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L’outil médiation à l’aide des « référents harcèlement sexuel et agissements sexistes » du CSE. Par Lionel Gonzales, Juriste.
Parution : vendredi 10 janvier 2020
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Les "référents sexuels" des CSE, doivent venir renforcer l’action de l’entreprise au titre de son obligation de sécurité et de prévention…
Quel est légalement leur rôle ? Comment les entreprises peuvent les aider dans leur posture délicate ? Doivent-ils privilégier une posture d’enquêteur ou de médiateur ?
Leur accompagnement et leur formation sont stratégiques.

1. Depuis le 1er Janvier 2019, les référents harcèlement sexuel et agissements sexistes sont obligatoires dans toutes les entreprises en présence d’un CSE, sans condition d’effectif.

Le référent du CSE est désigné parmi ses membres (élu ou représentant syndical), à la majorité des membres présents, il est nommé pour la durée des mandats en cours. Il est soumis à une confidentialité envers les élus.
En plus du « référent CSE », un « référent employeur » est désigné dans les entreprises d’au moins 250 salariés.

La lutte contre toutes les formes de harcèlement devient une priorité politique et l’entreprise est en première ligne. Outre des ressentis multiples, sa définition légale est subtile.

Le harcèlement sexuel peut être juridiquement constitué par « assimilation » et sans répétition.

« L’article L 1153-1 du Code du travail, désigne les faits suivants :

1° Soit de harcèlement sexuel, constitué par des groupes ou comportements à connotation sexuelle répétés qui soit portent atteinte à sa dignité en raison de leur caractère dégradant ou humiliant, soit créent à son encontre une situation intimidante, hostile ou offensante ;

2° Soit assimilés au harcèlement sexuel, consistant en toute forme de pression grave, même non répétée, exercée dans le but réel ou apparent d’obtenir un acte de nature sexuelle, que celui-ci soit recherché au profit de l’auteur des faits ou au profit d’un tiers. »

La loi ne définit pas clairement le rôle du référent CSE.

« Le référent CSE (Article L2314-1) :
Un référent en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes est désigné par le comité social et économique parmi ses membres, sous la forme d’une résolution adoptée selon les modalités définies à l’article L. 2315-32, pour une durée qui prend fin avec celle du mandat des membres élus du comité. »

« Le référent employeur (Article L1153-5-1) :
Dans toute entreprise employant au moins deux cent cinquante salariés est désigné un référent chargé d’orienter, d’informer et d’accompagner les salariés en matière de lutte contre le harcèlement sexuel et les agissements sexistes.
 »

En pratique, le référent aura un rôle de prévention et de sensibilisation. Il devra aussi éclairer et orienter chaque salarié sur ses droits (ex : saisie des prud’hommes, inspection du travail, plainte etc…).
Il devra apprendre à cerner les frontières entre séduction/harcèlement et humour/sexisme.
Son attention se centrera sur les notions de consentement, répétition et intentionnalité.

La réception de l’alerte et la première analyse de la situation doivent se faire dans un cadre de confidentialité, d’écoute et de bienveillance pour l’ensemble des personnes.

Enfin il accompagnera la personne plaignante et la personne mise en cause durant toute la procédure. Quelques soient les suites proposées par l’enquête, le référent devra veiller à ce que les salariés impliqués retrouvent des conditions de travail « normales » et éviter de potentielles représailles.

2. La « posture de médiateur » doit être privilégiée à celle de « justicier ou d’enquêteur ».

Le référent n’a pas pour rôle de mener l’enquête seul, ni de qualifier juridiquement les faits !
Ce n’est donc pas une posture de juge ou de juriste qui est attendue de sa part.

L’entreprise doit l’accompagner et contrôler son intervention.

Les étapes de l’alerte harcèlement sont les suivantes :

La phase de réception du signalement et de l’accueil de l’auteur :
- Premier échange d’écoute et d’information.
- Première analyse de la réalité des faits signalés. Détermination du besoin de lancer une enquête plus approfondie. Accompagnement.

La phase d’enquête, de la direction et/ou du médiateur :
- Entretiens individuels avec les personnes impliquées (auteur présumé, témoins..).
- Rencontre plénière des personnes.

Compte rendu de l’enquête - Plan d’actions correctives :
- Conclusions de la direction.

Bien loin, d’un mode inquisitorial, le référent devra être lui-même former à la « posture de médiation » et à ses techniques d’écoute.
Il ne doit surtout pas rechercher et voir le harcèlement partout… Ni orienter systématiquement vers le médecin du travail, l’inspection, le défenseur, les prud’hommes, le dépôt de plainte…

Les formations ou les accompagnements purement juridiques, dont l’objectif est de déterminer la qualification des faits, sont à bannir !

Au-delà des formations obligatoires des membres du CSE (L2315-18 du Code du travail), la formation du référent doit être organisée, prise en charge et contrôlée par l’entreprise.

Les entreprises devront aussi accompagner le référent dans sa démarche quotidienne. En lui permettant d’avoir un appui ou l’assistance appropriée, afin de l’aider en cas de situation trop délicate ou inconfortable.

Sans quoi, le référent ira chercher ailleurs (Avocats, médecins, etc…) un soutien qu’il ne trouve pas en interne, au risque d’alimenter voire d’aggraver le conflit ! Ce sera rarement vers un médiateur…

Il sera donc souvent judicieux de lui proposer de faire appel à un professionnel de la relation et du conflit, comme le médiateur, qui aidera l’ensemble des parties à avancer dans leurs objectifs respectifs.

La formation devra donner quelques bases juridiques, mais surtout, elle devra former sur la posture de médiation et créer un lien de partenariat avec l’entreprise en cas d’enquête.

A ne pas laisser entres toutes les mains !

Lionel Gonzales Juriste en droit du travail; Médiateur en entreprise, référencé près la Cour d'appel de Paris; Conseiller prud'hommes Conseil en négociations et médiations stratégiques