé par plusieurs normes supérieures, à commencer par la Constitution elle-même au travers du principe général d’égalité prévu par l’article 6 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 et l’article 3 du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 [2].
Ce principe a surtout été invoqué sur le fondement de l’article 14 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme qui prohibe les discriminations sur la nationalité, le sexe, les origines, etc. et par le droit communautaire sur la base de l’article 157 TFUE qui affirme le principe de « l’égalité des rémunérations entre travailleurs masculins et travailleurs féminins pour un même travail ou un travail de même valeur ». [3]

2. En matière de retraite, comme pour toutes les prestations sociales, l’égalité de traitement entre hommes et femmes a été mise en œuvre par voie de directives qui distinguent d’une part les régimes « non professionnels de sécurité sociale » encadrés par la directive 79/7 du 19 décembre 1978 [4] , et d’autre part les « régimes professionnels de sécurité sociale » encadrés par la directive 86/378 devenue la directive dite « refonte » 2006/54 [5].

La notion de « rémunération » comprenant aussi tous les avantages sociaux accordés par l’employeur, la jurisprudence de la Cour de Justice de l’Union Européenne (ci-après C.J.U.E.) est venue préciser les critères de distinction entre prestations d’origine « professionnelles » ou « non-professionnelles » [6], en particulier dans les régimes de retraite où beaucoup d’Etats membres fixaient des âges différents de retraite entre les femmes et les hommes. [7] S’agissant des avantages familiaux, la distinction n’est pas indifférente, puisque l’article 7 de la directive 79/7 autorise les Etats membres à déroger dans certaines conditions au principe d’égalité pour tenir compte de l’éducation des enfants ou des personnes à charge dans les régimes non-professionnels. Sans équivalent dans les régimes professionnels de sécurité sociale, le seul tempérament pour ces régimes repose sur le paragraphe 4 de l’article 141/157 TFUE qui autorise les « avantages spécifiques destinés à faciliter le travail des femmes » à déroger au principe d’égalité, ou les mesures destinées à « prévenir ou compenser les désavantages de carrière » [8]. C’est donc la notion de discrimination positive que la Cour a été amenée à délimiter, par exemple pour accorder une priorité aux femmes pour des places en crèche, ou pour leur réserver une prime de naissance comme contrepartie de la perte sur les primes de rendement pendant leur congé de maternité [9]

3. Alors que la France avait fait l’objet de deux condamnations en manquement pour non-transposition des directives en matière de régimes professionnels de sécurité sociale [10], les limites à cette discrimination positive a été au cœur de l’arrêt Griesmar du 29 novembre 2001, par lequel la Cour de Justice de l’Union Européenne a rejeté la compensation invoquée pour les quatre trimestres de bonification pour enfants de l’article L.12 du Code des pensions civiles et militaires de retraite (ci-après C.P.C.M.R.) aux motifs d’une part que les hommes et les femmes sont dans une situation comparable pour l’éducation des enfants, et d’autre part que cette mesure « se borne à accorder aux fonctionnaires féminins ayant la qualité de mère une bonification d’ancienneté au moment de leur départ à la retraite, sans porter remède aux problèmes qu’elles peuvent rencontrer durant leur carrière professionnelle » [11]. Sachant que le congé de maternité est accompagné du maintien intégral de traitement et des droits à avancement et à la retraite, et que cette mesure avait été introduite en 1924 en même temps que le départ anticipé à la retraite pour les fonctionnaires mères de trois enfants afin de laisser leurs places de travail aux hommes revenus du Front de la Première Guerre Mondiale, la doctrine a salué cette décision comme mettant un terme à une mesure qui consacre une répartition traditionnelle des tâches entre les hommes et les femmes devenue anachronique [12]. La Cour en a tiré les mêmes conclusions pour le dispositif de départ anticipé du fonctionnaire conjoint d’invalide par son arrêt Mouflin C-206/00 du 13 décembre 2001, suivie par le Conseil d’Etat pour la bonification pour enfants ainsi que pour le départ anticipé des mères de trois enfants prévu par l’article L.24 C.P.C.M.R. [13].

4. C’est ainsi que le législateur a dû modifier ces deux dispositifs familiaux entre 2003 et 2005 dans des conditions sur lesquelles nous reviendrons pour remplacer « femmes fonctionnaires » par « fonctionnaires ayant interrompu leur activité pendant plus de deux mois » dans le cadre de certains congés familiaux [14] Sauf à justifier de un à trois congés parentaux pour la naissance de leur(s) enfant(s), les pères de famille étaient de facto exclus du bénéfice de cette réforme réservée aux femmes via le congé de maternité, et ils ont vainement plaidé la discrimination indirecte devant le Conseil d’Etat qui l’a écartée sans renvoi préjudiciel au terme d’une jurisprudence D’Amato appliquée à la bonification pour enfants et à la retraite anticipée des parents de trois enfants. [15] Après dix années de bataille judiciaire acharnée, et grâce à des recours fondés sur la responsabilité de l’Etat « du fait des juridictions » en vertu d’une jurisprudence communautaire récente [16], la Cour de Justice de l’Union Européenne a fini par être saisie pour reconnaître la discrimination indirecte par un arrêt « Epoux Leone » C-173/13 du 17 juillet 2017. Mais, curieusement, cet arrêt a donné lieu à des applications radicalement divergentes entre les juridictions judiciaires intervenues dans les régimes dits spéciaux « assimilés fonctionnaires » et les juridictions administratives après un arrêt de principe Quintanel prononcé le 27 mars 2015 par le Conseil d’Etat. [17] Les motifs retenus par le Conseil d’Etat et les circonstances dans lesquelles ce dernier a élaboré un ensemble jurisprudentiel défavorable aux fonctionnaires masculins sont en effet particulièrement insolites, puisqu’il s’avère que la formation de jugement de ce dernier ne respectait pas l’obligation de déport qui, pour garantir son indépendance et son impartialité, fait interdiction aux membres ayant participé aux avis consultatifs de siéger au contentieux pour « la même affaire » [18].

5. Ce bref aperçu chronologique sur le contentieux de l’égalité des sexes dans les régimes de retraite a fait émerger plusieurs problématiques qui s’entremêlent : Celle des différences de conception du principe d’égalité, entre la conception française et la conception communautaire dans les régimes dits « professionnels de sécurité sociale », celle de discrimination indirecte et positive en faveur des femmes, et celle de l’efficacité du mécanisme de renvoi préjudiciel, en particulier devant le Conseil d’Etat tenu en principe d’une obligation dite « systémique » de saisine de la C.J.U.E. Mais ce contentieux a aussi posé la question de l’indépendance des juridictions du fond lorsqu’elles doivent « juger » de la conformité de la jurisprudence de leur juridiction de cassation avec le droit communautaire, de l’autorité des réponses préjudicielles devant les juridictions françaises, et de l’impartialité du Conseil d’Etat lui-même d’une part lorsqu’il se trouve en position de juge et partie de sa propre jurisprudence, et d’autre part en raison de sa dualité de fonctions consultatives et contentieuses. Pour traiter de toutes ces questions, nous aborderons d’abord la discrimination indirecte et les failles du mécanisme préjudiciel (I.) avant de s’intéresser à l’effectivité du droit communautaire en droit interne et au principe d’impartialité dans la justice administrative française (II.).

I. Une discrimination directe remplacée par une discrimination indirecte : La guerre des sexes.

6. Contrairement à son arrêt Barber du 17 mai 1990, la Cour avait rejeté la demande du gouvernement français permettant de limiter les effets de son arrêt à l’avenir lors de son arrêt Griesmar de 2001 [19]. Le législateur était donc obligé de modifier pour les futures retraites la bonification pour enfants de l’article L.12 CPCMR, et le droit au départ anticipé des fonctionnaires conjoints d’invalides visé par l’arrêt Mouflin pris deux mois plus tard, ce qu’elle a fait par la loi de réforme des retraites dite « Loi Fillon » de 2003. Le législateur ayant fait le choix de ne pas modifier le dispositif de retraite anticipée des mères de trois enfants qui n’avait pas expressément été condamné par la Cour de Luxembourg, les modifications législatives et réglementaires se sont étalées entre 2003 et 2005. Mais au lieu de réformer ces textes en profondeur, c’est un toilettage rédactionnel qui a été opéré, conforté par la jurisprudence du Conseil d’Etat grâce au blocage du renvoi préjudiciel, à peine contrarié par la Commission Européenne (A). Au terme d’un singulier bras de fer contentieux, la Cour de Justice de l’Union Européenne a fini par donner raison à la thèse de la discrimination indirecte (B).

A. Le Conseil d’Etat valide les nouveaux textes et bloque le mécanisme préjudiciel : Un contournement de la jurisprudence communautaire de 2003 à 2010.

7. S’agissant de la bonification pour enfants, l’article 48 de la loi n°2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites va d’une part distinguer entre les enfants nés avant ou après le 1er janvier 2004, et d’autre part remplacer « femmes fonctionnaires » par « fonctionnaires ayant interrompu leur activité dans des conditions fixées par décret pris après avis du Conseil d’Etat ». Pour les naissances postérieures à 2004, les interruptions d’activité seront validées comme des périodes travaillées ou donneront lieu à une majoration de durée d’assurance de deux trimestres au lieu de quatre auparavant, sans pouvoir cumuler les deux avantages [20]. Cela permet de valider l’intégralité d’un congé parental de trois ans comme une période cotisée et, à défaut, de valider deux trimestres de cotisations au titre du congé de maternité s’agissant d’une interruption de plus de deux mois. Pour les naissances antérieures au 1er janvier 2004, la bonification reste fixée à quatre trimestres sous condition d’interruption dans des conditions fixées par décret, à savoir deux mois d’interruption pris dans le cadre d’un congé de maternité, congé de paternité, congé d’adoption, congé parental, congé de présence parentale ou disponibilité pour élever un enfant de plus de huit ans [21]. Selon l’exposé des motifs, il s’agissait d’éliminer les discriminations pour mettre la législation française en conformité avec le droit communautaire, mais « pour les enfants à naître après le 1er janvier 2004 », selon les propos du ministre de la fonction publique devant l’Assemblée Nationale justifiant le choix du gouvernement « de préserver la totalité du droit des femmes dont les enfants étaient déjà nés » en raison du coût de l’extension de la bonification aux hommes [22]. L’artifice consiste ainsi à exiger une interruption d’activité que seules les fonctionnaires féminins peuvent justifier systématiquement par le congé de maternité, ce qui n’a pas échappé à la doctrine qui évoque une « apparence d’égalité » pour ménager les finances publiques, mais toujours discriminatoire [23].

8. Le Conseil Constitutionnel a validé le principe de l’interruption d’activité comme conforme au principe d’égalité prévu par la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen dans sa décision du 14 août 2003 qui se prononçait sans connaître le détail des interruptions fixées ultérieurement par décret, et sans (pouvoir) se prononcer sur la conformité avec la jurisprudence communautaire [24]. De plus, l’article 48 de la loi a prévu une application rétroactive de ces modifications aux pensions liquidées à compter du 28 mai 2003 correspondant à la date d’adoption du projet de loi en conseil des ministres, de sorte que ces deux questions portant sur la discrimination indirecte et sur la rétroactivité ont été soumises et tranchées par le Conseil d’Etat par deux arrêts prononcés le 29 décembre 2004. Par un arrêt D’Amato & Autres, le Conseil d’Etat rejette le recours pour excès de pouvoir dirigé contre le décret d’application en invoquant la directive 79/7 (alors qu’elle concerne les régimes non-professionnels de sécurité sociale exclus par l’arrêt Griesmar), au motif que l’avantage est ouvert aux hommes comme aux femmes, et que l’article 6 des Accords sur la politique sociale (devenu art.141 §4 Traité CE) n’interdisait pas au législateur de fixer des congés facultatifs ou obligatoires, pour la plupart non rémunérés, tout en reconnaissant que la mesure bénéficiera principalement aux femmes et que le congé parental n’avait bénéficié « dans un premier temps » qu’aux femmes [25].
L’arrêt Frette, quant à lui, a rejeté le grief tiré de la rétroactivité de la loi au motif que celle-ci ne remettait pas en question les pensions de retraite déjà liquidées [26].

9. Dès le lendemain de ces arrêts, un amendement soutenu par le sénateur Leclerc a permis de modifier le dispositif de retraite anticipée des mères de trois enfants par la même condition d’interruption d’activité grâce à un cavalier législatif de la loi de finances du budget de la sécurité sociale de 2004 [27], également rétroactif pour mettre un terme aux multiples procédures en cours devant les Tribunaux Administratifs [28]. Ici encore, le gouvernement ne cachait pas son intention de contourner la jurisprudence communautaire par le biais du congé de maternité, comme en témoigne le rapport du Député Jacquat à l’Assemblée Nationale [29]. La doctrine n’a pas manqué de souligner la « résistance » du Conseil d’Etat dont l’arrêt D’Amato s’inscrit en contradiction avec la jurisprudence communautaire Griesmar [30]. Elle a également clairement identifié le contournement de la jurisprudence communautaire par l’apparente neutralité des deux dispositifs sous couvert de justifications strictement maternelles à travers le congé de maternité [31]. L’effet rétroactif de ces lois a donné lieu à une succession de jurisprudences singulières où le Conseil d’Etat a dû rappeler que la loi ne pouvait être opposée aux fonctionnaires sans le décret d’application (qui n’est intervenu que le 10 mai 2005) [32]. Le Conseil d’Etat a ensuite rendu un avis Provin du 27 mai 2005, par lequel la rétroactivité de la loi a été limitée aux demandes des fonctionnaires antérieures à la publication de la loi ou aux recours engagés antérieurement à l’intervention du décret [33], laissant ironiser la doctrine sur l’ « effraction législative » censurée mais sauvée par le Conseil d’Etat [34]. Cette chronique législative et jurisprudentielle sur la rétroactivité a également donné lieu à un arrêt de condamnation de la Cour Européenne des Droits de l’Homme sur le fondement de l’article 6 de la CESDH et du premier protocole additionnel [35], amenant le Conseil d’Etat à atténuer la rigueur de sa jurisprudence sur la rétroactivité pour la bonification par un arrêt Wessang de 2006 [36], dont les effets pratiques étaient rapidement anéantis par son arrêt Boulet-Gercourt en raison de la distinction des contentieux de l’admission à la retraite et de la liquidation de pension. [37].

10. Sur le terrain de la discrimination indirecte, c’est la Haute Autorité de Lutte contre les Discriminations qui a officiellement reconnu la discrimination indirecte pour les deux dispositifs de bonification et retraite anticipée en retenant l’apparente neutralité de la condition d’interruption d’activité via le congé de maternité obligatoire [38]. Toutefois, le Conseil d’Etat a repris sa jurisprudence D’Amato appliquée au dispositif de retraite anticipée considéré comme conforme au principe d’égalité tel que la Cour de Justice l’a interprété dans sa jurisprudence Griesmar et Mouflin, toujours sans renvoi préjudiciel par deux arrêts DELIN de 2006 et Marchand-F.O. de 2007 [39]. Les mêmes modifications vont être introduites dans l’ensemble des régimes spéciaux de retraite assimilés fonctionnaires tels que les régimes de la SNCF, RATP, Banque de France, et autres EDF par des décrets pris entre 2006 et 2008 [40]. Cependant, la Commission Européenne avait ouvert une procédure d’infraction n°2004/4148 depuis 2004 contre la France pour la discrimination indirecte résultant de ces réformes au préjudice des fonctionnaires masculins à l’origine de la loi n°2010-1330 du 9 novembre 2010 (dite « Loi Woerth ») qui a assoupli la condition d’interruption d’activité : Le bénéfice des deux mesures était désormais ouvert aux simples réductions d’activité telles que précisées par décret, c’est-à-dire au temps partiel jusqu’à 70% d’un temps complet pris dans le cadre des mêmes congés familiaux qu’auparavant [41]. Sans supprimer le dispositif de retraite anticipée des parents de trois enfants, la loi a programmé son extinction progressive pour toutes les naissances postérieures à 2012 [42]. Si ce toilettage a permis la clôture de la procédure d’infraction de la Commission Européenne, elle constituait aussi un aveu du caractère discriminatoire en vigueur entre 2003 et 2011, mais selon les réponses ministérielles, les dispositifs incriminés n’étaient pas discriminatoires, et le sont encore moins depuis la loi Woerth de 2010 [43].

11. Ainsi, malgré l’abondante jurisprudence générée par ce contentieux nourri, aucune juridiction administrative n’a saisi la Cour de Justice de l’Union Européenne, malgré l’obligation dite systémique de renvoi qui s’impose normalement aux juridictions internes du dernier degré [44].

B. Un renvoi préjudiciel « au forceps » fondé sur la responsabilité du fait de la jurisprudence du Conseil d’Etat. Dix ans pour reconnaître la discrimination indirecte avec l’arrêt Leone de la C.J.U.E. du 17 juillet 2014.

12. Par un arrêt Köbler du 30 septembre 2003, la Cour de Justice avait dit pour droit que la responsabilité des Etats membres pouvait être également engagée à raison du contenu de la jurisprudence des juridictions suprêmes nationales pour violation du droit communautaire, en l’espèce du fait que la Cour Fédérale Administrative autrichienne n’avait pas saisi la Cour de Justice d’un renvoi préjudiciel et statué dans un sens opposé à la jurisprudence communautaire [45]. C’est ainsi que la responsabilité de l’Etat du fait des jurisprudences négatives du Conseil d’Etat, sans renvoi préjudiciel, a été engagée par des demandes préalables, à l’origine de quatre-vingt-huit requêtes de plein contentieux réparties auprès de quasiment tous les tribunaux administratifs de métropole et outre-mer, dont le tribunal administratif de Saint-Denis de La Réunion, à l’origine d’un premier renvoi préjudiciel ordonné avant dire droit dans son affaire tête de série Amedée le 25 novembre 2010 [46] .Plaidée en septembre 2011, la CJUE sera, contre toute attente, dessaisie par arrêt de la cour administrative d’appel de Bordeaux du 29 décembre 2011 qui, au lieu d’examiner les griefs dirigés contre la jurisprudence D’Amato, notamment pour son manquement à l’obligation systémique de renvoi préjudiciel, a annulé le renvoi ordonné par les premiers juges en se fondant exclusivement sur la jurisprudence D’Amato elle-même [47]. Or, la stratégie judiciaire engagée consistait à contraindre les juridictions administratives du fond à ce renvoi préjudiciel en rappelant qu’à défaut, le Conseil d’Etat se trouverait, en dernier lieu, en position de juge et partie de sa propre jurisprudence. Mais malgré cette incompatibilité avec l’exigence d’impartialité protégée par l’article 6 de la CESDH, doublée de l’obligation systémique de renvoi préjudiciel prévue par l’article 242/267 TFUE en tant que juridiction du dernier degré, ce dernier a rejeté le pourvoi par un simple arrêt de non-admission non-motivé du 17 octobre 2012 [48].

13. Par ailleurs, plusieurs tribunaux administratifs ont rejeté les recours indemnitaires après avoir soulevé d’office le moyen d’ordre public selon lequel ces recours indemnitaires auraient la même cause et le même objet que les recours pour excès de pouvoir définitivement rejetés par les mêmes tribunaux, ce qui revenait à dénier le fondement même résultant de la jurisprudence Köbler [49]. En outre, ces rejets intervenaient parfois en formation de juge délégué compétente en premier et dernier ressort en matière de pension, alors que ces recours portant sur plus de 10.000€ devaient être jugés par une formation collégiale susceptible d’appel [50]. C’est pourquoi un certain nombre de requérants ont régularisé des requêtes en suspicion légitime destinées à dessaisir ces tribunaux administratifs refusant seulement d’envisager la responsabilité du fait de la jurisprudence du Conseil d’Etat qu’ils étaient censés juger. Ils ont ainsi invoqué la circonstance que ce dernier avait pu statuer sur sa propre responsabilité et que les rejets sans renvoi préjudiciel constituaient une violation du procès équitable devant un tribunal impartial, au regard de la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme [51]. Ces requêtes en suspicion légitime ont été rejetées par les cours administratives d’appel, et suffisamment mal perçues pour que certaines assortissent leurs décisions d’une amende civile pour recours abusif dont les pourvois ne seront même pas examinés par le Conseil d’Etat [52]. C’est donc dans un contexte particulièrement tendu entre les requérants et les juridictions administratives que la Cour administrative d’appel de Lyon a ordonné un nouveau renvoi préjudiciel en chambres réunies le 3 avril 2013 par trois questions préjudicielles portant sur les deux dispositifs en cause et la possibilité de compensation prévue par le paragraphe 4 de l’article 141 / 157 [53].

14. A Luxembourg, et en dépit des conclusions défavorables de son avocat général Jaaskinen [54], la Cour de Justice a confirmé la thèse de la discrimination indirecte par son arrêt « Epoux Leone » C-173/13 du 17 juillet 2014 pour les deux mesures en cause, en écartant la justification de la compensation avancée une fois encore par le gouvernement français mais, conformément à son office interprétatif, sous réserve d’appréciation finale par la juridiction nationale [55]. Il restait donc aux juridictions françaises à en tirer les conséquences.

II. L’indépendance du Conseil d’Etat doublement mise en cause : La guerre des juges.

15. Le communiqué de presse de la Cour sur l’arrêt Leone [56] et les commentaires de la doctrine ne laissaient que peu de place à une marge d’appréciation des juridictions françaises [57]. Pourtant, les juridictions civiles appelées à statuer dans des affaires pendantes sur des régimes spéciaux « assimilés fonctionnaires » et les juridictions administratives aboutiront à des solutions parfaitement divergentes. C’est le début de la guerre des juges (A) à l’occasion de laquelle la dualité de fonction du Conseil a amené les plaideurs à mettre en cause son impartialité, notamment par voie de Q.P.C.(B).

A. L’arrêt Quintanel du Conseil d’Etat du 27 mars 2015 : Du manquement au principe de protection juridictionnelle effective…

16. Rappelant qu’elle avait déjà jugé que les hommes et les femmes étaient dans une « situation comparable » pour l’éducation des enfants, la Cour a relevé que les statistiques présentées permettaient de présumer de l’existence d’une discrimination indirecte, d’ailleurs reconnue par la HALDE et non contestée par le Conseil d’Etat dans son arrêt D’Amato, mais elle a mis en doute la justification avancée au titre de la compensation en relevant qu’elle ne pouvait se contenter de « simples affirmations générales » du gouvernement puisque le congé de maternité n’entraîne pas de préjudice de carrière dès lors qu’il est intégralement compensé par le maintien du traitement, des droits à avancement et à la retraite. La Cour a considéré que le gouvernement ne rapportait pas la preuve que la condition d’interruption d’activité constituait un critère étranger au sexe des travailleurs, et que le maintien des mesures antérieures d’apparence neutres ne constituaient pas, selon sa jurisprudence traditionnelle, un « moyen nécessaire et approprié » mis en œuvre « de manière cohérente et systématique » destiné à « rétablir véritablement » l’égalité de traitement entre hommes et femmes malgré l’objectif affiché de la loi. Sur la troisième question relative à l’exception de discrimination positive admise par le paragraphe 4 de l’article 141/157 TFUE, la Cour a rappelé que la mesure ne peut « se borner à intervenir en fin de carrière sans aider les femmes à mener leur vie professionnelle sur un pied d’égalité avec les hommes ». L’office interprétatif de la Cour de Luxembourg en matière préjudiciel étant toujours « sous réserve d’appréciation finale des juridictions nationales », les cours d’appel (civiles) de Lyon et de Rennes en ont tiré les conséquences pour les régimes spéciaux de la SNCF et le régime des enseignants du secteur privé sous contrat en écartant la condition d’interruption d’activité pour prononcer l’admission au départ anticipé de deux pères de trois enfants [58]. C’est sur ces bases que des dizaines de requérants fonctionnaires attendaient début 2015 avec impatience la position de la cour administrative d’appel de Lyon dont l’instruction marquait le pas, ayant rejeté un recours en référé-suspension pour défaut d’urgence [59].

17. Mais suivant son rapporteur public selon lequel la Cour administrative d’appel de LYON « a cru bon de saisir la Cour d’un renvoi préjudiciel », et fustigeant l’empiètement jurisprudentiel de la Cour sur les marges de manœuvre laissées aux législateurs nationaux [60], le Conseil d’Etat a justifié, sans la dénier, la discrimination indirecte par un arrêt d’assemblée du 27 mars 2015 en suivant en substance le raisonnement suivant : L’arrêt Leone de la Cour de Justice de l’Union Européenne laisse aux juridictions nationales le soin d’apprécier souverainement s’il existe un but légitime d’intérêt social qui justifie la discrimination indirecte constatée, le ministre du budget produit des statistiques selon lesquelles les écarts de pension entre fonctionnaires hommes et femmes sont nuls lorsqu’ils n’ont aucun enfant, mais s’aggravent en défaveur des femmes à mesure du nombre d’enfants (de 9,8% pour un enfant à 23% pour quatre enfants), de sorte que la bonification constitue une « rémunération différée » qui permet, « à titre transitoire », d’apporter une « compensation partielle et forfaitaire » pour les enfants nés avant le 1er janvier 2004 destinée à compenser « les conséquences de la naissance et de l’éducation des enfants sur le déroulement de la carrière d’une femme ». C’est au nom des mêmes écarts de pension que l’arrêt justifie « en l’état de la société française d’alors » l’avantage indirectement accordé aux femmes par le congé de maternité pour le bénéfice de la retraite anticipée [61].

18. Or, le Conseil d’Etat procède encore par « affirmations générales », pourtant déjà condamnées par l’arrêt LEONE [62], sur la base de statistiques produites unilatéralement par le ministre des finances [63] qui ne permettent aucune comparaison à situation équivalente, et qui ne justifient pas davantage que le congé de maternité demeure dans la liste des congés ouvrant droit à ces deux avantages familiaux, puisque le Conseil d’Etat et son rapporteur public reconnaissent que ces écarts croissant de retraite n’en sont pas la conséquence [64]. La haute juridiction n’apportera pas de réponse aux objections tenant au fait que le critère d’interruption incluant le congé de maternité n’est donc pas étranger au sexe des intéressés, que ces mesures ne tendent pas véritablement à rétablir l’égalité de traitement, ou que l’octroi systématique de la retraite anticipée réservée aux femmes aggrave au contraire les écarts de pension contre lesquels il était censé lutter. Ces contradictions seront également relevées par la doctrine qui évoquera une jurisprudence prenant clairement le contrepied de l’arrêt LEONE de la Cour de Justice de l’Union [65], signe d’une « résistance » du Conseil d’Etat de nature à ouvrir une « guerre des Juges », non seulement avec la Cour de Justice Européenne, mais encore avec le juge judiciaire dont le Conseil d’Etat avait pourtant connaissance [66].

19. Une étape supplémentaire a été franchie le 19 décembre 2019 avec l’arrêt BRYSSENS rendu par la deuxième chambre de la Cour de Cassation qui invalide le raisonnement tenu par l’arrêt Quintanel du Conseil d’Etat, en tous cas pour la discrimination indirecte de la retraite anticipé transposée dans le régime de retraite de la SNCF [67]. C’est en pleine connaissance de cause que la haute Cour n’a pas suivi son avocat général qui l’incitait à s’inscrire dans les pas du Conseil d’Etat, en retenant le manque de cohérence du raisonnement au regard des indications fournies par les juges de Luxembourg dans son Leone [68].

20. Est-ce vraiment pour maintenir une discrimination positive « à la française », distincte de la conception européenne de l’égalité jugée trop restrictive, que le Conseil d’Etat s’écarte aussi clairement de l’arrêt Leone, alors qu’en accordant aux fonctionnaires masculins les mêmes droits que ceux ouverts aux femmes au contentieux, il n’aurait fait qu’achever l’obligation faite au législateur de réviser ces avantages familiaux ? [69] C’est en effet le risque de suppression de ladite bonification que le Conseil d’Etat a invoqué dans son arrêt, comme si le législateur français n’avait pas d’autre alternative, notamment pour des raisons financières faisant obstacle à l’extension pure et simple de ces mesures aux fonctionnaires masculins [70]. Mais d’une part, cette analyse est démentie par le fait que la haute juridiction a également justifié la discrimination indirecte pour le départ anticipé des pères de trois enfants, alors que son maintien au nom « de la société d’alors » aggrave les écarts de retraite des fonctionnaires mères de trois enfants de 6% [71]. Cette conception de la discrimination positive s’avère difficilement défendable, en dépit de son extinction progressive programmée par la loi Woerth du 9 novembre 2010, alors que la solution inverse qui aurait retenu la discrimination indirecte prohibée pour la seule jouissance immédiate à la retraite n’aurait plus concerné que quelques centaines de cas [72]. D’autre part, et s’agissant de la bonification pour enfants, le législateur avait bien d’autres pistes de réforme, puisqu’il pouvait facilement étendre la validation gratuite des périodes d’interruption comme pour les naissances postérieures à 2004, ce qui aurait eu le mérite de compenser intégralement les trois ans de congé parental total ou partiel pris par de nombreuses femmes fonctionnaires, à l’instar de ce qui a été retenu pour les retraites de base du secteur privé à effet immédiat et rétroactif par la loi du 24 décembre 2009 [73].

21. Certes, modifier la bonification des femmes fonctionnaires alors qu’elles en sont toujours les principales bénéficiaires par le seul congé de maternité, n’aurait pas été sans conséquence sur un certain équilibre obtenu depuis que la cour de cassation a également condamné les majorations de durées d’assurance du régime général de retraite [74], puisque le système retenu par la loi de finance rectificative du budget de la sécurité sociale précitée de 2009 aboutit également en pratique à réserver cet avantage indirectement aux seules femmes pendant encore au moins quarante ans [75]. Pourtant, si l’arrêt Quintanel permet encore de gagner du temps après plus dix années de blocage du mécanisme préjudiciel, de nombreux rapports notamment parlementaires s’étaient succédés pour souligner que les écarts de retraite ne sont plus la conséquence des interruptions ou réductions d’activité mais des différences de salaires pendant la carrière [76], de sorte que la refonte des dispositifs familiaux de retraite pour cause de compilation anarchique était à l’ordre du jour depuis plusieurs années [77], voire déjà programmée depuis 2013 [78].
En effet, les bonifications pour enfants des régimes spéciaux du public et les M.D.A. du régime général se cumulent avec d’autres dispositifs de compensation tels que les périodes validées ou assimilées, l’assurance vieillesse des parents au foyer (A.V.P.F.) et les majorations famille nombreuses, ce qui incite à davantage de rationalisation en tenant compte de réalités sociales jusqu’ici négligées telles que les divorces/séparations comme l’avait utilement rappelé la H.A.L.D.E [79]. Or, la jurisprudence de la Cour et la directive 2006/54 sur les régimes professionnels autorisent tout à fait les mesures positives pour la promotion de l’égalité des sexes, mais pas une prétendue discrimination positive qui alimente artificiellement, via le congé de maternité, une « guerre des sexes » par de fausses réponses à de vraies questions de société [80], car particulièrement dans la fonction publique, les études récentes confirment que les écarts de traitements résultent en fait des catégories d’emplois et de grades ou, surtout à partir du troisième enfant, du temps partiel choisi [81], et comme le rappelle le président du Haut Conseil aux Familles dans son rapport de mars 2015 : « ce n’est pas la vocation des systèmes de retraite de corriger les écarts de salaire, notamment ceux liés au positionnement des mères sur des métiers moins valorisés » [82].

22. Le Conseil d’Etat n’étant pas responsable des errements du législateur, avait-il d’autres raisons pour défier l’autorité juridictionnelle de la Cour qu’une discrimination positive dévoyée, et vouée à être réformée ? La question mérite d’être posée, puisque sa décision cèlera le sort de sa propre responsabilité pour méconnaissance du droit communautaire dans le cadre des recours indemnitaires en cours devant les juridictions du fond, notamment devant la cour administrative d’appel de Lyon ?

B. … aux violations du principe d’impartialité par le Conseil d’Etat :

23. Le Conseil d’Etat était saisi d’un certain nombre de pourvois soutenus dans l’espoir d’un arrêt préjudiciel favorable attendu pour le courant de l’année 2014. Parmi ces pourvois figurait celui d’un enseignant, Monsieur Quintanel, qui avait demandé la communication de la liste des conseillers d’Etat ayant participé aux avis consultatifs sur les textes incriminés [83]. Cet enseignant étant décédé en activité quelques semaines avant l’arrêt du 27 mars 2015 [84], sa veuve a constaté qu’au moins neuf conseillers d’Etat sur les dix-sept ayant siégé dans la formation d’assemblée avaient aussi préalablement participé aux avis consultatifs rendus sur les textes litigieux [85] Or, l’article R.122-21-1 du CJA dispose que : « Sans préjudice des dispositions de l’article R.721-1 (récusation), les membres du Conseil d’Etat ne peuvent participer au jugement des recours dirigés contre les actes pris après avis du Conseil d’Etat, s’ils ont pris part à la délibération de cet avis ». Cette règle du « déport » avait été réintroduite par le décret n° 2008-225 du 6 mars 2008 à la suite de la jurisprudence de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (ci-après C.E.D.H.) sur la notion de tribunal impartial au sens de l’article 6 de la Convention Européenne de Sauvegarde des Droits de l’Homme (ci-après C.E.S.D.H.), en particulier après son arrêt PROCOLA de 1995 qui avait sanctionné ce manquement pour le Conseil d’Etat luxembourgeois [86].
Sur la dualité de fonctions consultatives et contentieuses des conseils d’Etat d’inspiration française, la CEDH avait rappelé par ses arrêts Kleyn & Autres du 6 mai 2003 à l’égard du Conseil d’Etat néerlandais et Sacilor Lormine contre la France du 9 novembre 2006, que si le principe d’impartialité n’imposait pas abstraitement de doctrine de séparation des pouvoirs, l’impartialité objective devait être suffisamment apparente pour inspirer confiance aux justiciables, et imposait une obligation d’abstention en cas d’exercice successif de fonctions consultatives et juridictionnelles pour la même affaire afin d’écarter tout doute légitime de préjugement [87].

24. C’est sur ce fondement que la rétractation de l’arrêt Quintanel a été demandée par sa veuve dans le cadre d’un recours en révision, mais sans nier la réalité du défaut d’abstention, le Conseil d’Etat l’a rejeté au motif que Monsieur Quintanel n’avait pas usé de sa faculté de récusation prévue par l’article R.721-1 du CJA [88]. Or, la récusation de plus de la moitié des membres de la formation de jugement était impossible et d’ailleurs irrecevable comme constitutive en réalité d’une requête en suspicion légitime [89]. Cet arrêt (inédit) va pourtant à l’encontre de la jurisprudence du Conseil d’Etat lui-même qui a sanctionné pour ce même motif la Cour des Comptes, la Commission Centrale d’Aide Sociale ainsi que la Cour de Discipline Budgétaire et Financière [90]. Par ailleurs, d’autres requérants ont vainement soutenu la question du défaut d’impartialité par voie de questions préjudicielles au visa de l’article 47 de la Charte des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne (ci-après C.D.F.U.E.) rejetée par de simples arrêts ou ordonnances de non-admission, y compris lorsque le Conseil d’Etat était juge et partie de sa propre jurisprudence, notamment dans le recours indemnitaire des époux D’AMATO eux-mêmes [91]. De même, et à l’instar des cours administratives encore massivement saisies des recours indemnitaires en instance depuis 2008, la cour administrative d’appel de LYON s’inclinera en rejetant celui des Epoux LEONE par arrêt du 3 novembre 2015 par application des considérants QUINTANEL, où la Caisse des Dépôts avait elle-même avancé l’argument insolite (mais Ô combien prémonitoire) selon lequel la solution de la CJUE n’était pas encore acquise en raison du rôle joué par le Conseil d’Etat lui-même « en tant que conseiller du gouvernement » lors des avis consultatifs [92].

25. Le Conseil d’Etat ayant confirmé sa jurisprudence Quintanel par des multiples arrêts et ordonnances de non-admission [93], c’est donc dans un contexte de défiance assumée que les requérants ont, courant 2016, mis en cause la méconnaissance du principe d’impartialité par voie de question prioritaire de constitutionnalité (ci-après Q.P.C.) reposant sur l’absence de cloisonnement entre les fonctions consultatives et juridictionnelles exercées par les mêmes conseillers d’Etat prévue par l’article L121-4 du CJA, en ce que cette disposition législative limite ce strict cloisonnement aux seuls conseillers d’Etat « en service extraordinaire » [94]. Cette question prioritaire de constitutionnalité se fondait aussi sur l’abondante jurisprudence du Conseil Constitutionnel conforme à ce principe de séparation des fonctions pour garantir l’indépendance et l’impartialité de plusieurs instances juridictionnelles [95], et sur l’arrêt Association Alcaly par lequel le Conseil d’Etat avait précisément rejeté la Q.P.C. mettant en cause sa dualité de fonctions consultatives et contentieuses par son obligation de déport invoquée comme garantie de son impartialité structurelle [96]. Mais soutenue dans des conditions particulièrement difficiles [97], et d’ailleurs émaillée d’incidents sur la composition de la 7ème sous-section du Conseil d’Etat chargée d’examiner une dizaine de pourvois [98], ce dernier a filtré cette question délicate comme n’étant « pas applicable au litige » par une série d’arrêts et ordonnances de non-admission, donc non-motivés, prononcés entre le 22 juin et le 8 juillet 2016, pour la plupart dans des recours indemnitaires où il était juge et partie de sa propre jurisprudence [99]. Et dans le cadre d’un recours pour excès de pouvoirs engagé par l’association Collectif Egalité Retraite sur le fondement de la jurisprudence ALITALIA aux fins d’abrogation-retrait des articles R.13 et R.37 du CPCMR à la suite de l’arrêt LEONE de la C.J.U.E. [100], ce sont trente-cinq autres manquements à l’obligation de déport qui ont été invoqués sur une soixantaine de pourvois rejetés entre 2004 et 2012, en particulier à l’occasion de l’arrêt n°265097 D’Amato du 23 décembre 2004 pour lequel trois conseillers sur six des sous-sections réunies avaient également pris part aux avis consultatifs. Malgré la gravité de ce grief, le Conseil d’Etat a écarté la Q.P.C. toujours considérée comme « inapplicable au litige », de même que la question préjudicielle fondée sur le défaut d’impartialité invoqué au visa de l’article 47 de la Charte des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne, en rejetant le recours sur le fond le 19 octobre 2016 par application mutatis mutandis des considérants de l’arrêt Quintanel, arrêt assorti d’une amende civile de 1 000€ pour « recours abusif », ce qui n’exclut pas un certain arbitraire de la part de la haute juridiction [101].3

26. En d’autres termes, le Conseil d’Etat a lui-même jugé que la Cour de Luxembourg n’avait pas contredit sa propre jurisprudence, que la discrimination indirecte constatée par l’arrêt Leone était en réalité justifiée, ce qui justifiait aussi de son refus de renvoi préjudiciel permettant d’exclure sa propre responsabilité et ce, dans une formation de jugement gravement affectée par sa violation de l’obligation de déport dont nul autre que lui n’aurait à connaître, surtout pas la Cour de Justice de l’U.E. ni le Conseil Constitutionnel. Et si l’on considère les innombrables jugements et arrêts de rejets prononcés par les tribunaux administratifs et cours administratives d’appel selon une stricte discipline juridictionnelle, y compris sur le fondement de la jurisprudence KÖBLER avant ou après l’arrêt Leone de 2014, ce qui confirme l’inconsistance de ces recours en responsabilité devant les juridictions françaises.

En conclusion, ces affaires Griesmar à Bryssens en passant par Leone et Quinanel dépassent la simple « saga contentieuse ». C’est une véritable épopée judiciaire qui a montré les limites aux principes de supériorité du droit communautaire, de protection juridictionnelle effective et d’impartialité contournés par la justice administrative française. Mais ce faisant, c’est à l’Etat de Droit que le Conseil d’Etat a porté une atteinte grave, ainsi qu’à la crédibilité de l’institution elle-même dans ses plus hautes fonctions juridictionnelles. Il faut espérer que la Cour Européenne des Droits de l’Homme, qui est saisie depuis 2017, soit appelée à le dire prochainement de manière claire et dans un délai raisonnable.

Bertrand MADIGNIER est ancien avocat au Barreau de Lyon devenu magistrat, Maître Aurélia KERAVEC est docteur en Droit, et avocate au Barreau de Bobigny. Maître Claudio Parisi, Avocat au Barreau de LyonN et enseignant en droit public à l'Université Lyon 3.

[1Mots clefs : Egalité de traitement – Discrimination femmes-hommes – Régimes de retraite de fonctionnaires – Discrimination indirecte – Discrimination positive – Jurisprudence GRIESMAR-MOUFLIN – Arrêts D’AMATO et autres – Arrêt Epoux LEONE C-173/13 – Arrêt QUINTANEL du Conseil d’Etat – Responsabilité droit communautaire KÖBLER – Impartialité article 6 CESDH – Article 47 charte des droits fondamentaux de l’U.E. - Obligation de déport/abstention – Arrêts C.E.D.H. PROCOLA/KLEYN/SACILOR-LORMINES – Suspicion légitime – Question prioritaire de constitutionnalité – QPC Association ALCALY.

[2Le principe a ainsi été érigé en principe de valeur constitutionnelle par la jurisprudence du Conseil Constitutionnel (voir notamment la décision controversée sur les quotas du 18 novembre 1982, DC n° 1982-146, ou celle sur la parité dans le secteur privé du 16 mars 2006, DC n° 2006-533).

[3L’article 157 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne, entré en vigueur en 2009 avec les accords de Lisbonne, a remplacé depuis le 1er mai 1999 l’article 141 du Traité de la Communauté Européenne à droit constant, ayant lui-même remplacé l’ancien article 119 du Traité de 1957. L’article 23 de la Charte des Droits Fondamentaux de l’Union Européenne prévoit également ce principe.

[4Directive du 19 décembre 1978 relative à la mise en œuvre progressive du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale, que l’on dit applicable (improprement) aux « régimes légaux », dont l’article 7 permet aux Etats membres de déroger à l’égalité stricte pour tenir compte des charges résultant des enfants ou des personnes à charge.

[5Directive 86/378 relative à la mise en œuvre du principe d’égalité de traitement entre hommes et femmes dans les régimes professionnels de sécurité sociale modifiée par la directive 96/97 du 20 décembre 1996 et reprise dans la directive dite « refonte » 2006/54 du 5 juillet 2006 relative à l’égalité des chances et de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail qui reprend notamment la directive 97/80 relative au principe d’inversion de la charge de la preuve.

[6En substance, les pensions de retraite seront qualifiées de « professionnelles » si elles sont pour une catégorie de travailleurs à raison de la relation de travail et en fonction du temps accompli, ce qui est le cas lorsqu’elle représente un pourcentage du dernier salaire ou traitement, Cf. notamment arrêts Defrenne C-80/70 du 25.05.1971 et Beune C-7/93 du 28.09.1994.

[7Par son arrêt Barber C-262/88 du 17.05.1990, la Cour a restreint la possibilité de fixer des âges différents de retraite entre hommes (65 ans) et femmes (60 ans), mais à compter de son arrêt.

[8L’article 6 de l’Accord sur la politique sociale libellé au profit des femmes a été repris quasiment à l’identique par le paragraphe 4 de l’article 141 du Traité CE devenu article 157 TFUE qui dispose que : « Pour assurer concrètement une pleine égalité entre hommes et femmes dans la vie professionnelle, le principe de l’égalité de traitement n’empêche pas un État membre de maintenir ou d’adopter des mesures prévoyant des avantages spécifiques destinés à faciliter l’exercice d’une activité professionnelle par le sexe sous-représenté ou à prévenir ou compenser des désavantages dans la carrière professionnelle ».

[9Voir respectivement l’arrêt Kalanke C-450/93 du 17.10.1995 et son tempérament opéré par l’arrêt Marschall C-409/95 du 11/11/1997 confirmé par l’arrêt BADECK C158/97 du 28.03.2000 sur les règles de priorité ou de quotas au profit des femmes si la discrimination positive n’est pas systématique et inconditionnelle ; Arrêt Lommers C-476/99 du 19.03.2002 sur les places prioritaires en crèche et l’arrêt Abdoulaye C-218/98 du 16.09.1999 sur la prime de naissance chez Renault.

[10CJCE Commission c/ France, Aff. C-312/86 du 25 octobre 1988 pour violation de la directive 86/378 et CJCE Commission c/ France Aff. C-354/98 du 8 juillet 1999 pour non-transposition de la directive 96/97 modifiant la directive 86/378.

[11Cf. respectivement §§ 55 sur la situation comparable, et §§ 65 sur l’exclusion de compensation, Aff. C-366/99.

[12Cf. notamment Pierre Boutelet : La bonification de pension réservée aux femmes est contraire au droit communautaire, in : Actualité Juridique Fonction Publique Janv.Fév.2002, page 14.

[13Aff. C-206/00 pour l’affaire Mouflin, et respectivement CE, n°141112 du 29 juillet 2002 pour la bonification de l’art.L.12 et CE n°202667 du 5 juin 2004 pour l’art.L.24.

[14Article 48 de la loi n° 2003-775 du 21 août 2003 portant réforme des retraites dite « loi Fillon » et article 136 de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 complété par les décrets d’application, voir infra.

[15CE n°265097 du 29.12.2004, D’Amato & Autres pour la bonification pour enfants, étendu à la retraite anticipée, voir infra I.A.

[16Responsabilité pour violation du droit communautaire du fait de la jurisprudence des cours nationales supérieures des Etats membres selon un arrêt Köbler contre Autriche du 30 septembre 2003, Aff. C-224/01, voir infra I.B.

[17CE Ass. n° 372426 du 27 mars 2015, voir II.A.

[18Article R.122-21-1 du CJA, voir II.B.

[19La limitation des effets de l’arrêt Barber était justifiée par les incertitudes résultant de la distinction entre régimes professionnels ou non-professionnels de sécurité sociale et les conséquences de son arrêt pour de nombreux Etats membres sur l’âge de départ à la retraite, de sorte que la Cour a décliné l’argument fondé sur le coût avancé par la France compris entre 3 et 5 milliards de francs par an en l’absence d’une quelconque incertitude juridique (§§ 75 à 77).

[20Avant la réforme de 2003, la bonification s’exprimait en annuité qui, ajoutée au taux de liquidation normal de 75% du dernier traitement, correspondait à une majoration de pension de 2%. Les durées d’assurance étant désormais exprimées en trimestres, la « bonification » devient « majoration de durée d’assurance » dont l’effet est équivalent, puisqu’il permet soit d’atteindre le nombre de trimestres requis, soit de dépasser le taux de 75% sans pouvoir dépasser 80%. Sur la validation gratuite des interruptions d’activité, voir art.L.9 modifié du CPCMR.

[21Article R.13 du CPCMR modifié par le décret n° 2003-1305 ou n° 2003-1306 du 26 décembre 2003.

[22Il s’agissait « Non pas (de) subir la loi du droit communautaire, mais tout simplement (de) tenir compte, dans un principe de précaution, d’une jurisprudence que chacun connaît rendue par la Cour de Justice des Communautés Européennes et selon laquelle les hommes pourraient bénéficier des bonifications pour enfants (…) le chiffre de 3 milliards d’euros (…) suscitait des interrogations (…) la totalité des avantages familiaux non concernés par la jurisprudence Griesmar sont totalement maintenus dans notre projet de loi, mais nous avons décidé de préserver la totalité du droit des femmes dont les enfants étaient déjà nés (…) », Intervention du Ministre de la Fonction Publique, Jean-Paul Delevoye lors de la discussion sur l’article 27 du projet ou encore « Cependant, l’extension pure et simple aux fonctionnaires hommes de cette disposition coûterait 3 milliards d’euros par an (…) Il a donc été décidé, pour le passé, de ne pas revenir sur les droits des femmes dont les enfants sont nés (...) ».

[23« La réponse ne peut être une mesure formellement égalitaire. Ce ne serait qu’une apparence d’égalité. Exiger par exemple une interruption d’activité pour avoir droit à une bonification au moment de la retraite serait discriminatoire (…) » par Marie Thérèse Lanquetin, Femmes et Retraites, http://reparti.free.fr/hptml.pdf ou encore : « La conception française de la justice sociale, si elle ménage les finances de l’employeur public, n’en reste donc pas moins discriminatoire » par Claudie Weisse-Marchal : La réforme du régime des retraites des fonctionnaires et l’égalité de traitement entre hommes et femmes, AJDA, mars 2004, page 480.

[24Cf. DC n° 2003-483 du 14.08.2003. Cette décision n’est pas surprenante, mais elle est à signaler comme ayant également validé l’article 32 de la loi qui a codifié les majorations de durée d’assurance dans le régime général de retraite (MDA) à l’article L.351-4 du Code de la Sécurité Sociale avant d’être déclaré contraire au principe de non-discrimination prévu par l’art.14 CESDH combiné avec son premier protocole additionnel relatif au droit de propriété Voir Civ. 2ème n° 07-20668 du 19 février 2009.

[25« (…) dès lors que cet avantage est ouvert tant aux hommes qu’aux femmes, ces dispositions ne sont pas incompatibles avec le principe d’égalité des rémunérations entre hommes et femmes tel qu’il a été interprété par la Cour de Justice des Communautés Européennes dans son arrêt C.366-99 du 29 novembre 2001 ; Considérant que, eu égard à l’objet de cette bonification, ce principe n’interdisait pas que le décret attaqué prévoit, alors même que de ce fait et en raison du caractère facultatif des autres congés, pour la plupart non rémunérés, le dispositif nouveau bénéficiera principalement aux fonctionnaires de sexe féminin ; que la circonstance que les dispositions régissant le congé parental d’éducation aient, dans un premier temps, réservé ce congé aux fonctionnaires de sexe féminin, n’entache pas non plus le décret attaqué d’illégalité « (…) que, toutefois, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, la bonification en cause a pour objet de compenser les inconvénients en termes de carrière qui sont subis par les fonctionnaires du fait de l’interruption de leur service en raison de la naissance ou de l’éducation des enfants », Cf. CE n° 265097 D’Amato & Autres page 4.

[26CE n° 265846 du 29 décembre 2004, pour le même motif que celui retenu par la décision DC n°2003-483 du 14.08.2003 précité point 35.

[27Cette mesure « de portée technique (visant) à tenir compte d’un revirement très récent de jurisprudences du Conseil d’Etat » est à l’origine de l’article 136 de la loi n° 2004-1485 du 30 décembre 2004 applicable aux pensions de retraite qui n’ont pas été définitivement jugées au lendemain de la publication de la loi au Journal Officiel, Cf. Rapport n° 2238 du M. Jacquat devant l’Assemblée Nationale du 06.04.2005.

[28Les Tribunaux Administratifs étaient confrontés à des milliers de recours des fonctionnaires pères de trois enfants, comme souligné par un communiqué de la CGT du 29 mars 2005 et l’article de François Koch : « Tribunaux Administratifs : triste état » dans L’Express du 21 février 2005.

[29« Les bonifications pour enfants sont devenues un casse-tête juridique depuis que la jurisprudence de la Cour de Justice Européenne est venue remettre en cause le fait qu’elles soient réservées aux femmes fonctionnaires. La solution trouvée par le Gouvernement consiste à soumettre (la jouissance immédiate à la retraite) non plus à l’appartenance au sexe féminin, mais à une interruption effective d’activité pendant une durée minimale de deux mois, interruption dont chacun sait qu’elle est davantage le fait des femmes que des hommes (…) », Rapport n° 2238 en réponse à la question sur le décret d’application de l’article 136 de la loi de finances rectificative pour 2004.

[30« (C’est) pour clairement contredire la jurisprudence de la Cour de Justice (que) le Conseil d’Etat a adopté (…) la position exactement inverse de celle qu’avait développée la Cour dans sa décision Griesmar », cf. Alexis Zarca : « le Conseil d’Etat, le traité CE et l’égalité des rémunérations entre hommes et femmes » à propos de l’arrêt D’Amato du 29 décembre 2004, droit social 2006, pages 83 et 89.

[31« Le but avoué était indiscutablement d’anéantir les conséquences de la jurisprudence communautaire en ce qu’elle octroyait aux hommes les mêmes droits qu’aux femmes. La solution consistait à rechercher comment éliminer un droit sans concession en trouvant une justification strictement maternelle : ce fut le congé de maternité ! », Soubirous & Lavigne : « Retraite anticipée des fonctionnaires parents de trois enfants : chronique d’une réforme en trompe-l’œil », AJFP, mars-avril 2005, page 91 ou encore : « Le projet de décret impose une interruption minimale correspondant dans sa durée (au moins de deux mois) et sa répartition au congé maternité. Comme annoncé officieusement, il maintient donc inchangés les droits des mères (…) », Anne Jolivet : « France : retraite anticipée pour les pères fonctionnaires : un droit reconnu mais une exclusion de fait », www.eiro.eurofound.eu.int.

[32CE n° 273305 du 23 mars 2005, arrêt Jean-Pierre & CE, n° 266873 du 26 mars 2005, arrêt Lefebvre à propos du décret n° 2005-449 du 10 mai 2005 modifiant l’article R.37 du CPCMR.

[33CE n° 277975 du 27 mai 2005, avis fourni à titre consultatif au Tribunal Administratif de Nancy.

[34Stéphane Lavigne & Philippe Soubirous : « Réforme des retraites et rétroactivité : les limites d’une effraction législative », in : RAFJ.org ; Pierre Boutelet : « Le Conseil d’Etat, censeur et protecteur de la rétroactivité des lois », Editorial AJFP, juillet-août 2005, page 169 ; Francis Berguin : « Nemo cencetur ignorare legem… futuram », Editorial AJFP, mars-avril 2005, page 57 ; Francis Berguin : « retraite anticipée des parents de trois enfants : les limites à l’intervention rétroactive du législateur », in AJFP, juillet-août 2005, pages 205 à 207.

[35CEDH, n° 39730/06 du 11 février 2010, Javaugue c/ France.

[36CE, n° 268192 du 6 février 2006 Wessang par lequel le Conseil d’Etat a opéré la même distinction entre les demandes antérieures à la loi du 21 août 2003 et les recours engagés entre la loi et le décret d’application du 26 décembre 2003 pour l’application rétroactive de la condition d’interruption d’activité, en retrait par rapport à son arrêt Frette précité.

[37CE, n° 293854 du 30 octobre 2007, Boulet-Gercourt opposant la rétroactivité de la loi au second recours distinct engagé après radiations des cadres, même si la demande de bonification était déjà posée au premier recours engagé pour obtenir l’admission en retraite anticipée comme parent de trois enfants.

[38Délibération n° 2005-32 de la HALDE du 26 septembre 2005.

[39CE n° 280681 Delin du 6 décembre 2006 & CE n° 281147 et 282169 Marchand-F.O. du 6 juillet 2007.

[40Il s’agit des régimes spéciaux de la Banque de France modifié par le décret n° 2008-1514 du 30 décembre 2008, EDF-GDF modifié par le décret n° 2008-627 du 27 juin 2008, R.A.T.P. modifié par le décret n° 2008-48 du 15 janvier 2008, SNCF modifié par le décret n° 2008-639 du 30 juin 2008, mais aussi les Ouvriers d’Etat du F.P.O.E.I.E. modifié par les décrets n° 2004-1056 du 5 octobre 2004 et n° 2005-449 du 10 mai 2005, les Clercs de Notaires modifié par le décret n° 2006-511 du 4 mai 2006 ou encore les enseignants du secteur privé sous contrat du régime dit « RETREP » modifié par le décret n° 2011-1316 du 17 octobre 2011.

[41Art 40 de la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 et son décret d’application n° 2010-1741 du 30 décembre 2010.

[42Le dispositif de retraite anticipée demeure pour des interruptions ou réductions d’activité antérieures à 2012 jusqu’aux trois ans de l’enfant au lieu des quatre mois suivant la naissance ou l’adoption, avec un report de la décote aux pensions de retraite demandées postérieurement au 1er janvier 2011 et liquidées après le 1er juillet 2011.

[43Parmi les nombreuses questions écrites posées, voir Questions écrites n° 2815,4238, 6681 & 8703 et réponses du Ministre de la Réforme de l’Etat des 13 et 27 novembre 2012 ; Questions écrites n° 12776, 14932 & 22312 et réponse du Ministre de la Réforme de l’Etat du 11 juin 2013 ; Questions écrites n° 14589, 16177 & 25771 et réponses du Ministre de la Réforme de l’Etat des 28 mai et 25 juin 2013. Le dispositif encore moins discriminatoire aurait fait dire à un célèbre humoriste du vingtième siècle qu’avant la loi Woerth, c’était blanc, et après la loi, c’est « plus blanc que blanc »…

[44Art.242 du Traité CE devenu art.267 TFUE.

[45A la triple condition que le droit communautaire confère des droits individuels aux particuliers, que la violation du droit communautaire soit caractérisée, et que le lien de causalité entre le préjudice et l’atteinte soit établi, Cf. CJCE Köbler du 30 septembre 2003 Aff. C-224/01, confirmée par CJCE Traghetti del Mediterraneo Aff. C-173/03 du 13.06.2006.

[46Aff. C-572/10 sur saisine préjudicielle du TA de St Denis-de-la-Réunion, parmi les 88 recours indemnitaires à caractère collectif déposés au tribunal administratif de PARIS, renvoyés au Conseil d’Etat qui les a redistribués selon le critère territorial du domicile des requérants.

[47« Considérant qu’Il résulte de l’instruction que le Conseil d’Etat a jugé le 29 décembre 2004 dans la décision D’Amato que l’article 48 de la loi du 21 août 2003 et l’article 6 du décret du 26 décembre 2003 modifiant les dispositions des articles L.12b et R.13 CPCMR (…) était compatible avec le principe d’égalité des rémunérations des deux sexes (…) tel que la Cour de Justice des Communautés européennes dans son arrêt C-366/99 du 29 novembre 2001. Qu’il s’ensuit que les questions préjudicielles posées par le tribunal administratif de St Denis-de-la-Réunion ne présente pas de caractère utile à la solution du litige » Cf. CAA Bordeaux n°11BX00446 et 11BX01425 page 7.

[48CE, n° 357141 du 17 octobre 2012, Amedée confirmé dans un autre recours « purement indemnitaire » par CE, n°359709 du 1er mars 2013 Degrugillier.

[49Le Conseil d’Etat avait pourtant accepté le principe de cette responsabilité, a priori sans faute, pour simple violation caractérisée du droit communautaire par un arrêt n° 295831 du 18 juin 2008 Gestas, concluant à un rejet dans l’espèce en cause, mais écartant le régime de responsabilité pour faute lourde de la jurisprudence Darmon-Madjera, voir notamment Jean Courtial : La responsabilité du fait de l’activité des juridictions de l’ordre administratif : un droit sous influence européenne ? in AJDA 01.03.2004 page 423.

[50Si le juge du recours indemnitaire était exceptionnellement le même que celui qui avait rejeté le recours initial, les dommages et intérêts demandés (après conversion des bonifications pour enfants sous forme capitalisée sur la base d’un barème fiscal de l’I.S.F.) dépassaient très largement le seuil fixé par les dispositions combinées des articles R.811-1 et R.222-13 et 14 CJA, soit un plein contentieux justiciable de la formation collégiale.

[51Voir CEDH n° 3989/07 & 38353/07 Ullens de Schooten & Rezabek c/ Belgique du 8 mars 2012 (décision recevabilité) confirmé depuis par CEDH n° 17120/09 DHABI c/ Italie du 08.04.2014 pour la sanction d’un rejet non-motivé de renvoi préjudiciel.

[52Amendes de 500 à 1.000€ prononcées par les CAA de Douai, Nantes et Paris, confirmées par ordonnances de non-admission non motivées, même après désistement pour certaines (CE n° 367488, Couffon & n° 367487, Moreau du 13 novembre 2013 ; CE n° 368360, Millot & n° 368362, Lautecaze du 25 octobre 2013 ; CE n° 367486, Seveno & n° 365667, Plaisant du 6 mai 2013), le Conseil d’Etat ne s’étant jamais prononcé sur les requêtes en suspicion légitime dirigées contre certaines cours administratives d’appel elles-mêmes en considérant qu’il n’y avait plus lieu de statuer (Ordonnance CE n° 365242 Couffon du 6 mai 2013).

[53La CAA de Lyon avait renvoyé un certain nombre de recours indemnitaires par voie d’ordonnances au Conseil d’Etat qui les lui a renvoyé en présence d’un contentieux indemnitaire de plus de 10.000€, ce qui avait permis d’entamer un dialogue entre la juridiction lyonnaise et le conseil des requérants, passant par un désistement sur les requêtes en suspicion légitime dirigées contre elle puis à l’arrêt de renvoi n°12LY02496 rendu le 3 avril 2013 en chambres réunies dans le recours indemnitaire Leone (dont l’épouse infirmière hospitalière avait pu bénéficier du départ anticipé en raison de ses trois congés de maternité contrairement à son conjoint également infirmier).

[54Celui-ci a soutenu, aussi bien dans l’affaire Amedee que dans l’affaire Leone, des conclusions selon lesquelles les fonctionnaires masculins et féminins n’étaient pas dans une situation comparable pour l’éducation des enfants, et que la restriction apportée par l’arrêt Griesmar sur les mesures de compensation prévues par le paragraphe 4 de l’article 141 / 157 TFUE aboutissait à « pétrifier les inégalités » justifiant de revenir sur cette jurisprudence Griesmar.

[55Voir §§ 56, 78, 89 et 95 de l’arrêt Leone.

[56« La réglementation française relative à certains avantages accordés aux fonctionnaires en matière de retraite introduit une discrimination indirecte fondée sur le sexe », Communiqué de presse n° 102/14 du 17 juillet 2014 sur l’affaire C-173/13.

[57« Cette décision va contraindre les pouvoirs publics à modifier une nouvelle fois les conditions d’attribution des avantages de retraite », Jean-Philippe Lhernould, Chron. Ed. Francis Lefebvre, RJS 2014, page 700 ; ou « Pour enfoncer le clou, la Cour précise que la discrimination indirecte identifiée dans cette affaire n’est pas justifiée par le paragraphe 4 de l’article 141 / 157 TFUE », E. Broussy, H. Cassagnabere, Ch. Gänsser, AJDA n° 40/2014, page 2295 ou encore « La réforme appelée en l’espèce par le Juge devra, de manière moins subtile et beaucoup plus directe, tirer les conséquences Griesmar et désormais Leone, qu’elle ne l’avait déjà fait avec la loi Fillon », C. Boutayeb, « Le régime français de retraite à l’épreuve du principe d’égalité des rémunérations entre hommes et femmes », RDSS 2014, page 1073 ; outre un article dans Les Echos : « Au Gouvernement, on ne se cachait pas d’utiliser cet artifice pour limiter toujours le bénéfice du dispositif aux seules femmes. Le Juge européen n’a pas été dupe », lesechos.fr du 17 juillet 2017 : « Retraite des fonctionnaires. La France rappelée à l’ordre. La Cour de Luxembourg retoque un artifice destiné à réserver aux femmes des avantages familiaux ».

[58Cf. CA LYON n° 14/00368 du 21 octobre 2014 CHAUMONT c/ CPR-SNCF et CA RENNES n° 13/05940 du 28 janvier 2015 SZOKE c/ APC-RETREP.

[59Ordonnance CAA LYON n°14LY03105 du 30.10.2014 (refus de référé-suspension ANESSI).

[60Le rapporteur public qualifie ainsi le « contrôle maximal » de la Cour de « nœud coulant » tendant « à déposséder le pouvoir politique de la moindre once d’appréciation » en citant Xavier SOUVIGNET : « De gardien de Droit, le juge devient ingénieur social », Cf. conclusions Bertrand DA COSTA in Arianeweb page 15.

[61Voir CE, n° 372426 du 27 mars 2015, QUINTANEL, 4ème à 6ème considérants pour la bonification, et 8ème considérant pour le départ anticipé.

[62CJUE, LEONE, Aff. C-173/13 du 17 juillet 2014, §§ 59.

[63Le tableau statistique produit par le ministre ne distingue pas entre tranches de revenus ou selon les catégories A, B ou C de fonctionnaires, ni entre les temps complets ou temps partiels, ou entre les générations de retraités concernés, ces objections ayant été avancées sans trouver de réponse dans l’arrêt QUINTANEL.

[64« L’accroissement de l’écart peut s’expliquer en partie, mais en partie seulement, par le fait que plus le nombre d’enfants augmente, plus importante est la proportion de femmes qui interrompent ou réduisent leur activité, au-delà du congé de maternité » Cf. conclusions du rapporteur public Bertrand DA COSTA p.17.

[65Voir Jean-Marc PASTOR « Le Conseil d’Etat tire profit de cette liberté d’appréciation pour ne pas suivre la Cour », AJDA 2015, page 663, dans le même sens : Grégoire CALLEY « Départ à la retraite du fonctionnaire : les avantages parentaux à nouveau confrontés au principe d’égalité de rémunération », JCP-Ed. Administrations et Collectivités Territoriales, n° 25, pages 27 à 29 ; Alexis ZARCA & Coralie MAYEUR-CARPENTIER : « Les compromis de l’égalité des sexes », AJFP, mai-juin 2015, pages 121 et 148 à 156.

[66« Dans un tel contexte, n’est-ce pas à une guerre des Juges que s’expose le Conseil d’Etat ? », Ghislaine ALBERTON : L’art de concilier déférence communautaire et résistance nationale, AJDA n° 31/2015, pages 1761 à 1767.

[67Civ. 2ème n°18-16.974 du 19.12.2019 (BRYSSENS c/ CPR-SNCF).

[68Le principal attendu peut être ainsi contracté : « Mais attendu que le maintien, fût-ce à titre transitoire, du régime de la liquidation par anticipation des droits à pension avec entrée en jouissance immédiate qui résulte de ces dispositions, engendre une discrimination indirecte (de sorte que) les modalités retenues par le dispositif, favorisant une fin anticipée de la carrière professionnelle, ne sont pas de nature à compenser, avec la cohérence requise, les désavantages de carrière résultant de l’interruption ou réduction d’activité professionnelle de deux mois en raison de la naissance. (Par conséquent), le droit à la liquidation de la pension ne saurait être subordonné (…) à la justification de l’interruption ou de la réduction de leur activité ».

[69La sanction judiciaire de toute discrimination directe ou indirecte est d’aligner les droits du sexe discriminé sur ceux du sexe favorisé en écartant la condition discriminatoire, Cf. CJCE, VAN DEN AKKER du 28.09.1994, Aff. C-28/93, mais cette obligation ne s’impose qu’aux juridictions.

[70« Que ce faisant, le législateur a entendu maintenir à titre provisoire, en raison de l’intérêt général qui s’attache à la prise en compte de cette situation, et à la prévention des conséquences qu’aurait la suppression des dispositions du b de l’art.L.12 CPCMR sur le niveau des pensions des assurées dans les années à venir (…) » Cf. 5ème considérant.

[71Cf. Rapport « Les droits familiaux de retraite » du Haut Conseil aux Familles dit rapport FRAGONARD, La Documentation Française-Mars 2015- Annexe p.59 et suivantes, où l’on apprend que la proportion départs anticipés chez les fonctionnaires retraitées représentait près des 2/3 des mères de trois enfants en 2006 (de 59,7% à 65,4% en stock comme en flux), sans doute davantage après les départs massifs de 2011 (30 000 femmes parties en retraite comme mères de trois enfants, près du triple des années précédentes).

[72L’art.44 de la loi n°2010-1330 a restreint la mesure aux fonctionnaires qui remplissaient les conditions d’ancienneté et d’enfants avant 2012, et prévu que les pensions de retraite anticipée des parents de trois enfants demandées après le 30.12.2010 ou liquidées après le 30.06.2011 étaient de nouveau affectées du coefficient de minoration et devaient justifier non-plus de 150 trimestres mais du nombre exigé selon la règle générationnelle introduite par la loi °2003-775 du 21.08.2003.

[73L’article L.5 du CPCMR permet de valider jusqu’à trois ans de congé parental mais uniquement pour les naissances postérieures à 2004, alors que l’art.L.351-5 du code de la sécurité sociale modifié par l’article 65 de la loi n°2009-1646 du 24.12.2009 opère cette même validation, mais dès son entrée en vigueur. Ainsi, une femme fonctionnaire qui a pris un congé parental total ou partiel jusqu’à trois ans avant 2004 n’aura pas de bonification supérieure à celle qui n’avait pas interrompu son activité en-dehors du congé de maternité.

[74En dépit de la validation explicite du Conseil Constitutionnel sur l’article 32 de la loi DC n°2003-483 du 14.08.2003 précitée, l’arrêt n° 07-20668 de la 2ème chambre civile de la cour de cassation du 19 février 2009 a déclaré que l’article L.351-4 CSS réservant huit trimestres de majoration de durée d’assurance (dites « M.D.A. ») aux femmes était discriminatoire au visa de l’article 14 CESDH.

[75L’article 65 de loi n° 2009-1646 du 24 décembre 2009 a scindé les huit trimestres de « M.D.A. » en quatre trimestres de majoration de naissance pour les femmes et quatre trimestres de majoration d’éducation attribués au père ou à la mère, au choix des parents d’enfants nés avant 2010. Pour les enfants déjà, les pères souhaitant bénéficier de ces quatre trimestres d’éducation doivent l’avoir demandé avant le 31.12.2010 et justifier avoir élevé seul l’enfant entre zéro et quatre ans, ce qui exclut la quasi-totalité des pères en pratique de son bénéfice, sauf les veufs dont la mère est morte en couche.

[76Voir les rapports parlementaires de Madame PANIS au Sénat du 3 novembre 2009 et celui de la délégation des droits des femmes de Madame ZIMMERMAN du 13 juillet 2010 qui identifient clairement les écarts de salaires et le temps partiel comme étant les principales causes des écarts de pensions de retraite entre hommes et femmes, confirmé par une étude selon laquelle les interruption d’un an à trois pour raisons familiales sont quasiment négligeables sur le montant des retraites, Cf. KERJOSSE & REMILA : « Les trajectoires professionnelles des agents de la fonction publique d’Etat » - INSEE 2013 in Dossier Emplois & Salaires, Ed. 2013, www.fonction-publique.gouv.fr.

[77Voir le 12ème rapport du Conseil d’Orientation des Retraites du 22 janvier 2013, le rapport de l’Institution des Politiques Publiques : « Réformer le système de retraite : les droits familiaux et conjugaux »-juin 2013, et le rapport de la Commission dite « MOREAU » : « Nos retraites demain : équilibre financier et justice », juin 2013.

[78En application de l’article 23 de la loi n°2014-40 du 20 janvier 2014 de réforme des retraites dite « Loi TOURAINE », le président du Haut Conseil aux Familles Bertrand FRAGONARD a déposé son rapport « Les droits familiaux de retraite » concomitamment à l’arrêt QUINTANEL en mars 2015 Cf. Documentation Française.

[79Voir notamment la délibération n° 2010-202 du 13 septembre 2010 et la proposition de la HALDE du 7 mars 2011 sur les désunions et l’absence de système de « splitting » comme en Allemagne lors du divorce, ou sur les familles monoparentales surreprésentées dans les très faibles retraites.

[80Voir note de renvoi n°9 supra, et l’excellente étude de Jean-Guy Huglo, JCP Europe Traités Fasc.602-1 ; Sur la directive 2006/54 dite « refonte », voir notamment l’article 3 et sa récente transposition au-delà du seul code du travail par l’article 85 de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 relative à la Justice du 21ème siècle.

[81Voir les trois études Economix (dirigée par D. MEURS), C.E.E. (dirigée par M. NARCY) et C.R.E.M. (dirigée par I. LEBON) demandées et synthétisée par la DGAFP et Défenseur des Droits in : Etudes, Recherche et Débats 10 mars 2015 et le rapport : La force de l’égalité, Les inégalités de rémunérations et de parcours professionnels entre femmes et hommes dans la fonction publique de la députée Françoise DESCAMPS-CROSNIER du 27.12.2016 à raison de 72% d’écarts provenant des différences d’emplois ou de grades, et 17% du temps partiel page 170.

[82Cf. Rapport du Haut Conseil aux Familles dit rapport FRAGONARD - Pensions de retraite des mères de famille : réformer les droits familiaux ? » mars 2015, La Documentation Française p.58.

[83Une première demande de son conseil du 28 avril 2014 fondée sur les dispositions de l’article R.122-21-2 du CJA avait été rejetée par le Président de la 7ème sous-section avant que Monsieur QUINTANEL renouvelle la démarche lui-même en invoquant le « principe d’équivalence » (pour obtenir les mêmes garanties pour son recours individuel que pour un recours pour excès de pouvoir dirigé directement contre un décret), ce qui a permis d’obtenir le 15 juillet 2014 une partie des procès-verbaux nominatifs des conseillers d’Etat présents lors des avis consultatifs concernant la loi n° 2003-775 du 21 août 2003, les décrets d’application n° 2003-1305 et 1306 du 29 décembre 2003, le décret n° 2005-449 du 10 mai 2005, ainsi que la loi n° 2010-1330 du 9 novembre 2010 et son décret d’application n° 2010-1741 du 30 décembre 2010.

[84L’un des paradoxes de cette affaire est qu’à la suite de son décès, c’est la pension de réversion de sa veuve qui a été pénalisée par la liquidation de sa pension de réversion sur la base d’une retraite gravement affectée par la décote appliquée pour insuffisance de trimestres, faute d’avoir été admis en qualité de père de trois enfants sur sa demande antérieure au 30.12.2010, alors qu’elle avait consacré l’essentiel de sa vie à élever leurs enfants communs.

[85La présence des hauts magistrats du Conseil d’Etat a été relevée à l’occasion des avis suivants : lors de l’AGO du 20 mai 2003 et de l’AGP du 22 mai 2003 pour le projet de loi de 2003, lors des AGO du 28 octobre 2004 pour le projet de décret de 2005, lors de la séance du 22 mars 2005 à la section des finances pour le décret de 2005, lors de l’AGO du 3 juin 2010, lors de la séance du 5 juillet 2010 de la section sociale et de l’administration pour le projet de loi de 2010 ; La liste complète et exhaustive pouvant être demandée à Maître Claudio PARISI, Avocat au Barreau de LYON.
- Cf. CEDH n° 14570/89 du 28 septembre 1995 à l’origine de la création d’une Cour Administrative de Cassation distincte du Conseil d’Etat maintenu pour ses attributions consultatives.
- CEDH, KLEYN & Autres, n° 39343/98, 39651/98, 43147/98 et 46664/99 du 6 mai 2005, CEDH, SACILOR LORMINE, n° 654011/01 du 9 novembre 2006 et ses nombreux commentaires, notamment ceux de AUTIN et SUDRE à la RFDA 1996, p.777 ou RFDA 2007 p.342 ; Christophe de BERNARDINIS : L’impartialité du juge : De l’apparence à la réalité juridique, Petites Affiches 02.03.2004 n°44 p.9 ; David SZYMCZAK : Le dualisme fonctionnel du Conseil d’Etat au révélateur de la Cour Européenne des Droits de l’Homme : Nouvelles réponses, nouvelles incertitudes, JCP Ed. Adm.et Coll.Territ.08.01.2007 n°1-2 p.28-31.
- Après l’avoir déclaré irrecevable sur le fondement d’un ancien arrêt POUJOLS (CE 21.07.1972 Lebon p.593), cf. C.E. n°390287 du 09.11.2015 REVISION QUINTANEL.
- Cf. C.E. n°204495 du 28.07.2000 Feldman sur la récusation de la presque totalité d’une formation de jugement, et C.E. n°47017 du 27.03.1991 Bertin ou C.E. n°246883 du 16.06.2004 Marc-Antoine sur l’irrecevabilité de la requête en suspicion légitime devant le Conseil d’Etat ; Voir aussi Victor HAIM au Répertoire Dalloz-Contentieux Administratif à « Impartialité ».
- Voir respectivement CE, n° 195715 du 23 février 2000, LABOR METAL, CE, n° 240028 du 6 décembre 2002, TROGNON & CE, n° 234353 du 4 juillet 2003, DUBREUIL.
- Ordonnance de non-admission LAUTECAZE, n° 387103 du 19 juin 2015 et l’arrêt Epoux D’AMATO, n° 373697 du 5 octobre 2015.
Il s’agit de neuf présidents ou présidents-adjoints qui ont participé à un ou plusieurs avis consultatifs de la section finance ou sociale ou en AGO ou AG plénière des projets de loi n°369097 de 2003, projets de décret n°369629 de 2003 et n°371441 de 2004/2005, puis projet de loi n°384282 et de décret n°384679 de décret de 2010. Pour les noms des membres du Conseil d’Etat concernés, voir www.mo-avocats.fr.

[86Cf. CEDH n° 14570/89 du 28 septembre 1995 à l’origine de la création d’une Cour Administrative de Cassation distincte du Conseil d’Etat maintenu pour ses attributions consultatives.

[87CEDH KLEYN & Autres, n° 39343/98, 39651/98, 43147/98 et 46664/99 du 6 mai 2005 ; CEDH SACILOR LORMINE n° 654011/01 du 9 novembre 2006 et ses nombreux commentaires, notamment ceux de AUTIN et SUDRE à la RFDA 1996, p.777 ou RFDA 2007 p.342 ; Christophe de BERNARDINIS : L’impartialité du juge : De l’apparence à la réalité juridique, Petites Affiches 02.03.2004 n°44 p.9 ; David SZYMCZAK : Le dualisme fonctionnel du Conseil d’Etat au révélateur de la Cour Européenne des Droits de l’Homme : Nouvelles réponses, nouvelles incertitudes, JCP Ed. Adm.et Coll.Territ.08.01.2007 n°1-2 p.28-31.

[88Après l’avoir déclaré irrecevable sur le fondement d’un ancien arrêt POUJOLS (CE 21.07.1972 Lebon p.593), cf. C.E. n°390287 du 09.11.2015 REVISION QUINTANEL.

[89Cf. C.E. n°204495 du 28.07.2000 Feldman sur la récusation de la presque totalité d’une formation de jugement, et C.E. n°47017 du 27.03.1991 Bertin ou C.E. n°246883 du 16.06.2004 Marc-Antoine sur l’irrecevabilité de la requête en suspicion légitime devant le Conseil d’Etat ; Voir aussi Victor HAIM au Répertoire Dalloz-Contentieux Administratif-Impartialité.

[90Voir respectivement CE n° 195715 du 23 février 2000 LABOR METAL ; CE n° 240028 du 6 décembre 2002, TROGNON & CE n° 234353 du 4 juillet 2003 DUBREUIL.

[91Ordonnance de non-admission LAUTECAZE, n° 387103 du 19 juin 2015 et l’arrêt Epoux D’AMATO, n° 373697 du 5 octobre 2015.

[92« Plusieurs pourvois formés par des pères de trois enfants sont en instance devant le Conseil d’Etat, dont l’issue, eu égard au rôle que la Haute juridiction a joué en tant que conseiller du Gouvernement lors de la rédaction des textes incriminés, est pour le moins incertaine (…) », Cf. Mémoire CNRACL du 22 décembre 2014 dans l’affaire LEONE effectivement rejetée par arrêt n° 12LY02596 du 3 novembre 2015.

[93Voir notamment CE n° 381979 QUELENNEC du 31.07.2015 ; CE n° 391468 et 391467 BELTRAN et POCHAT des 27 et 13 octobre 2015 ; CE n° n°369368 THEBAUD, n° 376751 MUCCIA, n° 376552 LUSINCHI, n° 376553 DOHET, n° 376550 QUINCY du 30 décembre 2015 ; CE n°385675 TURPIN du 15 février 2016.

[94« Les Conseillers d’Etat en service extraordinaire peuvent être affectés à la section du contentieux », ce qui revient à soutenir que le législateur a manqué à sa compétence de l’article 34 alinéa 1 de la Constitution qui prévoit que la loi fixe elle-même les règles concernant les « garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l’exercice des libertés publiques » en violation du principe d’indépendance et d’impartialité résultant des articles 6 et 16 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 complétés par l’article 64 de la Constitution faisant obstacle à ce que cette règle du déport censée garantir l’impartialité du Conseil d’Etat soit organisée par voie de décret seulement.

[95Décision QPC n° 2010-10 du 2 juillet 2010 pour le Tribunal Maritime Commercial, Décision QPC n° 2011-147 du 8 juillet 2011 pour le Tribunal pour Enfants, Décision QPC n° 2011-200 du 2 décembre 2011 pour la Commission Bancaire confirmées par décision QPC n° 2014-457 du 20 mars 2015 pour l’Ordre des Pharmaciens.

[96« Qu’au demeurant, les membres du Conseil d’Etat qui ont participé à un avis rendu sur un projet d’acte soumis par le Gouvernement ne participent pas au jugement des recours mettant en cause ce même acte (…) », CE n° 320667 du 16 avril 2010 Association ALCALY.

[97L’avocat au Conseil d’Etat chargé de soutenir le recours en révision de la veuve QUINTANEL, les questions préjudicielles portant sur le défaut d’impartialité du Conseil d’Etat au visa de l’article 47 CDFUE ainsi que la question prioritaire de constitutionnalité a dû être commis d’office par la Présidente de l’Ordre des Avocats au Conseil d’Etat par précaution.

[98Après avoir pourtant attiré l’attention de la Présidente sur la composition de la 7ème chambre comprenant notamment Monsieur Bertrand DACOSTA (Rapporteur Public dans l’affaire QUINTANEL) et Madame Charline NICOLAS (maître des requêtes ayant participé à l’assemblée du contentieux dans l’affaire QUINTANEL), des récusations ont été adressées à la 7ème sous-section, rejetées par arrêts n° … de la 9ème sous-section du 8 juin 2016 assortis d’amendes civiles légères pour recours abusif au terme de laquelle Monsieur Bertrand DACOSTA s’est finalement déporté de lui-même.

[99CE n° 395056 CISZEK ; n° 395052 LEINEN ; n° 395055 NENOT ; n° 395051 et n°395057 LARES et n° 395053 VANTALON du 22 juin et 1er juillet 2016 ; CE du 08.07.2016 SEGURA, n° 395833 LEONE, n°395831 SEVENO n°397210 DRESCHER, n°397185 MOREAU, n°397209 BOURNOT, n°397195 DECOUSSE, n°395832 COUFFON.

[100cf. CE ALITALIA, n° 74052 du 03.02.1989 sur l’obligation de retirer ou abroger les textes réglementaires qui se révèlent contraires au droit communautaire, ou l’article 23 de la directive 2006/54 relatif à l’obligation de mise en conformité du droit national avec le principe d’égalité de traitement.

[101CE n° 395562 du 19 octobre 2016, COLLECTIF EGALITE RETRAITE c/ Premier Ministre.