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Contrôle fiscal : proposition de rectification et délai de réponse, attention aux prorogations. Par Frédéric Naïm, Avocat.
Parution : mardi 14 janvier 2020
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A l’issue d’une vérification de comptabilité, l’Administration fiscale adresse au contribuable qui vient de faire l’objet du contrôle fiscal, une proposition de rectification. La question qui se pose régulièrement est celle des prorogations de délais.

A réception de la proposition de rectification, vous disposez normalement d’un délai de 30 jours pour répondre et vous vous demandez si vous avez droit à une prorogation du délai de réponse à 60 jours. Il existe en effet certains cas bien spécifiques où le contribuable a le droit de solliciter et d’obtenir une prorogation du délai de 30 jours pour répondre.

Si vous êtes dans le cas précis où vous y avez droit, voici comment les choses se présentent : vous recevez par exemple une proposition le 15 juin, vous êtes alors censé répondre pour le 15 juillet ; vous demandez par recommandé à votre contrôleur une prorogation du délai de réponse ; vous avez alors automatiquement le droit de répondre jusqu’au 15 août.

Vous n’avez pas besoin d’attendre du vérificateur une réponse, il n’est d’ailleurs pas du tout obligé de vous répondre. Vous avez fait cette demande, vous devez répondre au 15 août.

Le problème que je rencontre très régulièrement est que certains contribuables sont induits en erreur par la première page de la proposition de rectification. Sur cette première page, il est indiqué que vous disposez d’un délai de réponse de 30 jours éventuellement prorogé. Et il m’arrive souvent de recevoir des clients ayant déjà fait la démarche de demander la prorogation, sans s’être posé la question de savoir s’ils avaient le droit de demander cette prorogation. Il n’est malheureusement pas rare qu’ils se fassent piéger parce qu’ils pensent être fondés à demander la prorogation alors qu’en réalité ils ne satisfont pas aux critères permettant de la demander.

En effet, la prorogation du délai de réponse ne peut pas être demandée par tous les contribuables. Seuls peuvent y prétendre les contribuables qui sont dans le cadre d’une procédure contradictoire, visée à l’article L55 du Livre des Procédures Fiscales. Normalement vous trouvez cet article dans votre proposition de rectification, non pas en première page mais à la page 3, 4 ou 5 ; une lecture attentive vous permettra de localiser un paragraphe appelé ‘procédure’. Si vous voyez la mention de l’article L55 du LPF - Livre des Procédures Fiscales - vous avez donc le droit de solliciter une prorogation du délai de réponse pour ces redressements inscrits dans le cadre d’une procédure contradictoire.

En revanche, si vous êtes en taxation d’office ou en évaluation d’office, deux situations différentes, ou en activité occulte - encore une autre situation qui est une composante de l’évaluation d’office - alors vous devez impérativement répondre dans les 30 jours. Il n’y a pas de prorogation pour vous. Il faut impérativement répondre, et systématiquement en refusant clairement les redressements et en donnant une motivation pour que votre refus soit pris en compte ; à cette condition l’administration pourra considérer que vous avez vraiment valablement répondu et refusé les redressements qui vous ont été notifiés.

Pour quelle raison insister sur ce point ? Pourquoi parler de la prorogation et s’interroger pour savoir si on a ou non le droit de la solliciter ? Tout simplement parce que les conséquences sont lourdes. Si vous avez fait une demande de prorogation alors que vous n’y aviez pas droit et que vous n’avez donc pas répondu dans les 30 jours initiaux, l’administration vous opposera les articles L57 puis R194 du Livre des Procédures Fiscales en considérant que vous avez accepté tacitement les redressements. Elle dira donc que vous n’avez pas répondu dans les 30 jours et que vous avez ainsi accepté les redressements ; la conséquence en est que c’est au contribuable de démontrer que l’administration s’est trompée.

On n’est plus ici sur un équilibre où il faut se battre face à l’administration où la charge de la preuve incombe un peu aux deux - même s’il est dit qu’en pratique cette charge incombe à l’administration ; là, c’est totalement inversé. C’est au contribuable de démontrer lors de la contestation qu’il existe une preuve quasi incontestable qu’il a raison dans ce dossier. Tout s’inverse parce qu’il n’a pas répondu dans les délais et est présumé avoir accepté le redressement.

Soyez donc prudents concernant ces notions de prorogation des délais de réponse, le sujet est délicat, énormément de contribuables se font piéger. Il ne faut pas hésiter à se faire conseiller, d’autant qu’il suffit de deux ou trois minutes pour obtenir un avis en envoyant simplement les cinq premières pages de votre proposition de rectification. Vous pourrez ainsi savoir si oui ou non vous avez le droit de demander la prorogation. Dans le doute, refusez dans les 30 jours.

Maître Frédéric Naïm, avocat fiscaliste Cabinet Naïm & Leroux avocats Spécialiste du contrôle fiscal, redressement fiscal, contentieux fiscal, droit fiscal [->frederic@naimavocats.fr] [->www.naimavocatfiscaliste.com]